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Coopération sino-mauricienne: Maurice pas signataire de la nouvelle route de la soie
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Coopération sino-mauricienne: Maurice pas signataire de la nouvelle route de la soie
Qualifiée de projet du siècle, la nouvelle route de la soie est une manifestation de l’ambition de la République Populaire de Chine à donner un nouveau souffle à sa stratégie visant à consolider ses liens économiques avec l’Europe en tenant compte de la portée des espaces que lui offre l’Asie centrale dans la réalisation de ce vaste projet. 142 pays ont jusqu’ici souscrit à cette nouvelle démarche de la Chine. La position de Maurice fait de ce pays un sérieux candidat pour faire partie de l’aspect maritime de ce projet qui inclut l’environnement marin du continent et celui de l’océan Indien.
Sur le papier, c’est une des principales sources des produits d’importation dont Maurice a besoin, avec une performance de 21,7 % en octobre ,devançant la Grande péninsule (16,6 %), selon les derniers chiffres de Statistics Mauritius. Soit une hausse de 49 % comparativement à la période correspondante en 2020. Un solide partenaire qui a accompagné Maurice dans les différentes étapes de son évolution et dont des projets financés de ses propres fonds portent l’empreinte de son intérêt pour Maurice. Et pourtant, la République Populaire de Chine (RPC) et Maurice risquent de ne pas évoluer sur la même longueur d’onde dans le cadre d’un vaste plan d’action pour la région que ce pays vient de mettre en place.
En quoi consiste ce nouveau plan de développement pour le continent africain et la région ? Il s’agit de l’intention du gouvernement chinois d’instaurer son plan de développement et de coopération avec le continent africain sur le long et le très long termes et ce dans le cadre de l’initiative BRI (Belt and Road Initiative). C’est ainsi que la Chine se propose de redéfinir son implication dans le développement du monde par le biais d’investissements considérables. La première tranche de ce plan de développement et de coopération s’étale sur une période de 15 ans prenant fin en 2035.
Pour présenter cet ambitieux projet de la République Populaire de Chine, son président, Xi Jinping, a profité, en novembre, de la cérémonie d’ouverture, à Dakar, au Sénégal, des travaux de la huitième édition de la conférence ministérielle du Forum sur la coopération sino-africaine (FCSA). «Qu’est-ce qui fait le succès des relations sino-africaines et la profondeur de leur amitié ?» devait-il s’interroger. «La clé se trouve dans l’esprit d’amitié et de coopération que la Chine et l’Afrique ont forgé et consolidé. Cet esprit, marqué par l’amitié sincère et l’égalité, le bénéfice mutuel et le développement commun, l’équité et la justice ainsi que les progrès en phase avec notre époque et l’ouverture et l’inclusion est une illustration honnête de la solidarité à toute épreuve de la Chine et de l’Afrique pendant des décennies. C’est aussi de cet esprit que jaillit la force pour ouvrir de plus belles perspectives aux relations d’amitié sino-africaines.»
Campagne toxique
Une des principales caractéristiques de cette nouvelle ère de coopération entre le continent africain et la République Populaire de Chine est qu’elle va s’articuler autour de la volonté commune des deux parties de promouvoir un modèle de développement «mondial plus fort, plus vert et plus sain». Ce modèle de développement va se focaliser sur le développement économique et social du continent en tenant compte de l’impact de l’émergence de la pandémie de Covid-19 sur les projets de développement existants et cela sans mettre en péril les domaines de coopération traditionnels entre les deux parties. Les domaines identifiés dans le cadre de cette nouvelle ère de coopération sino-africaine sont notamment la politique, l’économie, le développement social, les échanges humains et culturels, la paix et la sécurité ou encore la promotion d’un mode de développement durable.
Jusqu’ici, 142 pays sont signataires de l’initiative BRI parmi lesquels quarante-deux proviennent de la région subsaharienne, trentequatre de l’Europe et de l’Asie centrale, vingtquatre sont de la région de l’Asie orientale et du Pacifique ou encore les dix-sept pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord.
«Si 142 pays ont choisi de faire partie de la BRI de plein gré, il y a aussi une poignée de pays qui sont surtout des rivaux peureux de la Chine, comme le Japon, l’Inde, les USA, le Royaume-Uni, l’Australie, qui font une campagne toxique pour dénigrer la BRI et qui aujourd’hui, après une longue histoire sanglante de colonisation, d’esclavage, de génocide et d’exploitation, mettent enfin, avec les moyens du bord, la main dans leurs poches spoliatrices pour monter des programmes d’investissement similaires, par exemple l’Infrastructure Bill des USA et la Global Gateway Initiative de l’UE, qui ne sont certainement pas encore bien définis ni transparents. Pourquoi ontils si peur de la BRI ? Pourquoi la petite île Maurice ne voit pas d’intérêt à s’y joindre alors que des pays tels que Fidji, Suriname et la Guyane ont signé ?» soutient Kee Chong Li Kwong Wing, président de l’Amicale Maurice-Chine et banquier international d’investissement privé.
Pour lui, la seule conclusion que l’on peut tirer de ce refus de Maurice d’adhérer à la BRI, «c’est que Maurice a subi la pression du Premier ministre indien Modi, devenant clairement le satellite de l’Inde». Il devait ensuite situer le contexte qui explique la posture de l’Inde. «Déjà l’Inde elle-même suit les États-Unis dans sa guerre froide contre la Chine, aujourd’hui Maurice se rétracte totalement de sa politique de non-alignement et de bonne entente avec toutes les grandes puissances pour suivre docilement la politique de l’Inde à la manière des frères Joganah dans leur expression devenue légendaire, ‘esklav enn lot ‘esklav’.»
Vision à long terme
En dépit de la posture de Maurice qui, dans une certaine mesure, pourrait potentiellement gêner le gouvernement chinois, Zhu Liying, son ambassadeur basé à Maurice, s’est montré optimisme sur ce plan lors du discours pour marquer le sixième plenum du comité central du Parti communiste chinois. «Hier lors du séminaire organisé par l’Economic Development Board, à la veille du Forum sur la coopération Chine-Afrique, je disais que la force de la Chine c’est sa vision à long terme : 30 ans, 50 ans, 100 ans. L’avenir se prépare par des visionnaires. Cela donne naturellement une visibilité et une crédibilité à long terme à la coopération gagnant-gagnant, notamment pour nos amis africains. En effet, l’Union africaine a aussi son plan de développement à long terme. Il faut que les deux côtés joignent leurs efforts pour que l’Afrique profite du ‘train à grande vitesse’ de l’économie chinoise. À mon sens, Maurice, qui est une plaque tournante entre l’Afrique et la Chine, doit jouer son rôle encore plus actif et plus innovant dans cette coopération tournée vers l’avenir. Pour ce faire, l’adhésion à l’initiative de la nouvelle route de la soie sera une belle opportunité.»
La situation actuelle par rapport à cette initiative économique de la Chine qu’est le BRI rejoint, dans une large mesure, l’idée avancée en 2017 par Emmanuel Hache dans une analyse intitulée «Belt and Road Initiative (BRI) : une lecture économique». Il écrivait ceci : «L’initiative BRI (Belt and Road littéralement ceinture et route) fait, à l’heure actuelle, l’objet de multiples commentaires et suscite admiration, crainte ou incompréhension de la part de nombreux analystes ou du grand public. L’initiative BRI est symptomatique de la difficulté à appréhender le volontarisme de la Chine en ce début du 21e siècle.»
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