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Drame humain: Pas satisfait de ses résultats, un ado de 17 ans se donne la mort…
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Drame humain: Pas satisfait de ses résultats, un ado de 17 ans se donne la mort…
Les résultats du SC ont été proclamés jeudi. Et, malgré la pandémie et les confinements, le taux de réussite est en hausse, passant à 85,67 % contre 70,93 % l’année dernière. Mais alors que ceux qui ont passé ce cap fatidique se réjouissent, pour d’autres, le cœur n’est pas à la fête. Certains restent sur le banc de touche. L’un d’entre eux s’est même ôté la vie parce que, selon lui, il n’a pas été à la hauteur des espoirs placés en lui…
Choc. Consternation. Incompréhension. Impuissance. Nash (prénom d’emprunt), un adolescent de 17 ans, s’est donné la mort, vendredi… Pourquoi ? Il n’était pas satisfait de ses résultats du School Certificate (SC). Dans un acte désespéré, il s’est pendu à un fil électrique relié à un appareil servant à faire de l’exercice, qu’il a branché... C’est sa petite sœur de 9 ans qui a découvert le corps... Les funérailles de Nash ont eu lieu hier.
A son domicile, à Verdun, le temps s’est figé. Les proches de l’adolescent ont du mal à concevoir que leur aîné, qui fréquentait le Mahatma Gandhi Secondary School (MGSS), à Moka, n’est plus de ce monde. Ils n’arrêtent pas de se demander comment cela a pu leur arriver, à eux.
Vendredi soir, en rentrant chez elle, la mère de famille, âgée de 42 ans, employée du conseil de district de Moka, entend les cris déchirants et les sanglots saccadés de sa cadette. Elle se dit en son for intérieur que le frère et la sœur se sont une nouvelle fois disputés… Mais, sous ses yeux écarquillés, horrifiés, elle découvre le corps sans vie de son fils gisant au sol, au premier étage de la maison. Elle tente, avec la force du désespoir, de réanimer son «grand bébé», avant d’alerter les secours. Il est déjà trop tard. Le corps de Nash a été transféré à la morgue de l’hôpital Victoria, Candos, pour les besoins de l’autopsie. Son décès a été attribué à une asphyxie due à la pendaison.
Pourtant, le papa de l’adolescent lui avait parlé aux alentours de midi, le jour du drame. Il était loin de se douter que c’était la dernière fois qu’il entendait la voix de son fils. Mais il semblerait que l’adolescent n’était pas satisfait de ses résultats. Après une deuxième tentative Nash, qui avait opté pour la filière Economics-Accounts, avait obtenu des «crédits». Nash a toutefois confié à ses amis qu’il était déçu, qu’il s’attendait à mieux faire, à rendre ses parents fiers. Un camarade explique qu’après ses résultats de l’année dernière, celui-ci s’était promis d’être plus dévoué aux études, de fournir plus d’efforts. «Li ti dir li pou met serié, li pou manz ar li», lâche-t-il, dévasté lui aussi d’avoir perdu «enn larmé». Mais à aucun moment n’a-t-il laissé présager qu’il était au bord du gouffre, sur le point de commettre l’irréparable…
Personne ne parvient à accepter la décision du collégien. Personne n’arrive à comprendre comment il a pu faire «ça». «Il avait toute sa vie devant lui. Il pouvait continuer ses classes. La dernière fois qu’on l’avait vu, c’était en juin. On se parlait souvent, mais il n’a jamais évoqué le suicide. Je ne sais pas ce qui a pu lui passer par la tête. Ti enn garson kontan dialogué, kozé, riyé badiné, non, vraimem pa konpran», martèle un copain, dépité, dévasté.
Nash avait rejoint le MGSS en Grade 8, après son retour de Rodrigues, où son père était employé. Le collégien avait également livré ses états d’âme à un enseignant, lui disant qu’il voulait à tout prix réussir pour faire plaisir à ses proches. Celui-ci lui avait alors conseillé de travailler plus dur, de ne pas baisser les bras… Mais il semblerait que ses épaules étaient trop fragiles pour tenir le poids de ce qui, dans sa tête, était un échec.
À Verdun, les voisins sont tout aussi secoués par cette tragédie. Vendredi, à deux reprises, ils ont vu Nash, qui traversait la rue pour se rendre à la boutique du coin. Des maçons qui travaillaient à côté de son domicile affirment avoir entendu les cris et les pleurs de la petite, mais pensaient qu’ils se disputaient. «Si seulement nous avions pu porter secours à cet enfant, d’une manière ou d’une autre…»
Au domicile de Nash, les larmes et les hurlements de détresse ne tarissent pas lorsqu’il entame son dernier voyage. Au milieu des sanglots, un de ses proches tient tout de même à lancer un appel aux collégiens. «Avoir d’excellents résultats, c’est bien, mais pour ceux qui n’y parviennent pas, la vie ne s’arrête pas là. On peut quand même réussir dans la vie...»
Ashley : «L’école est bel et bien finie»
Déception. Ashley, 17 ans, n’a pas obtenu les cinq «credits» obligatoires et doit désormais interrompre ses études. «J’ai révisé… mais j’avoue, pas assez…». Ce jeune élève de 17 ans, qui réside dans les Plaines-Wilhems, jette l’éponge après avoir pris connaissance de ses résultats du School Certificate (SC) le jeudi 12 août 2021. Les épreuves étaient échelonnées sur huit matières et se sont soldées par l’obtention de trois «Pass» et un «credit». «Je m’attendais au pire. Je pensais avoir échoué à tous les examens. Lorsque j’ai vérifié mes résultats en ligne, j’étais surpris. Au final, je n’ai pas échoué mais j’ai eu un General Certificate of Education (GCE) Award. Cela dit, avec cela, je ne pourrai être promu en Grade 12», soutient-il.
Que s’est-il donc passé ? Selon Ashley, certains examens étaient faciles, notamment ceux de français qui lui ont valu un «C» comme notation. Par contre, les épreuves de mathématiques, d’informatique et de physique étaient particulièrement ardues, estime-t-il. «Je ne suis pas doué avec les chiffres. Je préfère les langues», ajoute-t-il.
D’ailleurs, il énonce d’autres difficultés liées au bouleversement du calendrier scolaire. Par exemple, il ne pouvait pas suivre les cours en ligne ni toutes les classes programmées car il avait du mal à se concentrer. Selon lui, la période des examens était très stressante. «On était en confinement. En plus, habitant dans la zone rouge, j’étais encore plus angoissé. Il y avait la pression des examens et aussi la peur de sortir alors qu’il y avait des cas positifs au Covid-19 au sein de la population», se rappelle-t-il.
Privé de promotion et de possibilité d’enchaîner avec le Higher School Certificate, qu’adviendra-t-il donc d’Ashley ? Pour lui, sa scolarité touche désormais à sa fin. «J’avais déjà décidé d’interrompre mes études au collège. Les études académiques, ce n’est pas fait pour moi. J’ai plutôt envie de suivre une formation professionnelle à présent. Je ne sais pas encore laquelle», déclare-t-il. Il explique avoir travaillé avec son père durant les vacances scolaires et avoir apprécié les travaux manuels.
Toujours en réflexion sur le prochain tournant de sa vie, Ashley ne sait quelle voie emprunter pour l’instant. Mais une chose est sûre : «l’école est bel et bien finie». «Même si je n’ai pas réussi académique- ment, je suis convaincu que je suis doué dans un tout autre domaine», indique l’adolescent.
Système malade
Ils avaient toute la vie devant eux. Mais, n’ont pu supporter le poids qui pesait si lourdement sur leurs épaules, que proches et amis croyaient pourtant solides. Et si les raisons qui poussent les ados au suicide sont nombreuses, l’échec scolaire en fait partie.
Selon le pédagogue et ancien chargé de cours au Mauritius Institute of Education, Faizal Jeerooburkhan, ce qui est arrivé à Nash risque d’arriver encore et encore. «Nous avons un système éducatif élitiste à Maurice où la plupart du temps c’est ceux qui sont en haut de l’échelle qui réussissent et si ce n’est pas le cas aussi, ils vivent sous une pression constante de devoir faire plus.» Il est d’avis que la fonction des examens à Maurice n’est pas ce qu’elle devait être. C’est-à-dire, repérer les faiblesses des enfants pour leur permettre d’y remédier. Pour Faizal Jeerooburkhan, au lieu de ça, on est en train de définir la vie d’un jeune à travers un examen. «Conditionner un enfant dès le jeune âge, le laisser grandir avec l’idée que s’il ne réussit pas des examens académiquement il ne réussira pas dans la vie, c’est ce qui pousse un enfant à l’abandon ou encore au suicide lorsqu’il n’a pas eu les résultats qu’il espérait ou que son entourage ou la société attendait de lui.»
Beaucoup de pression
Magalie Deliot, présidente de l’association Planète Enfants, abonde dans le même sens. «Il y a beaucoup de pression et de critiques faciles à l’encontre des jeunes lorsqu’ils vont prendre part à un examen. To bizin fer sa, to bizin passé ladan si to anvi gagn travay, etc. Il n’y a qu’à voir les commentaires sur Facebook lorsqu’on parle d’examen. Et c’est beaucoup trop de pression pour un jeune. Certains n’arrivent pas à tenir.»
Elle ajoute que la société et beaucoup de parents aussi essaient de formater les petits, dès l’enfance, pour qu’ils réussissent académiquement et cela sans prendre en compte leur psychologie, leur mental. Ce qui fait que lorsqu’ils arrivent à l’adolescence, ils n’arrivent pas à gérer.
Nishal Joyram, enseignant depuis plus de 20 ans, est du même avis. Le suicide chez les ados, l’autodestruction, entre autres, sont les symptômes d’un mal profond. «C’est le système lui-même qui est malade et rien ne pourra s’arranger de façon permanente s’il n’est pas traité.» Nishal Joyram est catégorique, l’éducation ne peut pas être basée que sur ce que l’on apprend dans les livres. Et la réussite non plus. Il faut faire évoluer les mentalités, comprendre enfin qu’il y a plusieurs types d’intelligence et qu’il ne faut pas seulement mettre l’accent sur les bouquins.
«Par exemple, les activités que l’on appelle extracurricular, elles devraient être cocurricular. Donner la possibilité à des jeunes afin qu’ils puissent lâcher prise avec des périodes consacrées au foot, au théâtre, entre autres durant les heures de classe, cela aidera énormément. Au lieu des leçons particulières…»
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