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Cours en ligne: zéro pointé
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Cours en ligne: zéro pointé
Depuis le 10 novembre, les cours en ligne ont refait leur apparition. Et, à la rentrée, le 10 janvier 2022, c’est toujours à distance que seront proposées les leçons. De quoi préoccuper des parents, déjà chamboulés par cette nouvelle pratique. Surtout qu’elle a un gros impact sur la vie familiale…
Devoirs en ligne, à travers une application ou même en visioconférence, c’est désormais la routine de plusieurs élèves et collégiens. Et pour certains, ce n’est pas près à s’arrêter. Car dès la reprise du troisième semestre, il faudra toujours continuer avec ces nouvelles méthodes. À l’exception des Grades 9, 9+, 11 et 13, qui reprendront les classes en présentiel, le 2 février, a déclaré la ministre de l’Éducation, Leela Devi Dookun-Luchoomun, vendredi. Pour les parents, toute une organisation doit être mise en place. Et c’est loin d’être gagné…
«C’est même catastrophique pour certains professeurs et parents», avance Vania, 29 ans. Cette dernière est non seulement maman mais aussi enseignante. «C’est le cafouillage au niveau du syllabus car soit on enlève des chapitres, soit on modifie le contenu. On en perd son latin !» Son fils, élève en Grade 1, reçoit uniquement des devoirs en grande partie des images par WhatsApp, qui n’ont pas été prises correctement par le professeur. Comme elle l’avance, pas de contact avec cette dernière. «C’est à nous, parents, de nous débrouiller.» Ce sont eux qui ont demandé à avoir quelques exercices pour leurs petits. «Car sinon, c’est uniquement les cours à la télé. Bonne chance pour capter l’attention des petits avec ça…»
Étant prof de langues, elle s’est organisée pour consacrer les premières heures de la journée aux plus petits, et la deuxième partie aux collégiens. «Les classes se font par Zoom et par WhatsApp. Mais ce n’est pas facile car certains parents n’ont pas d’Internet et du coup, j’envoie des photocopies pour que les enfants puissent au moins prendre des notes.» Elle se pose beaucoup de questions sur l’avenir scolaire des enfants. «Je suis aux côtés de mon enfant, pour suivre son évolution. Mais combien de parents, surtout que beaucoup travaillent, n’arrivent pas, eux à faire le suivi. Je constate que le niveau des enfants a baissé… La situation est grave et l’avenir s’annonce sombre.»
Vania n’est pas la seule à s’indigner. Julie, dont le fils de sept ans est admis dans une école privée, s’arrache également les cheveux. «Si je ne peux me plaindre de la performance de mon fils, ce n’est pas tout le monde qui a la même chance. Est-ce que ce n’est pas justement creuser encore plus l’écart entre les gens qui sont aisés et ceux qui le sont moins ?» Cette dernière s’appuie sur les dires de ses collègues et connaissances. «J’ai une amie qui est prof au primaire. Elle me dit que les vacances ont débuté depuis novembre pour elle car ses élèves suivent les cours à la télé, donc elle n’a plus rien à faire…» Elle va encore plus loin. «On dit que les enfants devraient être moins exposés aux écrans et aux tablettes, car cela fatigue leurs yeux, mais que fait-on actuellement ? On les pousse à ‘apprendre’ grâce à ces deux méthodes. La ministre, pense-telle, au bien-être de l’enfant ? Car au lieu de progresser, il régresse.»
Pour que son enfant continue à apprendre correctement, Julie n’a pas hésité à payer les services d’un professeur privé. «Cela me coûte Rs 18 000 par mois. Le professeur est présent de lundi à vendredi, de 8 h 30 à 17 heures. Mais ce n’est pas tout le monde qui peut se permettre une telle dépense.» Cette mère de famille a une autre copine qui a deux enfants âgés de sept et 10 ans respectivement. «Elle est en télétravail. Dès qu’elle les oublie quelques minutes, elle retrouve l’une qui danse devant la tablette et l’autre qui joue sous la table. Si vous ne vous asseyez pas auprès de l’enfant, il fait ce que bon lui semble. Et elle arrive difficilement à se concentrer sur son boulot.»
Manque d’interaction
De son coté, Sandra redoute les conséquences que ces cours en ligne peuvent avoir non seulement sur les enfants mais aussi sur les parents. «Chez les enfants, ce sont de gros ‘excès d’écran’ qui vont leur nuire et ils sont livrés à eux-mêmes. Ils sont confrontés aux dangers d’Internet sans la présence d’adultes à leurs côtés. Il y a un manque d’organisation et aussi, un manque de motivation, chez les petits surtout, pour effectuer des tâches scolaires.» Elle souligne que certains professeurs n’adaptent pas les cours sur Zoom afin d’intéresser l’enfant. «De plus en plus, l’on constate que les élèves ont de grosses difficultés de concentration, et cela va en s’empirant. Le manque d’interaction est considérable. Il y a plus de tension dans la relation parent-enfant. À la longue, il y aura des séquelles psychologiques. Il est difficile d’appréhender l’avenir…»
Certains parents comptent adresser une lettre ouverte à la ministre de l’Éducation afin qu’elle revienne sur sa décision, et laisse les enfants retourner à nouveau sur les bancs de l’école. Mais quid des risques d’attraper le Covid-19 ? Jamais contents les parents ? «Certes, mais par exemple, pour les petits, les profs auraient dû interagir davantage avec les enfants, au moins qu’ils s’intéressent au travail, qu’ils fassent de petites révisions, trouvent des solutions et s’adaptent. Pas juste se contenter des cours à la télé et quelques devoirs expédiés à la vavite», conclut Vania.
Pas tous égaux…
Pour le président de l’Union of Private Secondary Education Employees, Bhoseparsad Jhugdamby, l’éducation à Maurice ne sera plus pareille. «Vous avez les enfants qui sont un peu plus intelligents. Avec les cours et le soutien d’un professeur particulier, ils peuvent s’en sortir. Mais qu’en estil des autres enfants, ceux qui ne sont pas d’un milieu aisé ? Certains n’ont pas accès à Internet et il y a des parents qui ne peuvent s’offrir des ordinateurs.» Il parle aussi des difficultés rencontrées avec le taux d’absentéisme aux cours en présentiel. «À présent, on ne sait si le collégien suit ou pas les cours. Le contrôle parental est déplorable dans certains cas car le parent n’a pas l’occasion de rester à la maison et ne peut pas manquer le boulot. »
De son côté, l’ancien président de la Government Teachers’ Union, Vinod Seegum, avance que les enfants, les parents et les enseignants doivent s’adapter. «Nous sommes actuellement en réflexion pour que des cours en ligne soient dispensés aux élèves de Grade 6. Mais il faut savoir si l’enfant pourra manier les outils comme Zoom.» Certes, les ‘cours télévisés’ ne sont pas comparables aux cours en présentiel. «Mais on espère qu’avec Catch-up TV, l’enfant pourra revoir les cours à un autre moment de la journée. Il y a aussi le learning pack qui a été promis et qui permettra de consolider en amont ce qui se fait à l’école. La situation n’est certes pas idéale, tout cela est nouveau, mais il faut s’adapter.»
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