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Rapport du GIEC - Changement climatique: Maurice peine à garder la tête hors de l’eau
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Rapport du GIEC - Changement climatique: Maurice peine à garder la tête hors de l’eau
Cette semaine, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a émis un rapport pour le moins inquiétant. Le réchauffement climatique menace l’humanité. Des années 70 à ce jour, les températures ont augmenté plus rapidement que sur n’importe quelle autre période des 2 000 dernières années.
Une hausse du niveau de la mer de 2 mètres n’est pas à exclure d’ici 2100 et, si le monde n’agit pas vite, les inondations et sécheresses extrêmes, entre autres, seront de plus en plus fréquentes. Mais peu importe les mesures prises, la hausse des températures sera de 1,5 °C depuis l’ère préindustrielle en 2040, et les efforts doivent être concertés pour que la barre des 1,5°C ne soit pas dépassée.
Et Maurice dans tout ça ? Le président du National Youth Environment Council (NYEC), le Dr Zaheer Allam, et le porte-parole de Platform Maurice Lanvironman et activiste environnementale, Adi Teelock, livrent leur point de vue. Et ils ne sont pas toujours d’accord. Alors que l’un mise tout sur le changement de la politique globale en développement durable, l’autre rappelle que depuis des an- nées, tous les plans directeurs pour guider le pays comportent des lacunes…
Quel est l’impact sur nos îles ? C’est la question sur toutes les lèvres depuis la publication du rapport du GIEC. «La situation est cocasse. Pour notre confort, nous avons tourné le dos à notre responsabilité environnementale et cela nous met désormais dans une position nettement plus inconfortable», dit d’emblée le Dr Zaheer Allam. Il explique que selon les prévisions, la pluviométrie et les températures auront certainement un impact sur la qualité de la vie et de l’économie dans son ensemble. Adi Teelock donne des exemples concrets du drame qui se profile pour Maurice et les îles de la République. «La hausse du niveau de la mer est plus rapide qu’ailleurs, le risque de cyclones dévastateurs est élevé ; plages, routes et autres infrastructures côtières sont menacées.» Elle rappelle qu’une baisse des précipitations a été notée. «Mais les précipitations et les pluies très intenses de courte durée qui provoquent la montée subite des eaux font déjà des dégâts conséquents chaque année aux champs, aux maisons, aux routes.»
Ce qui fait dire au président du NYEC que notre vie va vite changer drastiquement. «De la planification aux habitudes, tout doit changer. Il faudra que cette adaptation soit soutenue par les finances», en rappelant que les économies à l’international ont été grandement affaiblies par la pandémie. Ensuite, il y a l’impact que cela aura sur la vie quotidienne. L’approvisionnement en produits alimentaires sera plus complexe, surtout que Maurice dépend grandement de l’importation pour l’alimentation. Il y a aussi l’impact des catastrophes à répétition sur la santé mentale.
Quid des solutions ? C’est ici que les avis divergent. Pour le Dr Zaheer Allam, le gouvernement seul n’a pas beaucoup de marge de manœuvre pour agir sur la politique environnementale. «Certes, il a un rôle important. Mais il y a une diversification des énergies», explique-t-il, prenant l’exemple des milliers de panneaux photovoltaïques qui sont apparus ; des centrales au charbon rendues désuètes face à l’accès à l’énergie verte. «Cette approche concertée regroupe les consommateurs, le gouvernement, le monde de la finance et les industriels. C’est important pour que le renouveau de la politique environnementale fasse son chemin», dit-il, rappelant les engagements pris pour l’élimination du charbon.
Mais Adi Teelock n’en démord pas. Le gouvernement a un rôle crucial, mais il a raté le départ prenant les engagements sur le charbon comme exemple. «Le gouvernement a annoncé dans le dernier Budget quele charbon, grande émettrice de CO2, serait éliminé de la production d’électricité dans neuf ans. Il prévoit de le remplacer par davantage d’hydrocarbures et une production accrue d’électricité à partir de sources renouvelables», rappelle l’activiste. Mais il n’y a ni stratégie, ni plan de réalisation, donc pas de politique durable définie. Ce n’est pas tout. Ces hydrocarbures sont aussi émetteurs de méthane. «Le rapport du GIEC préconise une baisse drastique des émissions de méthane car ce gaz reste bien moins longtemps dans l’atmosphère. Signal donc également pour que la gestion des déchets verts se fasse au pas de course plutôt qu’à pas de kourpa, comme c’est le cas de- puis des années», fustige-t-elle.
Mener par l’exemple
Sommes-nous donc de mauvais élèves ? En tant que petit État insulaire en développement, notre émission de gaz à effets de serre au niveau global est insignifiante, répond le Dr Zaheer Allam. «Mais cela ne veut pas dire que nous ne devons pas mener par l’exemple», ajoute-t-il dans la foulée. «Il nous faut maintenant étudier ce que nous pouvons entreprendre pour la conservation de notre écosystème et tendre vers des politiques durables. Mais il ne faut pas tomber dans la politique à ce sujet.» Il préconise donc d’encourager le secteur privé à se tourner vers le développement durable et à donner des choix plus verts aux consommateurs. «La politique est secondaire», réitère-t-il.
Encore une fois, Adi Teelock a un point de vue opposé et rappelle que dans tous les plans directeurs du gouvernement pour guider le pays vers la réduction des émissions de CO2 et le rendre plus résilient face au changement climatique, il y a des lacunes. «Il est inquiétant de constater que la révision de la National Development Strategy qui guide l’aménagement du territoire ne place toujours pas le changement climatique au centre de ses stratégies directrices», déplore-t-elle. L’accent, ajoute-t-elle, est mis sur l’atténuation du réchauffement climatique tandis que l’adaptation est plutôt négligée, eu égard à son importance pour nos îles. «L’on autorise toujours, par exemple, à construire près de la mer alors que nous devrions utiliser toute partie de plage disponible pour renforcer ou bâtir nos défenses naturelles contre la montée des eaux et la submersion marine !»
L’autre point sur lequel les deux spécialistes s’accordent est que le problème n’est pas nouveau. Le GIEC existe depuis 1988 et attire l’attention sur ce problème depuis sa création. «Malgré tout, il y a eu la victoire des énergies fossiles. Mais les temps ont changé et désormais, même les géants pétroliers investissent dans les énergies renouvelables», dit le président du NYEC. «Les énergies vertes gagnent déjà du terrain et il faut désormais tabler sur les avantages du renouvelable. Nous devons être innovants.»
Le mot innovation n’est certainement pas le premier qui vient en tête pour Adi Teelock. Elle rappelle que depuis au moins dix ans, il y a des rapports et études sur ce qui doit être fait pour surtout nous adapter, bâtir notre résilience et notre capacité à faire face aux risques de désastre. «Près de dix ans séparent la première ébauche d’un projet de loi sur le changement climatique et la Climate Change Act l’année dernière ! Et cette loi ne fait que mettre en place le cadre administratif de la gestion du changement climatique. Il n’y a toujours pas de stratégie et de plan pour faire face aux enjeux. Les politiques sectorielles nationales ne sont toujours pas climate-proof», déplore-t-elle.
Les chiffres
Le rapport publié est celui du premier groupe de travail du GIEC. Il y en a trois et a vu la contribution de 234 auteurs de 65 pays. 14 000 études scientifiques ont été synthétisées pour ce rapport, qui est ensuite soumis aux gouvernements et aux reviewers, experts dans le domaine. 78 000 reviews ont été ensuite soumis au groupe de travail. Par la suite, les auteurs font les modifications nécessaires avant de soumettre la version finale.
Résumé du rapport
Le rapport confirme que l’humain est à l’origine du réchauffement climatique et sur les 20 prochaines années, les températures augmenteront de 1,5 %. Le phénomène est dû en grande partie aux gaz à effets de serre, qui comprend aussi le méthane, en deuxième position après le CO2. Une des conséquences directes: des vagues de chaleur de plus en plus fortes et fréquentes alors que les périodes froides sont moins sévères et moins fréquentes. Il a aussi été établi que les 50 dernières années ont été les plus chaudes depuis 1850 et que la vitesse de la montée des eaux a triplé par rapport à la période 1901-1971. Dans tous les cas de figure, l’Arc- tique sera au moins une fois dénuée de glace d’ici 2050.
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