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Rétrospective 2021: un paysage économique dicté par les caprices des variants

30 décembre 2021, 21:46

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Rétrospective 2021: un paysage économique dicté par les caprices des variants

L’année qui tire tristement à sa fin aura au moins une source de satisfaction pour l’exécutif. Pour cause, la sortie théorique de la liste des pays à risque de l’Union européenne le 21 décembre, deux mois après son retrait de la liste grise du GAFI. Une lueur d’espoir dans un ciel obscurci par la crise sanitaire doublée d’une crise économique dont les effets pourraient se faire lourdement ressentir en 2022 face à l’évolution d’un virus difficilement saisissable et hors du contrôle des épidémiologistes les plus réputés mondialement. La pandémie en 2021 et sa poursuite éventuelle en 2022, avec des conséquences sanitaires et économiques inimaginables à l’échelle planétaire, est de nature à rebattre les cartes de l’économie mondiale en redessinant son paysage et à faire émerger un nouveau rapport de force entre les États-Unis et la Chine.

À Maurice, la crise épidémique a mis l’économie à genoux. Après une contraction du PIB de presque 15 % en 2020, la croissance cette année sera molle, estimée à 4,8 %, selon les dernières statistiques publiées la semaine dernière. Alors même que les experts économiques et d’institutions financières internationales, comme le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, affirmaient jusqu’à tout récemment qu’après son enlisement dans la récession économique en 2020, il faudra attendre plus d’une année pour retrouver le niveau de croissance pré-Covid, déjà bas à 3 % en 2019. Le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, qui table d’ailleurs sur une croissance de 9 % pour l’année fiscale 2021-22, devra revoir sa copie, sachant bien que ce taux ambitieux repose sur des fondamentaux économiques fragiles assortis d’une lente relance économique depuis la réouverture totale des frontières le 1er octobre 2021.

«Les automobilistes ont eu leur cadeau de fin d’année. Avec la hausse du prix de l’essence et du diesel, ils devront casquer plus pour faire le plein.»

Or, il va sans dire que la fermeture momentanée des frontières pendant une semaine au début du mois entre Maurice et la France, avec son inclusion sur la liste «rouge écarlate» après l’apparition du variant Omicron dans des pays d’Afrique australe, est venue brouiller les pistes dans un secteur porteur de croissance, en remettant le compteur à zéro sur les projections initiales des arrivées touristiques après le 1er octobre. D’ailleurs, c’est une posture prudente qu’a voulu adopter le tout nouveau président de l’AHRIM Désiré Elliah, en soulignant que «l’incertitude permanente qui caractérise cette pandémie et les mauvaises surprises qu’elle pourraient encore nous réserver, font que l’avenir demeure encore flou». Le ministre du Tourisme, Steven Obeegadoo, devait renchérir en révisant à 100 000 les arrivées attendues pour décembre alors que les hôteliers ambitionnaient 140 000.

Aujourd’hui, avec le variant Omicron déferlant sur l’Europe, plus particulière- ment sur le territoire français avec la barre de 100 000 contaminations déjà franchie en 24 heures, forçant les autorités françaises à durcir les mesures sanitaires, il faut s’attendre à ce que les arrivées touristiques de ce principal marché soient sérieusement perturbées. D’ailleurs, l’AHRIM et les opérateurs hôteliers ont des raisons de s’inquiéter et de trouver des marchés alternatifs. D’autant plus que le ministre des Finances avait mis la barre haute en visant 325 000 touristes pour le dernier trimestre de l’année. Un objectif qui ne sera pas objectivement atteint. Il est fort à parier que l’industrie touristique, qui a subi une dette supplémentaire de Rs 15 milliards lors des derniers 18 mois d’inactivité, ne soit pas en mesure de tirer la croissance. Par ailleurs, Air Mauritius, comme principal partenaire de l’industrie touristique, opérant aujourd’hui sous la mégastructure Airport Holdings Ltd (AHL), avec Airports of Mauritius, Mauritius Duty Free Paradise et Atol, et brassant des actifs combinés de plus de Rs 20 milliards, n’a pas encore fixé son calendrier de vols.

«L’apparition du variant Omicron dans des pays d’Afrique australe est venue brouiller les pistes dans un secteur porteur de croissance...»

MIC au secours d’airport holdings

Par ailleurs, la nouvelle est tombée hier, annonçant l’arrivée de la MIC dans l’actionnariat d’AHL, avec à la clé une participation à hauteur de 49 % du capital. En contrepartie, le conglomérat d’État a encaissé Rs 25 milliards, lui permettant ainsi de régler la totalité de ses dettes, soit en remboursant à l’État Rs 12 milliards, l’équivalent d’une avance faite à AHL puisée de deux fonds, et d’un autre montant de Rs 13 milliards contracté auprès d’entités d’État, dont NPF (Rs 11 milliards), NSF (1,5 milliard) et Transitional Unemployment Benefit (Rs 500 millions) pour racheter les actions qu’AML et d’autres sociétés détenaient dans MK. Un sauvetage de dernière minute qui per- mettra peut-être un redécollage du Pailleen-Queue en 2022.

Entre-temps, face aux urgences économiques et aux craintes de licenciement dans le secteur hôtelier dues aux risques d’une crise pandémique qui n’a pas encore dit son dernier mot en 2022, le gouvernement a dû, comme d’autres pays, déployer un plan de relance de Rs 150 milliards, presque 30 % du PIB, pour vivifier l’économie. Plus particulièrement les secteurs productifs et gros employeurs de bras comme la manufacture, le tourisme, la construction et l’agro-alimentaire. Le Wage Assistance Scheme, étendu dans le secteur hôtelier, jusqu’à la fin de l’année, aura mobilisé, en tout et pour tout, plus de Rs 25 milliards.

Pour autant, les largesses gouvernementales aux fonctionnaires et aux personnes du 3e âge éligibles désormais à une pension de Rs 13 500 en 2023, ainsi que la toute récente compensation de Rs 400 across the board peuvent envoyer des signes contradictoires sur l’état réel des finances publiques. Or, face à cette masse d’argent difficilement compréhensible en période de crise, les automobilistes ont eu leur cadeau de fin d’année avec l’augmentation du prix de l’essence et du diesel. Ils devront donc casquer plus pour faire le plein. Véritable coup de massue pour cette hausse décriée par les forces vives et les automobilistes mais justifiée par la State Trading Corporation, arguant que cette décision est dictée par la hausse des prix des produits pétroliers sur les marchés internationaux.

Sans doute, personne ne conteste les mesures sociales et financières pour protéger les économiquement faibles de la société. Mais faudrait-il encore qu’elles soient ciblées car au cas contraire, elles exerceront de fortes pressions sur l’endettement public, aujourd’hui à 78 % du PIB et éventuellement sur le déficit budgétaire estimé à 5 % pour l’année fiscale 2021-22. Les économistes indépendants se sont fait entendre plus d’une fois sur ces para- mètres économiques alors que l’État ne veut surtout pas freiner le dynamisme de la croissance. Même si avec l’extension des mesures sanitaires jusqu’au 15 janvier, couplée à un danger inflationniste certain (6,4 % en glissement annuel en novembre), la consommation de fin d’année risque de prendre un sérieux coup.

La crise épidémique hantera encore nos esprits en 2022. L’équilibre entre la protection de la santé publique et le souci d’éviter un crash économique demeure un choix certes difficile. Renganaden Padayachy, qui entame sa troisième année comme ministre des Finances, marche visiblement sur des œufs…