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Journée mondiale de la santé mentale | Covid-19: viendra-t-on à bout de ce virus ?

10 octobre 2021, 20:00

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Journée mondiale de la santé mentale | Covid-19: viendra-t-on à bout de ce virus ?

Frustration, colère, impuissance : autant d’émotions ressenties par les Mauriciens qui ont tous une dent contre le Covid-19. «Ce virus ne vous donne aucun sursis», confie Samoo, un retraité accablé par la mort d’un ami positif. La directrice de Rhum Arrangé, Lolita Marie, qui travaille avec une clientèle touristique, exprime son ras-le-bol. «Avec les informations sur les effets secondaires, j’avais peur de la vaccination. Depuis 18 mois, on attendait la reprise. À 54 ans, j’ai fait le vaccin pour pouvoir travailler mais pour les proches plus jeunes, j’avais des réserves. Quand ma fille de 15 ans a reçu un document pour le vaccin, j’étais et je suis encore sous le choc.». Comme sa maman a subi une attaque durant la pandémie, il lui était difficile de couper le contact car elle devait l’accompagner à l’hôpital. Hélas, après quelque temps, cette dernière est décédée.

De son côté, Ameegah Paul, trésorière, coordinatrice d’événements et responsable de relations publiques de l’Association pour la protection des droits des handicapés (APDH), constate que le quotidien et l’accès aux soins de santé se sont détériorés pour les personnes souffrant de handicap tout au long de la pandémie. En effet, celles-ci, plus vulnérables en cas de contamination, bravaient aussi des difficultés pour prendre des mesures préventives.

Par exemple, le port du masque contraignait la respiration tandis que la pandémie rajoutait au stress posttraumatique, à la panique, l’anxiété extrême et l’impossibilité de recourir à toute assistance avec la limitation des interactions. «Le deuil, l’isolement, la perte de revenus et la peur déclenchent des problèmes de santé mentale ou exacerbent ceux existants. La pandémie a accru la détresse psychologique tant dans la population en général qu’au sein des groupes à haut risque. Par exemple, la solitude était intensifiée avec la distanciation physique», ajoute-t-elle.

Définitivement, le Covid-19 a profondément changé nos vies, causant d’énormes souffrances humaines, enchaîne-t-elle. Et, au-delà de l’impact immédiat sur la santé et les revenus, le virus accroît une certaine psychose. D’emblée, le Dr Vasantrao Gujadhur, ancien directeur des services de santé au ministère de la Santé, mentionne qu’il faut être mentalement fort en cas de contamination, isolement et traitement du Covid-19. «Avec ce virus, nous sommes confrontés à une crise humanitaire liée aux décès, pertes d’emplois et de la scolarité. Finalement, ces répercussions nous accablent que nous contractions la maladie ou pas.»

Pour Alain, un commerçant, la deuxième vague du Covid-19 a déclenché toutes sortes de peurs. «En 2021, les enfants étaient touchés de plein fouet. Dans l’entourage de chacun, on trouvait quelqu’un de positif. Du coup, on se méfiait de l’autre à chaque geste. C’était à en devenir paranoïaque. On n’a qu’une seule hâte: que ça se termine», déclare-t-il. D’autant que la vaccination, qui tournait d’abord au ralenti, fut une condition pour l’accès aux écoles, hôpitaux et lieux stratégiques. Une exigence qui semble interminable. «Maintenant, on doit faire une troisième dose. Cela ne finira-t-il donc jamais ? Quand retrouvera-t-on enfin une vie normale ?», s’insurge Aisha, qui a dû reporter un voyage à deux reprises et s’impatiente de reprendre son envol. Quitte à accélérer sa dose de rappel. Et de clamer haut et fort : «Plus jamais ça.»

Il est clair, indique le sociologue Rajen Suntoo, que la vie des Mauriciens a été complètement débalancée. «Notre façon de parler a changé car cette hantise que l’autre nous transmette la maladie nous tétanise en permanence. Depuis des mois, l’individu et les familles vivent dans la frayeur comme chacun peut y perdre la vie», déclare-t-il. Mais en dépit des grincements de dents, les citoyens ont su s’adapter, avance-t-il.

Une observation partagée par Yugesh Panday, recteur du collège Sookdeo Bissoondoyal. Pour lui, le virus a appris aux Mauriciens à se gérer. «Chaque composante de la société a été appelée à rebondir positivement. Par exemple, les parents ont dû former les enfants aux conditions sanitaires, l’école a dû se réadapter. On en ressort requinqué pour affronter les difficultés», affirme-t-il. Selon lui, les enfants étaient d’abord heureux du confinement mais certains ont aussi subi des malaises liés aux clivages violents de la cellule familiale, ce qui a permis de se repositionner.

Deux ans plus tard, l’espoir d’en finir une fois pour toutes avec ce virus est-il toujours permis ? Dans une entrevue aux médias européens, Stéphane Bancel, le responsable français de Moderna, un des vaccins contre le Covid-19, table sur une fin de la pandémie en 2022.Il soutient que vers le milieu de l’an prochain, il y aura eu suffisamment de doses pour vacciner tous les habitants de la planète. Est-ce à dire qu’on tournera alors la page sur ce virus? «Tous les virus prennent leur temps pour être éliminés. Là encore, ils ne partent pas toujours pour de bon. Par exemple, cette pandémie pourrait s’atténuer mais être présente sous forme de variants et durer quelques années», estime le sociologue Rajen Suntoo. L’optimisme est de mise, indique Yugesh Panday. Car avec les avancées scientifiques et le cours naturel des choses, un virus n’est pas fait pour perdurer. «Une pandémie vient est balaie tout sur son chemin mais après il doit y avoir une renaissance», explique-t-il.

Ameegah Paul s’interroge sur une nouvelle vague avec le retour de l’été. Pour elle, la complète disparition du virus est très improbable, comme le pensent la plupart des citoyens. «La maladie se transmet trop facilement dans la population humaine. Si nous effectuons le test pour chaque cas ainsi qu’un isolement, nous pourrions être en mesure de réduire le nombre de patients infectés. Si vous vous fiez simplement aux grandes mesures d’arrêt sans trouver tous les cas, alors chaque fois que vous relâchez les freins, cela pourrait revenir par vagues», prévoit-elle.

Pour le Dr Gujadhur, il est difficile d’avancer une date de fin du Covid-19. Hautement contagieux et asymptomatique dans une majorité de cas, le virus risque de durer encore un peu. De plus, les vaccins ne sont pas accessibles partout dans le monde. Et leur efficacité n’est pas à 100 %. «Avec les variants et la réouverture des frontières partout, le Covid-19 peut se propager encore plus», estime-t-il.

Questions à Vijay Ramanjooloo, psychologue : «Il faudra faire le deuil de notre vie d’avant»

Comment la pandémie a-t-elle affecté notre santé mentale ?

Dans ma pratique de psychologue clinicien, je note une dégradation de la santé mentale des Mauriciens en proie à des troubles directement liés à la pandémie et aux conséquences psychiques désastreuses résultant du chômage, des difficultés financières et de l’exclusion sociale. Ces manifestations sont sous forme d’anxiété face à la transmission du virus, l’impact psychologique des confinements et la fatigue émotionnelle, l’insomnie, les troubles de l’humeur, les conduites à risque et addictives, etc. Et là j’insiste : il faut faire la différence entre les répercussions de la pandémie et la maladie mentale réelle dont le taux progresse fortement dans la population. Par ailleurs, on observe des réactions de psychose importantes comme la paranoïa et des troubles obsessionnels compulsifs, entre autres. La plupart d’entre eux n’avaient jamais présenté de troubles mentaux auparavant. Hélas, ce sont autant de séquelles que le Covid-19 est susceptible de laisser sur son passage.

Face au ras-le-bol des citoyens, quand ce virus s’achèvera-t-il pour de bon ?

À chaque fois qu’on sort la tête de l’eau, le Covid-19 nous donne l’impression d’y replonger. Pourtant, il y a des progressions positives depuis 2020 : on connaît ce virus, on a un vaccin, on sait mieux le traiter, etc. On possède des clés qu’on n’avait pas il y a un an et demi. Comparativement, il a fallu quatre ans pour que le VIH soit découvert et 15 ans environ pour que des traitements efficaces soient disponibles mais toujours pas de vaccin. Je pense qu’il faut surtout sortir du discours de quand cela sera-t-il terminé et réaliser pleinement que c’est notre nouvelle normalité. Il faudra réapprendre à vivre avec le Covid-19 et faire le deuil de notre vie d’avant.

Le patron de Moderna estime que le Covid-19 prendra fin en 2022. L’espoir est-il de mise ?

Les virus, parasites, bactéries et autres microorganismes coexistent depuis toujours avec les êtres humains. Depuis l’époque des Sapiens, il y a eu régulièrement des situations épidémiques. Et celles-ci sont vécues et perçues comme exceptionnelles alors qu’elles sont plutôt communes et pérennes. Aussi, j’estime qu’on aura encore d’autres maladies infectieuses émergentes. Pour qu’il y ait de l’espoir, il faut que chacun s’interroge sur les leçons à tirer de cette terrible épreuve dont le choc planétaire prendra du temps à se résorber. Il est urgent à mon sens que l’on comprenne les enjeux parallèles liés à l’humanité, comme la réduction de la biodiversité, le dérèglement climatique et les altérations de l’interface hommes, animaux et plantes pour conserver ces espoirs.