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Dr Shameem Jaumdally: «Les études démontrent que les enfants et adolescents ne développent pas la forme sévère de la maladie»

7 septembre 2021, 18:00

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Dr Shameem Jaumdally: «Les études démontrent que les enfants et adolescents ne développent pas la forme sévère de la maladie»

Le Dr Shameen Jaumdally, virologue basé en Afrique du Sud, demande à la population de respecter scrupuleusement les gestes barrières. Surtout avec la découverte du nouveau variant C.1.2. Toutefois, pour le Research Scientist, le pays ne peut rester dans sa bulle et la plus grande crainte de contamination ne doit pas venir des touristes, qui se mélangent peu à la population mais plutôt des Mauriciens.

Je suppose que vous suivez l’actualité mauricienne, même en étant en Afrique du Sud. Que pensez-vous de la propagation du virus dans l’île ?
La situation est très inquiétante. Surtout si je me fie aux cas de contamination de ces trois dernières semaines, qui ont augmenté de façon exponentielle. Et aussi le nombre de décès dus au Covid-19, qui est en hausse et plus fréquent également. Il ne faut surtout pas que la population pense que le nombre de cas diminue car il y a certaines restrictions autour des profils de personnes pouvant avoir accès aux tests de dépistage. Selon moi, le meilleur indicateur pour connaître le nombre de cas réels à Maurice, sera le nombre de décès au sein de la communauté lors des prochains jours et mois à venir.

À moins d’un mois de la réouverture des frontières, devons-nous craindre l’arrivée des touristes, même si ces derniers sont vaccinés ?
Il y a une perception que ce sont les touristes qui peuvent être les vecteurs de l’arrivée des variants à Maurice. Mais mon interprétation est autre. Je pense que le risque peut venir de nos compatriotes. Je m’explique. Il y en a beaucoup qui ont été bloqués à l’étranger et qui attendent justement la levée de la quarantaine pour revenir voir leurs parents et proches. Ils auront plus de contacts avec les locaux. Par contre, les touristes auront également une connexion avec la population mais pas au même niveau que ceux qui résideront au sein du foyer familial. Il ne faut pas oublier que même vaccinés, ces personnes pourront transmettre le virus. Donc, la vaccination aide à diminuer le risque de transmission et la durée de la période d’infection, mais pas plus que cela.

Que pouvez-vous nous dire sur le nouveau variant C.1.2 ? Devons-nous le craindre ?
Le professeur Tulio de Oliveira a fait comprendre, en début de semaine, que ce nouveau variant est en circulation depuis le mois de mai dans deux provinces de l’Afrique du Sud. Ce dernier fait partie du groupe de chercheurs basés à l’Institut national des maladies transmissibles (NICD) d’Afrique du Sud. L’origine de ce variant remonte au premier virus, qui a causé la première vague dans ce pays. Mais entre-temps, ce variant a muté entre 44 et 59 fois. Le danger est que ce variant possède des mutations communes aux variants Alpha, Beta et Delta que nous connaissons. Ils sont transmissibles et apportent une certaine réduction à l’efficacité des vaccins. À ce jour, nous devons faire encore plus d’études pour comprendre l’épidémiologie et les effets de la vaccination pour connaître l’efficacité des vaccins. Mais il y a des preuves que ce variant est encore plus transmissible et plus résistant aux vaccins. La recherche qui sera menée dans les semaines à venir devrait répondre à toutes nos questions. Toutefois, ce que l’on sait, valeur du jour, est que sa transmission au sein de la population sud-africaine n’est pas aussi rapide.

À ce jour, existe-t-il réellement un vaccin qui protège contre le Covid-19 ?
Jusqu’à présent, tous les vaccins ont démontré une certaine efficacité, que ce soit dans la réduction du degré de transmission, le développement sévère de la maladie et le risque de mourir à cause du Covid-19. À ce jour, les vaccins à base de mRNA (Messenger RNA) sont les meilleurs que nous avons NdlR, Pfi- zer-BioNTech et Moderna). Puis, arrivent ceux qui ont un vecteur viral comme AstraZeneca, Johnson & Jonhson et Spoutnik. Et puis, nous avons des vaccins qui sont un peu plus traditionnels à base de virus inactivé.

Pouvez-vous nous décrire la situation en Afrique du Sud ?
La situation s’améliore. Au début de juin, nous avons eu une augmentation des cas dans certaines provinces comme celle de Gauteng. Les hôpitaux publics et privés ont été débordés. Dans la province de Western Cape, où je me trouve, nous avons enregistré une montée des cas plus d’un mois après. J’ai pu faire l’expérience de la première vague avec un virus similaire à celui de Wuhan, une deuxième vague avec le variant Beta, et à présent, la troisième vague est avec le variant Delta. Mais ce dernier a causé plus d’hospitalisations que les deux premières vagues réunies. Il a affecté les personnes plus jeunes et qui étaient en meilleure santé.

Lors de ces dernières semaines, l’âge moyen des personnes admises en soins intensifs (Intensive Care Unit) était de moins de 40 ans. Il a fallu même faire le tri en ordre prioritaire pour admettre ceux devant être placés en soins intensifs. Nous avons eu à dire aux familles que nous ne pouvons accepter leurs proches à cause de leur âge avancé ou encore de leur état de santé, qui était des plus critiques. C’était effroyable. J’ai côtoyé beaucoup de personnes qui sont mortes aujourd’hui ou qui ont été infectées par le Covid-19. Cela démontre que les recherches scientifiques étaient dans le vrai lorsqu’elles disaient que le variant Delta est vraiment plus transmissible et attaque les plus jeunes.

Énormément de personnes se demandent à quand un retour à la normale. Pouvons-nous nous aventurer à faire une estimation ?
Le retour à la normale, soit avant l’apparition du Covid-19, n’est pas à l’agenda sur les deux, voire trois prochaines années. La raison est simple. Nous faisons face à un virus qui se propage à travers l’air. Et il continue à muter et l’efficacité des vaccins ne cesse de diminuer. Tant que nous n’avons pas de stratégie, c’est-à-dire, pas uniquement l’efficacité des vaccins mais également leur distribution équitable au niveau mondial, cela s’avérera difficile. Certains pays peuvent faire la vaccination alors que des pays voisins n’arrivent pas à s’en procurer. Cela veut dire que le virus, qui est non loin de nous, continuera à se propager, et qu’il y a des possibilités que ce virus mute encore. Je pense que tant que cet équilibre entre l’efficacité des vaccins et une distribution équitable n’est pas trouvé, nous serons dans un cycle, qui durera pen- dant cette période.

Un mot sur les enfants. Sont-ils moins à risque que les adultes ?
Les enfants ne sont pas réellement affectés par la maladie sévère. Surtout pour ceux qui sont très jeunes. Par contre, à la période de l’adolescence, certains peuvent être en surpoids, ce qui les mettra à risque. Toutefois, les études démontrent que les enfants et les adolescents ne développent pas la maladie sévère car ils sont protégés par leur âge et aussi par le fait qu’ils n’ont pas de comorbidité. Par contre, ils peuvent attraper le virus à l’école, et ils risquent de le transporter à la maison. Et ils le transmettront aux membres de leur famille car les enfants sont toujours en quête d’affection physique. Dans ce cas, ils deviennent des vecteurs de la maladie.

Si vous aviez un message à transmettre à la population mauricienne, ce serait lequel ?
De ne pas banaliser le Covid-19. Je comprends que la population, à travers les différents confinements ou encore suite à la fermeture des frontières, ou grâce à la quarantaine imposée, a été protégée des variants, qui sont en circulation à travers le monde. En ce moment, nous pouvons constater les effets d’une épidémie, qui se propage à travers la communauté, et le nombre de décès augmente.

Depuis plus d’un an et demi, la recherche offre plusieurs stratégies qui nous permettent de vivre et de diminuer le risque de nous exposer et d’exposer les autres. Le port du masque, les restrictions sur les rencontres, la vaccination – qui a démontré son efficacité – sont des moyens de se protéger. On ne peut s’enfermer dans une bulle. Car il faut penser à la relance des activités économiques comme le tourisme. Le mot primordial est la précaution.