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La «cession» d’Agalega à l’Inde néfaste aux relations Maurice-Chine ?
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La «cession» d’Agalega à l’Inde néfaste aux relations Maurice-Chine ?
Puisque le sort de cette partie de notre territoire est déjà scellé et presque déjà aux mains des Indiens, la question qui se pose est pourquoi l’Inde a-t-elle besoin de cette île? Est-ce pour contrer la présence de la Chine dans l’océan Indien? Si c’est cela, pourquoi Maurice doit-elle se prêter à ce jeu ? Et qui sont derrière la démarche indienne?
Roshi Bhadain demandait lors d’une conférence de presse de l’entente de l’Espoir que tous les documents relatifs à Agalega soient rendus publics. Il soulignait qu’il n’y a pas de raison économique pour cette cession. «Quelles opportunités sont offertes à Maurice ?» avait-il demandé. Xavier Duval avait signalé le même jour qu’avec cette base militaire, il n’y a plus d’avenir touristique pour Agalega. Pourtant, le gouvernement nous avait fait croire que la piste agrandie d’atterrissage al- lait servir le tourisme. Et les Agaléens.
L’ancien ministre et diplomate Jean Claude de l’Estrac le dit dans une interview à l’express le 20 mai : «Le pays (NdlR, Maurice) se trouve désormais au cœur de la rivalité Inde-Chine. Ce ne sera pas sans conséquence.» Conséquence sur nos relations avec la Chine ? De l’Estrac le dira plus clairement le 31 août. Pourtant, Maurice s’est toujours vanté d’être non-aligné durant la guerre froide entre le bloc de l’Est et celui de l’Ouest. Maintenant que la rivalité s’est transposée entre la Chine d’une part et l’Occident et l’Inde d’autre part, pour quelles raisons Maurice choisit-elle son camp ?
Le Quad
Une question surgit: est-ce bien l’Inde qui se pose en rival de la Chine ou y a-t-il d’autres puissances derrière elle ? Pour Kee Chong Li Kwong Wing, président de l’Amicale Maurice-Chine, les États-Unis, l’Australie et le Japon au sein de l’organisation informelle qu’est le Quad sont derrière l’Inde. Paul Bérenger, lors de la conférence de presse de l’entente de l’Espoir le samedi 22 mai, avait lui aussi parlé de la rivalité entre la Chine d’une part et, d’autre part, non seulement l’Inde mais ces trois autres puissances.
Un ancien haut-fonctionnaire se demande d’ailleurs pour quelle raison le Japon a accordé Rs 11 milliards d’aide à Maurice pour la sécurité maritime alors que ce pays a toujours refusé de financer la sécurité. Pour un ancien ministre mauricien, cependant, il ne faudrait pas tomber dans le complotisme en incluant les puissances occidentales et le Japon dans cette affaire bien qu’il soit «certain que ces États sont concernés par l’émergence de la Chine, y compris les États-Unis de Joe Biden».
La deuxième question est la plus importante : pourquoi s’attirer l’hostilité de la Chine en permettant à l’Inde (et éventuellement à d’autres puissances) d’utiliser Agalega comme une base militaire qui le sera ostensiblement pour contrer la présence de la Chine au Djibouti, à Madagascar et au Sri Lanka ? À noter que l’Inde a déjà supplanté l’Empire du Milieu aux Maldives. C’est pour dire combien on tient à ces bases. Selon le gouvernement mauricien, la Chine représente-t-elle un tel danger dans l’océan Indien pour que Pravind Jugnauth décide d’offrir une de nos îles à l’Inde pour surveiller l’océan ?
Qu’avons-nous à gagner dans ce deal ?
Ce n’est pas notre sécurité qui serait garantie par la présence indienne à Agalega mais celle des autres, notamment indienne, nous dit un ancien diplomate, bien que Pravind Jugnauth se soit caché derrière des raisons de sécurité pour ne pas rendre public l’accord entre l’Inde et Maurice sur Agalega. Un ancien hautfonctionnaire proche de ce dossier nous explique ce que nous avons gagné en cédant pratiquement Agalega aux Indiens : Rs 9 milliards pour le mé- tro. «Mais», s’empresse-t-il d’ajouter, «on a cédé aussi le Double Tax Treaty»
«Il se demande d’ailleurs si l’on a bien gagné Rs 9 milliards «vu que c’est une entreprise indienne et des travailleurs indiens qui ont hérité du projet». Mais on a gagné le métro, non ? lui avons-nous fait remar- quer. «C’est vrai. Mais aussi des dettes de plus de Rs 10 milliards et un métro très sous-utilisé.»
Chagos et Agalega
L’ancien haut-fonctionnaire se demande aussi «à quoi sert-il de se battre pour le retour de Chagos quand, de l’autre côté, on est en train de ‘donner’ Agalega ?» Pour lui, la centaine d’États qui nous ont apporté leur soutien pour Chagos sur le plan international doivent se dire que Maurice les aura utilisés alors que le gouvernement ne semble pas vraiment tenir à ses territoires comme le démontre visiblement ce qui se passe avec Agalega. «Maurice est en pleine contradiction, diront-ils.»
De plus, ajoute-t-il, «à chaque fois que nos représentants à l’ONU se plaindront du refus des États-Unis et de la Grande-Bretagne de se conformer à la résolution de mai 2019 et de la décision de la Cour internationale de justice du 25 février 2019, on pourrait accuser Maurice de n’être pas sincère dans son combat pour les Chagos». D’autant plus «que, si pour les Chagos Maurice n’était pas encore souveraine lors de sa cession, pour Agalega, Maurice l’est !»
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