Publicité

Débat: l’art fait-il peur aux politiques ?

14 décembre 2021, 22:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Débat: l’art fait-il peur aux politiques ?

Ananda Devi, Miselaine Duval, Lionel Permal et d’autres artistes ont participé dimanche à un débat organisé par la Mauritius Global Diaspora. C’était le dernier d’une longue série autour du thème «Les jeunes et la politique», et il était axé sur l’art, un secteur qui souffre, selon tous les intervenants, d’un manque d’engagement et de soutien des autorités. À qui profite la non-reconnaissance des artistes ?

Le décor était planté dès les premières paroles d’Ananda Devi. L’écrivaine à succès a d’emblée martelé que le premier rôle de tous les artistes (poètes, musiciens, écrivains), c’est de poser les bonnes questions et d’amener la société à réfléchir d’ellemême. «L’approche la plus frontale, c’est celle des artistes engagés», explique-t-elle. «Un pays a besoin des artistes comme le groupe Latanier, BamCuttayen, les frères Joganah et Kaya. Ceux-là ont pris le risque de se mettre en danger avec leurs paroles fortes qui font réfléchir.» Ananda Devi contraste ainsi la voix des artistes à celle des rhétoriques des politiciens, des médias et des réseaux sociaux. «L’art est un produit vrai qui émane de la justesse et la réflexion contrairement aux micros des politiciens.» Le sort de Kaya démontre, selon Ananda Devi, que le pouvoir a souvent tendance à ne pas accepter les critiques. «Kaya qui a semé la non-violence a récolté une mort violente», déplore-t-elle.

Lionel Permal, ex-membre du groupe Blackmen Bluz et aujourd’hui promoteur de la musique locale à travers, entre autres, le festival Kaz Out, a abondé dans le même sens. «L’art est perçu comme une menace, un danger car il amène un éveil de conscience grâce aux vérités qu’il véhicule.»

Cadre légal inexistant

Tous ceux présents dans ce débat virtuel ont ensuite exposé les difficultés auxquelles ils font face dans leurs différents domaines artistiques : un environnement peu propice à l’émancipation artistique, un cadre légal inexistant avec le Status of Artist Bill qui se fait toujours attendre, des ministres dictés par des fonctionnaires qui «ne maîtrisent aucun art». Les artistes insistent qu’ils ne demandent aucun traitement de faveur, mais l’État n’a jamais songé à mettre en place un minimum de structure pour qu’ils opèrent.

«Au cours de ma carrière, j’ai dû avoir 400 rencontres avec des ministres des Arts et de la Culture. Mais tout a été vain», raconte Miselaine Duval, directrice de Karavann Events et du Komiko Art Comedy Club. Nikhil Shibnauth du groupe Boys Unplugged avoue qu’il ne sait pas quoi penser : «Est-ce qu’ils ne savent pas faire, ou bien ils ne veulent pas ?» L’écrivain Sedley Assonne a, lui, expliqué qu’aucun ministre des Arts n’a jamais établi une politique culturelle. «Un ministre des Finances présente un budget annuel, or aucun ministre des Arts n’a jamais proposé un plan. Ici, on confond socioculturel et art. Les politiques abusent des artistes le temps d’une campagne électorale. Ce n’est pas acceptable.»

Invité également à ce débat, Axcel Chenney, journaliste de l’express et qui suit en exclusivité l’artiste Blakkayo pour la réalisation de sa biopic, a conclu que «cette situation n’est pas le fruit de l’incompétence. C’est une volonté d’emprisonnement intellectuel. Un peuple qui lit, écoute, écrit, peint, danse ou qui pratique et qui consomme n’importe quelle forme d’art, est un peuple éclairé. Les politiques dont le seul objectif est de se maintenir au pouvoir n’ont aucun intérêt à créer un environnement d’émancipation artistique. Au contraire, même le cinéma mauricien souffre de copinage. Ils n’ont aucun intérêt à créer des ‘Coluches’.»