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Time to clean the mess

15 septembre 2021, 18:55

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Time to clean the mess

La visite des experts du GAFI à Maurice – la dernière pour préparer le pays à sortir théoriquement de la liste grise en octobre et éventuellement de la liste noire de l’UE d’ici la fin de l’année – ouvre certainement des lendemains meilleurs pour la juridiction mauricienne. Tant pour le global business que pour le secteur financier dans son ensemble.

On peut certes se réjouir dans un élan patriotique de cette démarche, si elle se confirme. Car le cas contraire entraînerait la marginalisation du pays aux yeux d’institutions internationales, avec à la clé des conséquences économiques désastreuses à la longue pour des principaux secteurs d’activité. Occulter cette menace relèverait de la mauvaise foi de ceux qui y voient le verre trop souvent à moitié vide plutôt qu’à moitié plein.

Sans doute, depuis l’inclusion de Maurice sur les deux listes il y a plus d’une année, la réputation de la juridiction aura été sous forte pression, les opérateurs financiers contraints de répondre aux nombreuses interrogations des investisseurs étrangers sur sa fragilité financière face à la perception que Maurice demeure avant tout un centre de blanchiment d’argent, voire un paradis fiscal.

D’ailleurs, l’image de la juridiction comme un paradis fiscal est très tenace chez certains investisseurs financiers étrangers indiens. En Inde, il ne se passe pas un jour sans qu’on n’en recense une douzaine d’articles dans la presse mainstream, évoquant des fonds détournés en milliards de roupies qui atterrissent dans l’offshore mauricien ou y transitent pour atterrir dans d’autres juridictions peu crédibles.

«Le GAFI aura certainement été un “wake-up call” pour les autorités, trop lentes à réagir face aux risques d’un déclassement de la juridiction.»

Il ne faut pas se voiler la face quand on connaît la motivation de certains bureaucrates indiens qui, depuis plus d’une décennie, tentent de noircir la juridiction mauricienne en plantant des articles dans la presse spécialisée pour renforcer l’image de Maurice comme un paradis fiscal. Même si dans certains cas, avouons-le, certaines sociétés de gestion ont pu y prêter le flanc. Mais au-delà, il y a nécessairement une guerre larvée à laquelle l’Inde se livre sournoisement pour s’imposer dans le global business et attirer des investissements directs étrangers.

L’Inde voit Maurice comme un compétiteur de taille après que la juridiction a inondé avec des milliards de dollars ce pays sous forme d’investissements directs étrangers (IDE) en transit pour financer ses infrastructures pendant des décennies. Les récentes statistiques compilées à cet effet montrent d’ailleurs que de 2013 à 2021, plus de USD 70 milliards sont passés par ce conduit et que même après la révision de traité fiscal en mai 2016 où toutes les clauses attractives, qui ont fait le succès de l’offshore mauricien depuis 1992, ont été enlevées, l’axe New Delhi / Port-Louis intéresse toujours les investisseurs étrangers.

Mais il ne faut surtout pas perdre de vue que toute cette campagne subtilement orchestrée par l’Inde tient aussi de la rivalité que présente la Gujarat International Finance Tech-City (GIFT), très chère au Premier ministre indien, Narendra Modi, à la juridiction mauricienne. Classé à la 92e place récemment par Global Financial Centre Indices (GFCI), ce centre financier, calqué sur le modèle mauricien, s’est positionné au fil des années pour devenir une route alternative face à Maurice et à Singapour en proposant en plus un congé fiscal de dix ans aux potentiels investisseurs. Du coup, certains opérateurs ont raison de demander avec recul si Maurice ne s’est pas fait mener en bateau par l’Inde… «Pour quelle raison ceux qui ont eu pour responsabilité de renégocier le DTAA sur une demande expresse de l’Inde ne sont pas parvenus à détecter la stratégie cachée de la Grande péninsule, soit de faire exactement ce qu’elle reprochait à Maurice en adoptant un régime d’impôt flexible et libéral ?» Comprenne qui pourra…

Aujourd’hui, la configuration du global business est d’être moins India-centric, plus tournée vers l’Afrique. Le récent rapport de Capital Economics sur Maurice souligne que 9 % des IDE atterrissant en Afrique passent nécessairement par la juridiction mauricienne. Ce qui représente un montant totalisant USD 82 milliards, qui en retour génère USD 6 milliards sous forme des revenus fiscaux pour les gouvernements africains annuellement. Loin de contester la pertinence des conclusions de cette étude alors même que les spécialistes du secteur ont eu certainement l’occasion d’analyser froidement les chiffres, le fait reste que le global business, qu’il faudra réinventer face aux exigences fiscales internationales, trouvera sa planche de salut en Afrique où certains opérateurs mauriciens, déjà précurseurs, sont déjà solidement implantés.

Au terme de la visite des assesseurs du GAFI aujourd’hui et en attendant le prochain verdict, il n’est pas déraisonnable de situer la responsabilité de ceux engagés à favoriser cette nébuleuse situation dans laquelle est plongé le pays. Loin de l’intention de se livrer à un blame game, on peut toutefois s’interroger si la politisation à outrance de nos institutions, d’un régime à l’autre, n’a pas pour autant contribué à les rendre impotentes face à la prise de certaines décisions. Les Law Enforcement Bodies, allant de la FSC à l’ICAC, en passant par la BoM ou la FIU, ne doivent pas se dédouaner face à cette situation.

Le GAFI aura certainement été un wake-up call pour les autorités, trop lentes à réagir face aux risques d’un déclassement de la juridiction avec notamment la multiplication de cas de blanchiment d’argent, impliquant une brochette d’institutions clés du pays. Le secteur des services financiers joue visiblement aujourd’hui son va-tout. Même si le GAFI et l’UE enlèvent la juridiction mauricienne de leur liste grise et noire, ce secteur souffrira encore des séquelles d’une juridiction sous surveillance accrue. Du coup, une campagne tous azimuts impliquant tous les stakeholders et avec des professionnels de com «to clean the mess» s’impose.