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Réplique au président seychellois: La bourde diplomatique de Pravind Jugnauth !

26 août 2021, 20:00

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Réplique au président seychellois: La bourde diplomatique de Pravind Jugnauth !

Alors que le président seychellois s’était presque excusé pour avoir dit que le Parlement de son pays est plus civilisé que celui de Maurice, le Premier ministre mauricien a choisi de répondre à l’invitation de Wavel Ramkalawan de se rendre aux Seychelles par un cinglant sarcasme : «Kan nou ava vinn sivilizé mo ava alé!» Comment expliquer ce manque de tact et de diplomatie ? Quelles peuvent en être les conséquences ? Éclairage…

C’est l’histoire d’une petite phrase qui est en train de miner une longue amitié, voire une fraternité entre deux États. Et, pourtant, une des deux parties a bien tenté de calmer le jeu. Le 6 août, le président seychellois, lors d’une conférence de presse et face à la question d’un journaliste, avait comparé le Parlement mauricien à celui de son pays. «Nou Parlman boukou pli sivilizé ki Parlman Moris», avait dit Wavel Ramkalawan. Ce commentaire est intervenu dans le sillage du tristement fameux «look at your face» que le speaker a répété 11 fois à l’encontre du député Rajesh Bhagwan. «C’est sûr que les propos du président seychellois étaient susceptibles d’être blessants pour le Parlement mauricien», analyse Jean-Claude de l’Estrac, ancien ministre des Affaires étrangères et ancien secrétaire général de la Commission de l’océan Indien.

Face au buzz de cette phrase à Maurice et sentant sans doute l’incident diplomatique, Wavel Ramkalawan s’était dès le lendemain presque excusé dans un entretien téléphonique à la MBC. «Il ne faut pas que les Mauriciens le prennent mal. Je voulais dire que votre Parlement est beaucoup plus animé que le nôtre. C’est une vérité. Chez vous, il y a des confrontations entre le speaker et les membres. Ici, on est plus timide. Je ne voulais pas insulter les parlementaires mauriciens. Je ne suis pas du genre à m’immiscer dans les affaires internes d’un pays. Votre Parlement est interne à votre pays.» Le président seychellois avait, dans ce même entretien, insisté sur la relation cordiale qui existe entre nos deux pays. «Nous avons d’excellents rapports. J’attends toujours que votre Premier ministre, Pravind Jugnauth, nous rende visite.»

Mais visiblement, le Premier ministre mauricien n’était pas d’humeur à la réconciliation. Dans une déclaration qui était passé carrément inaperçue à la MBC quelques jours plus tard (celle-ci avait été uniquement diffusée dans une édition de Samachar), Pravind Jugnauth a répondu avec un cinglant sarcasme à l’invitation de Wavel Ramkalawan : «kan nou ava vinn sivilizé mo ava alé.»

«Le parlement, c’est lui»

«Même si les explications de Ramkalawan n’étaient pas vraiment convaincantes, il n’y avait aucune raison pour que le Premier ministre soit aussi cinglant dans sa réplique. La critique ciblait l’Assemblée nationale. Le PM mauricien la prend personnellement et cela trahit sa pensée. C’est à dire qu’il a une mainmise sur le Parlement et le Parlement, c’est lui. Or, Pravind Jugnauth est à la tête de l’exécutif, pas du législatif. Sa réponse n’est absolument pas diplomatique. Cela jette un froid entre deux pays frères, qui sont membres des mêmes organisations régionales. Je ne pense, cependant, pas que cela puisse provoquer des répercussions économiques et politiques», poursuit Jean-Claude de l’Estrac.

D’un point de vue économique, les échanges commerciaux entre les deux pays ne sont certes pas conséquents, mais ils ne sont pas inexistants. En 2020, Maurice avait importé 51 millions de dollars de produits et services des Seychelles. Nous avons en retour exporté pour 23 millions de dollars selon les statistiques de COMTRADE, la base de données des échanges commerciaux compilée par les Nations unies.

Si on est très loin d’un refroidissement économique entre les deux pays, Milan Meetarbhan qui a été ambassadeur mauricien aux Nations unies de 2011 à 2015, craint lui des répercussions politiques. «Les Seychelles sont toujours les premiers à soutenir Maurice dans toutes les élections aux Nations unies, que ce soit pour un poste quelconque ou tout autre type de soutien. Maurice est en train de perdre un allié important alors que la région est devenue une des zones géostratégiques les plus importantes au monde. Notre pays abrite le QG de la COI et celui de l’Indian Ocean Rim et on se positionne comme un État qui veut promouvoir la coopération régionale. Une réplique diplomatique, qui ressemble à des attaques politiciennes de bas étage, ne fait pas sérieux. Cette phrase engage Pravind Jugnauth à ne jamais se rendre aux Seychelles. Que ce soit calculé ou spontané, c’est très grave.»

Justement sur ce point, les deux scénarios sont possibles. Quelques jours se sont écoulés entre l’entretien téléphonique de Wavel Ramkalawan et la déclaration du Premier ministre à la MBC. Ce qui laisse supposer une certaine réflexion. Cependant, la partie sarcastique qui fait débat n’a été diffusée que dans Samachar (les infos en hindustani) et elle a été zappée de la déclaration diffusée dans le JT le plus vu, soit celui de 19 h 30. Ce qui mitigerait l’explication de la déclaration calculée et privilégierait un écart qui a été réalisé entre 18 heures et 19 heures. Quoi qu’il en soit, ce n’est que mardi qu’un internaute a repéré la déclaration de Pravind Jugnauth, et, depuis, la vidéo circule sur toutes les plateformes numériques.

Nos confrères aux Seychelles nous expliquent de leur côté que ce n’est qu’hier que la vidéo du sarcasme de Pravind Jugnauth a commencé à circuler sur les réseaux sociaux et qu’il faudrait attendre pour savoir si le gouvernement seychellois réagirait.

Quand Ramgoolam avait traité les réunionnais de «nation d’assistés»

Pravind Jugnauth n’est pas le premier Premier ministre mauricien à s’embourber dans une bourde diplomatique avec un pays ami de la région. En 2011, Navin Ramgoolam avait, lors d’une cérémonie de remise de compensation à des ex-travailleurs d’usines sucrières à Arsenal, affirmé : «Je ne tolérerai pas que certaines personnes agissent comme si nous étions une nation d’assistés. C’est pourquoi je veux aider ceux qui font des efforts. Sarkozy a demandé aux Réunionnais pourquoi ils n’agissent pas comme les Mauriciens. Pourquoi doit-il à chaque fois verser de grosses sommes d’argent aux Réunionnais.»

Une déclaration qui a fait polémique à l’île sœur, au point où certaines voix s’étaient fait entendre pour que les Réunionnais boycottent la destination mauricienne. Navin Ramgoolam avait maintenu que c’est bien ce que lui avait dit Nicolas Sarkozy, alors président de la France. Ce dernier avait, un an plus tard, démenti, dans une interview accordée à un journal réunionnais avoir dit cela à Navin Ramgoolam.