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Dhanesswurnath Thakoor: «Il serait imprudent de commettre le moindre faux pas alors que le secteur joue son avenir»

23 août 2021, 14:00

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Dhanesswurnath Thakoor: «Il serait imprudent de commettre le moindre faux pas alors que le secteur joue son avenir»

Tous les regards seront bientôt braqués sur la mission du Groupe d’action financière (GAFI) qui vient évaluer les progrès réalisés dans ses directives pour sortir le pays de la liste grise d’ici décembre et éventuellement de la liste noire de l’UE. Le responsable du régulateur des services financiers nous livre son sentiment et commente le passage de la FSC au numérique qui devrait améliorer son fonctionnement.

En tant que Chief Executive de la Financial Services Commission (FSC), chargée d’assurer le suivi des recommandations du GAFI, quel est votre constat ? Doit-on comprendre que la mise sur liste grise de la juridiction relèvera bientôt du passé ?
Toutes les institutions à Maurice qui auront des séances de travail avec la délégation du GAFI ont signé un document où ils s’engagent à ne pas divulguer leurs échanges avec la délégation. Je vais donc respecter mes engagements à la lettre. Il serait imprudent de commettre le moindre faux pas alors que le secteur mauricien des services financiers joue son avenir. Le GAFI est d’une exigence sans concession sur la confidentialité de son mode d’opération. Cependant, il n’est pas interdit d’indiquer que, dans un chapitre d’un rapport du GAFI intitulé Opportunities and Challenges of New Technologies for AML/CFT, il est énoncé que les technologies innovantes peuvent aider les secteurs public et privé à améliorer l’efficacité du système mis en place pour atteindre le niveau de performance des normes du GAFI dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

La FSC s’est dotée d’une plate-forme numérique qui va modifier drastiquement son mode d’opération. Quels facteurs vous ont poussé à franchir ce cap technologique de taille ? 
La FSC a répondu à une demande des acteurs financiers d’évoluer dans un cadre où les technologies innovantes peuvent contribuer à améliorer le fonctionnement du secteur au quotidien. Il s’agit aussi du résultat d’une réflexion sur l’émergence soudaine de la pandémie qui a contraint la FSC à imaginer un nouveau mode de fonctionnement dans l’ère post-Covid-19. Ce phénomène, si on prend la peine de l’observer en profondeur, n’a pas apporté que du négatif. Parmi les facteurs positifs que la pandémie Covid-19 a laissés dans son sillage, il y a eu cette invitation à rechercher tous les moyens d’opérer les mêmes activités autrement. 

Les restrictions que la pandémie a imposées au monde entier sont nombreuses. On peut citer, entre autres, la restriction de circuler d’un pays à un autre, la modification des gestes du quotidien, l’obligation du télétravail. Ces contraintes poussent à se demander comment, dans ces circonstances qui peuvent durer des jours, voire des semaines, assurer la continuité de nos activités. Bref, chercher comment, en dépit des contraintes, offrir la garantie à notre clientèle qu’elle reste au centre de nos préoccupations et qu’en toutes circonstances, notre promesse de la servir ne sera jamais modifiée. 

La mise en place de cette plate-forme est aussi le résultat d’un dialogue entre les opérateurs du secteur et la FSC. La pandémie nous a fait comprendre qu’il est possible de compter sur la contribution de notre principale clientèle, à savoir les sociétés gestionnaires (management companies), pour mettre à jour leurs données. Notre nouveau permet de suivre presqu’instantanément l’évolution administrative d’une demande jusqu’à la dernière étape de son approbation. Le préposé peut interrompre son intervention pour la reprendre plus tard. Désormais, la partie demanderesse et la partie chargée de l’approbation d’une demande de permis participent activement à cette procédure administrative. Cela nous est d’une grande aide et nous permet de démontrer que l’examen d’une demande de permis se fait dans la transparence.

Juste pour mesurer la pertinence du récent changement à vos opérations, de quelles caractéristiques du système vous êtesvous débarrassé ? 
Nous disposions bien d’une plateforme informatique pour la soumission des demandes de permis. Elle était hybride. Il fallait toujours faire suivre certains renseignements sur papier. Avec l’évolution rapide des progrès informatiques, la nécessité combiner ces deux types de services en un seul était devenue inévitable et urgente. La réflexion sur la nécessité d’une nouvelle plateforme a commencé depuis 2019. La mise à exécution de ses résultats a été retardée pour plusieurs raisons. La pandémie de Covid-19 a créé les conditions pour approfondir différentes facettes du projet et rechercher les moyens susceptibles de nous faire avancer. Une des pistes a été le recours aux compétences existant déjà dans la maison et à des ressources extérieures, si la situation l’exigeait. Pendant presqu’un an, les développeurs de la maison ont travaillé sur le projet. Le résultat est que la FSC a présenté une plateforme conçue et réalisée par des compétences locales – les programmeurs internes et deux ou trois que nous avons recrutés. La preuve que, si nous osons faire confiance à nos jeunes, ils peuvent relever bien des défis.

Quel a été votre engagement personnel dans ce projet, vu qu’outre votre «Master of Business Administration » en finance, vous êtes également ingénieur informatique avec 25 ans de carrière à la Banque de Maurice ? 
Durant ma longue carrière à la Banque de Maurice (BoM), j’ai été exposé à des situations où le recours aux nouveaux outils informatiques dans le milieu bancaire était devenu inévitable. Parmi les gros projets que j’ai chapeautés, le Mauritius Automated Clearing and Settlement System (MACSS) pour les paiements et transferts interbancaires ; le système de vérification de troncature des chèques (check truncation), qui traite ces documents par l’imagerie ; le projet du Mauritius Credit Information Bureau (MCIB), qui regroupe toutes les informations sur l’état des crédits ; le Mauritius Central Automated Switch (MauCas) de la Banque centrale, qui opère 24/7 et permet aux parties engagées dans une transaction d’honorer leurs obligations mutuelles instantanément. En m’appuyant sur mon expérience de la BoM, j’ai fait comprendre au personnel de la FSC, chargé de notre environnement informatique et composé d’une dizaine de programmeurs, que le potentiel de développeur de tout informaticien peut se matérialiser dans la réalisation de ce projet. Je leur ai dit que le risque était, soit d’échouer et d’apprendre, si c’était le cas, ou bien de réussir. Si cela n’avait pas marché, j’aurais alors évité ce malheureux constat après avoir investi lourdement dans le projet. Le conseil d’administration a soutenu ma proposition. Nos clients ont été parties prenantes au moment de tester le produit fini. Leurs points de vue ont été retenus là où c’était nécessaire. En faisant le décompte des risques par rapport aux différentes approches que la FSC pouvait adopter pour créer cette plateforme, ceux ayant trait à la confiance mise dans nos propres ressources étaient minimes, comparées à d’autres. L’équipe est en droit d’être fière d’avoir été à l’origine de cette grande première.