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Scepticisme et interrogations face à la com de Padayachy

29 août 2021, 11:13

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Scepticisme et interrogations face à la com de Padayachy

L’exercice de questions-réponses auquel le ministre des Finances s’est prêté, face à la presse jeudi, est sans aucun doute louable, voire nécessaire, après l’exercice budgétaire de juin et la promulgation de la loi des finances. Dans la conjoncture socio-économique, des questions se posent sur la pertinence des mesures annoncées, voire des projets ambitieux énoncés pour donner un nouveau souffle à l’économie et sortir à tout prix le pays de la crise.

Personne ne conteste le fait que le ministre des Finances, Renganaden Padayachy (photo), a certainement gagné en assurance, étant capable de tenir le coup pendant deux heures face aux interrogations des journalistes sur des sujets divers allant de la croissance au sauvetage des principaux secteurs économiques ; de la pension universelle à Rs13 500 à l’application du PRB en passant par les exigences du FMI, la sortie de la juridiction de la liste grise et noire ; ou encore la tentative d’étatisation de l’organisation des courses hippiques à la faveur des amendements apportés à la GRA. Cependant, cet exercice s’avérerait futile si les réponses étaient peu convaincantes, ou carrément simplistes.

Si son rôle de ministre des Finances est de rassurer les opérateurs économiques, plus particulièrement ceux du tourisme, en insistant par exemple qu’avec la réouverture complète des frontières le 1er octobre, quelque 325 000 touristes pourraient fouler le sol mauricien pour les trois derniers mois de 2021, encore faut-il que cette projection repose sur des études sérieuses.

Or, l’estimation de Statistics Mauritius pour la reprise touristique, défendue par le ministre jeudi, est trop optimiste, voire irréaliste. Elle ne correspond pas forcément aux réalités du marché dans une conjoncture économique marquée par des incertitudes liées aux nouveaux variants du virus pandémique dans des pays émetteurs de touristes, dont l’Europe. Soyons clair : 325 000 touristes en trois mois, c’est plus de 100 000 arrivées mensuelles alors que la compagnie aérienne nationale, MK, un des principaux partenaires de l’industrie, est toujours sous administration, cloué au tarmac avec un équipage grandement décapité. C’est dire que cette mission paraît quasiment impossible…

Croissance

Tout comme sa projection de croissance où Renganaden Padayachy impose visiblement son optimisme et persiste à croire qu’un taux de 9 % pour l’année fiscale 2021-22 relève du domaine du possible. Il a certes le droit de tabler sur ce niveau de croissance mais est-ce raisonnable dans le contexte économique actuel d’y insister alors même que les principaux piliers traditionnellement porteurs de cette croissance sont toujours sous perfusion financière. Le ministre des Finances peut évidemment arguer que le tourisme avec les nouvelles incitations, tout comme les TICs, les services financiers débarrassés demain de la liste grise et noire, ou encore la construction avec des investissements massifs à coup de milliards dans les infrastructures, peuvent booster la croissance à 9 %. Or, les spécialistes ont un autre son de cloche, estimant que pour réaliser cet objectif, il faut impérativement terminer 2021 avec une croissance de 6 % à 7 % pour pouvoir cibler la différence en 2022.

Tâche éminemment difficile alors qu’entre maintenant et juin 2022, il ne reste qu’une dizaine de mois et que les nouveaux projets annoncés dans le Budget 2021-22 n’ont pas été mis à exécution jusqu’ici. Padayachy veut manifestement faire bouger les lignes pour donner des résultats et marquer les esprits à deux ans de l’échéance de 2024. Mais, ce faisant, il a malheureusement placé la barre trop haut. Si le Grand argentier donne rendez-vous aux bénéficiaires de la pension de vieillesse en juillet 2023, quand ils décrocheront le pactole de Rs 13 500, fruit d’une promesse électorale de 2019.

En revanche, il a annoncé l’application du prochain rapport PRB pour janvier 2022. Une démarche qui devrait réjouir les syndicalistes de la fonction publique, qui surveillent sa publication comme le lait sur le feu. Mais ils sont remontés face au silence du ministre sur la rétroactivité des barèmes salariaux proposés. Qu’il soit dit en passant. La colère des syndicats ne se justifie pas et relève d’une mauvaise interprétation de la réponse du ministre Padayachy. Loin de nous de voler à son secours, il n’a répondu qu’à une question sur l’application du PRB et non pas sur sa rétroactivité à 2020. La levée de boucliers des syndicalistes est certainement disproportionnée par rapport au doute qui a pu s’installer chez les fonctionnaires après les propos du ministre.

La pension à Rs 13 500 comme l’application du PRB se trouvent être, rappelons-le, deux propositions de campagne de l’Alliance Morisien en octobre 2019, qui se sont avérés décisifs dans sa victoire électorale. Toutefois, à l’époque, le contexte était différent sans aucun signe qu’un séisme économique allait s’abattre sur le monde quelques mois après avec la pandémie de Covid-19. Le virus n’a épargné aucun pays, dont Maurice, qui a vu une contraction de son PIB de presque 15 % en 2020.

Aujourd’hui, la décision de réviser à la hausse les salaires de 80 000 fonctionnaires à partir de janvier 2022 est en totale dissonance avec les exigences économiques actuelles que le ministre des Finances ne rate pas une occasion de rappeler. Loin de se réjouir que le rapport salarial soit finalement appliqué, alors que le bon sens aurait dicté au gouvernement de geler ce rapport, voilà que les syndicalistes montent les enchères et réclament son application rétroactive. Si ce n’est pas de la provocation devant les sacrifices qu’exige l’État de la population et des opérateurs économiques, cela y ressemble bien.

Avec du recul, Renganaden Padayachy aurait certainement préféré éviter cette vague occasionnée par la question du PRB, comme d’ailleurs ses marques d’appréciation au gouverneur de la Banque de Maurice, suivant sa nomination comme meilleur gouverneur de banque centrale en Afrique. La Banque de Maurice est une institution indépendante tout comme son locataire, qui occupe un poste constitutionnel. Rester neutre face à cette distinction aurait été une démarche gagnante pour les deux institutions.