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Compensation salariale: l’État tenaillé entre coup populiste et prudence économique
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Compensation salariale: l’État tenaillé entre coup populiste et prudence économique
Faut-il s’attendre demain à un nouveau coup populiste de Pravind Jugnauth après la manne du PRB aux fonctionnaires en octobre ? L’année dernière en pleine crise économique et sanitaire, le quantum de compensation salariale à hauteur de Rs 375 avait choqué économistes et observateurs jusqu’à les rendre dubitatifs face à l’offre du tandem Jugnauth/Padayachy.
Cette année, à 24 heures de l’annonce officielle de l’issue de la réunion tripartite, le même raisonnement anime nos spécialistes. Ils se demandent si le gouvernement se soumettra une nouvelle fois aux pressions revendicatives des syndicats qui, niant les réalités économiques du moment, font chaque année monter les enchères.
Certes, les syndicalistes sont dans leur rôle pour défendre les intérêts des salariés, ceux notamment au bas de l’échelle. Et s’assurer que face à aux effets de la crise économique qui ont pu dans une certaine mesure les appauvrir, il y va de leur responsabilité de batailler dur pour compenser les travailleurs contre la perte de leur pouvoir d’achat, accélérée depuis le début de la crise du Covid.
Encore faut-il que les mouvements syndicaux ne perdent pas de vue les urgences du pays aujourd’hui et y intègrent, dans leur calcul de la compensation, l’état du tableau de bord économique. Avec notamment la contraction de son PIB de 14,9 % l’année dernière et l’enlisement des principaux secteurs, comme le textile, la construction, voire le tourisme.
Celui-ci, qui suscitait d’ailleurs l’espoir et la confiance du gouvernement pour tirer la croissance de 2021/22, se retrouve visiblement en panne actuellement après la réouverture des frontières le 1er octobre dernier. Pour cause, la décision des autorités françaises d’interdire à ses ressortissants de se déplacer à Maurice et dans neuf autres pays d’Afrique australe depuis le 1er décembre, après l’apparition du variant Omicron en Afrique du Sud.
Face à ce décor peu reluisant économiquement et sachant que les entreprises traînent un endettement de plus de Rs 50 milliards sous forme d’engagements financiers auprès de diverses institutions financières et subissent toujours les séquelles de la crise, certains spécialistes s’interrogent sur la pertinence d’ouvrir ces consultations tripartites dans un tel contexte économique.
Quantum décidé d’avance
«Quelle est la démarche du gouvernement de satisfaire les intérêts corporatistes des syndicats ? Après les fonctionnaires grassement rémunérés avec le rapport du PRB, qui bénéficieront également de la compensation salariale, nous avons l’ensemble des salariés, public et privé. Le gouvernement aurait peut-être pu légiférer en proposant un montant spécifique à ceux disposant des revenus bas pour éviter des tensions inutiles, voire des surenchères salariales dont le pays pourrait se passer», explique Azad Jeetun, économiste et directeur de la défunte Mauritius Employers Federation. À moins, ajoute-t-il, que le gouvernement souhaite démontrer par cet exercice un social bias qu’il a bien à cœur l’intérêt de tous les citoyens.
Or, à en croire certains spécialistes rompus aux rouages de cet exercice, celui-ci est devenu malheureusement un show au fil des années. Car, même si on parle volontiers de réunions tripartites entre les trois partenaires sociaux – patronat, syndicats et gouvernement, il revient qu’à la fin de la journée, le quantum est décidé d’avance. «C’est le même qui est proposé avant, pendant et après les réunions tripartites», dit-on.
Avec un taux d’inflation estimé à 4 % au 31 décembre 2021 par le comité technique, Business Mauritius (BM) a déjà fait le calcul. Sur la base d’une compensation de Rs 400 jusqu’à un salaire médian de Rs 17 000, les entreprises devront débourser Rs 2 milliards. «Nous sommes en faveur d’un compromis. Entre les entreprises lourdement endettées et les risques d’alourdir leurs charges sociales avec cette compensation salariale d’une part, et la nécessité d’accompagner financièrement les travailleurs au bas de l’échelle d’autre part, nous optons pour une compensation raisonnable. Car cela ne sert à rien à une entreprise d’emprunter pour financer le coût d’une compensation salariale pour un mois seulement et d’avoir à déposer son bilan après», affirme le Chief Operating Officer de BM, Pradeep Dursun. Tout en plaidant en faveur des mesures d’accompagnement pour des secteurs sinistrés par la crise.
Une opinion que partage l’économiste Pierre Dinan, estimant que, compte tenu de la situation économique défavorable et sans visibilité, ne devrait-on pas envisager une compensation salariale uniquement pour ceux se situant au bas de l’échelle des revenus, c’est-à-dire la classe moyenne inférieure et les pauvres ? «Ce serait venir en aide à ceux qui doivent faire face à leurs besoins basiques, au contraire de ceux qui se verraient obligés à réduire leur train de vie, au même titre que l’économie tout entière doit le faire.»
Alors que les opérateurs économiques ne souhaitent pas qu’une compensation salariale trop forte vienne casser le dynamisme de la croissance, ils s’interrogent cependant sur le coup populiste auquel joue ces derniers mois le gouvernement. Les pressions inflationnistes et budgétaires découlant des largesses salariales du récent rapport salarial du PRB et une compensation pour plaire à la majorité des salariés cette semaine, couplées à un niveau de productivité à la traîne doivent inter- peller les stakeholders du pays. Et dire que la pandémie demeure toujours une menace planétaire…
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