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Non-reprise intégrale des classes: état des lieux d’un gâchis et solutions

6 janvier 2022, 20:00

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Non-reprise intégrale des classes: état des lieux d’un gâchis et solutions

Annus horribilis pour les élèves en 2021/2022 avec les vagues de contamination et fermetures des écoles. Hélas, à partir du 2 février, la scolarité en présentiel ne reprend que pour les élèves ayant des examens nationaux et internationaux. Qu’advient-il des autres ? Quels dégâts risquent de perdurer sous cette formule ? Quelles sont les solutions ?

Le 10 janvier, ce sera reparti pour un tour avec les cours en ligne pour tous les grades scolaires confondus. Mais dès le 2 février, seuls les élèves des Grades 9, 9+, 11 et 13 respectivement reprendront les classes en présentiel. Les autres devront adhérer au mode d’apprentissage virtuel jusqu’à nouvel ordre. Quelles conséquences se répercutent sur ces jeunes ? Munsoo Kurrimbaccus, vice-président de l’Union of Private Secondary Education Employees (UPSEE), constate que «le système éducatif a fait une sorte de ‘crash’». «Il n’y a pas eu une planification adéquate pour redresser l’éducation avec les vagues pandémiques dont la quatrième avec le variant Omicron. Une majorité d’enfants nécessitent l’encadrement des enseignants et de l’école en présentiel», déclare-t-il.

Selon lui, environ 60 % des élèves sont dans ce cas de figure. En l’absence de classes en présentiel, l’écart se creuse en termes de pertes de motivation et d’intérêt scolaire, ce qui est grave à son sens. Pour Suttyhudeo Tengur, président de la Government Hindi Teachers’ Union, 20 % de la population ne dispose pas de connexion Internet. «Les cours en ligne entraînent des inégalités et excluent malheureusement ces enfants de l’éducation. Même au sein des 80 % des Mauriciens connectés, s’il y a un seul dispositif de connexion, un enfant doit se sacrifier pour un autre. A-t-on fait des études sur ces problématiques ? se demande-t-il. On crée un ‘gap’ sans précédent avec ces deux années écoulées.» Selon lui, on «appauvrit la jeunesse de demain». Et ce retard scolaire ne pourra être rattrapé. Les capacités d’employabilité en pâtiront paradoxalement.

De plus, réintégrer seulement ceux qui auront des examens n’est pas sans conséquences. D’ailleurs, indique Lindsay Thomas, président de la Roman Catholic Secondary Schools Union (RCSSU), une des grosses faiblesses du système éducatif demeure l’obsession pour les examens. «C’est un élément important du cursus scolaire mais à Maurice, c’est érigé comme le but de l’éducation. Les enfants ont besoin d’une vie sociale et relationnelle. Ne pas avoir l’école en présentiel les prive d’un maillon essentiel de la croissance émotionnelle», souligne-t-il. Il estime que la plupart des enfants ne prennent guère au sérieux les cours en ligne par habitude. La présence d’un professeur rythme le travail, précise les enjeux et l’assiduité. Or, le virtuel livre chaque apprenant à lui-même.

Définitivement, indique Thierry Marie, président de la Parents Teachers Association (PTA) du collège St Mary’s à Rose-Hill, il n’y a pas un contrôle permettant de déterminer si les élèves des petites classes en particulier parviennent à adhérer et assimiler les cours virtuels en l’absence des parents qui sont au travail. «Via Zoom, on ne sait s’ils ont com- pris ou s’ils font semblant d’apprendre. On aura des répercussions néfastes. Il faut trouver une bonne formule pour un bon suivi. Les écoles privées ont des méthodes plus élaborées avec une liste de présence, des séquences, etc. L’État devrait se greffer sur ce modèle», déclare-t-il.

Pour Annand Seewoosungkur, président de l’Association des maîtres d’école, les pertes cognitives, pédagogiques, de développement social, psychologique et de confiance sont lourdes. «Je ne sais si on pourra rattraper cela, surtout pour les petits qui prendront part aux examens du Primary School Achievement Certificate (PSAC). Je ne vois pas comment. Les élèves sont également désorientés», observe-t-il. En dépit de l’allègement du cursus, il se demande si les sections retirées et qui ne figureront pas au questionnaire seront reprises au secondaire. Au cas échéant, il y aura un «manquement», souligne-t-il. Il appréhende justement ces dégâts à long terme. «Outre les élèves brillants et moyens, il y a aussi ceux qui ont vraiment besoin d’être mobilisés en présentiel. Ce sera encore plus difficile de les rattraper. Les parents mêmes sont déboussolés», affirme-t-il.

Aslam Eathally, secrétaire de la School Superintendent Union, estime que l’interaction entre élèves et enseignants est vitale pour assurer la scolarité. «Il y a une grande différence entre l’éducation à distance et en présentiel. En virtuel, l’adhésion demeure toujours incertaine», souligne-t-il.

Quelles sont les solutions ? Citant des données du Fonds des Nations unies pour l’enfance ( UNICEF ) , Munsoo Kurrimbaccus mentionne divers pays où les écoles ont pris du temps pour la réouverture. Une fois cette étape franchie, elles n’ont plus refermé. Un modèle à répliquer ? «Il faut reprendre en présentiel au plus vite et se prémunir contre les risques de contamination au maximum. Les écoles ne sont pas des lieux de transmission selon l’UNICEF. Le problème vient des transports en commun. Il aurait fallu un bon système de régionalisation, avec des star schools dans toutes les régions, ce qui éviterait tous ces déplacements en autobus», précise-t-il.

D’après lui, il faut faire «rouler les écoles pour tout le monde». En cas de détection positive au Covid-19, un protocole doit être instauré pour isoler les enfants ou fermer la classe pour deux jours au besoin. «Le fait d’accueillir juste les candidats aux examens en présentiel en février est comme un message aux autres privés de cette possibilité pour qu’ils cessent d’apprendre. On ne peut les mettre de côté puisque la perte d’intérêt scolaire s’accroît et qu’ils auront aussi des examens l’an prochain», ajoute-t-il.

De son côté, Lindsay Thomas prône une reprise scolaire en présentiel et en alternance s’il n’y a pas de grands risques sanitaires. Pour Thierry Marie, on aurait pu autoriser la rentrée en présentiel aux adolescents vaccinés et responsables au niveau des consignes sanitaires. Il est aussi en faveur de la reprise en présentiel, en alternance pour commencer par des désinfections plus régulières avec l’aide de l’État. Ceci permettrait aussi aux enseignants de compléter leur cursus scolaire. «Il faut avoir des données précises sur les contaminations pour sécuriser les enseignants à la reprise scolaire. De plus, la circulation en autobus doit être plus sécuritaire pour nos enfants», ajoute-t-il.

Plusieurs pays favorisent une réduction de la population estudiantine, notamment en organisant des classes le matin et d’autres en après-midi, soutient Suttyhudeo Tengur. «Avec une bonne volonté politique, on peut effectuer des classes six jours par semaine, avec trois pour les petites classes et les trois autres pour les grandes classes. Il faut prendre des décisions courageuses», suggère-t-il.

Comme solution, Annand Seewoosungkur suggère que les examens primaires soient différés à juin au lieu d’avril 2022. «Diverses nations progressistes n’ont pas d’examens. Je suis en faveur de cela car on doit se focaliser sur l’apprentissage plutôt au lieu d’ajouter un stress additionnel aux enfants. Les contrôles continus sont plus appropriés. Maurice devrait aussi emboîter le pas de ces pays», espère-t-il. La rentrée en présentiel pourrait aussi se faire progressivement, ajoute le président de l’Association des maîtres d’école. Le secrétaire de la School Superintendent Union soutient, lui, qu’il est temps de reprendre l’école normalement. «Comme les supermarchés fonctionnent normalement et qu’on vaccine tout le monde, les institutions éducatives doivent pouvoir suivre également», déclare-t-il.

Rapport de l’UNICEF : des mesures pour éviter une décennie perdue

<p><em>&laquo;Près de deux ans après le début de la pandémie, les effets généralisés du Covid-19 continuent de s&rsquo;aggraver, augmentant la pauvreté et ancrant les inégalités&raquo;, indique le tout dernier rapport de l&rsquo;UNICEF publié en décembre 2021. Selon cette organisation, qui marque ses 75 ans d&rsquo;existence, si certains pays parviennent à se relever et à reconstruire une &laquo;nouvelle normalité&raquo;,</em> pour beaucoup, en revanche, la pandémie constitue toujours une catastrophe. Les droits des enfants du monde entier n&rsquo;avaient pas été autant menacés depuis plus d&rsquo;une génération. Aussi, le rapport fait état des mesures à prendre de toute urgence pour inverser les effets dévastateurs du Covid-19 sur les enfants et les jeunes.</p>

<p>Parmi ces stratégies, l&rsquo;UNICEF privilégie l&rsquo;investissement dans la protection sociale, le capital humain et les dépenses pour un relèvement inclusif et résilient, la fin de la pandémie et la reconstruction sur des bases solides pour que chaque enfant reçoive une éducation de qualité, soit protégé et jouisse d&rsquo;une bonne santé mentale. Enfin, il est aussi question de renforcer la résilience afin de prévenir les crises, d&rsquo;y répondre et de protéger les enfants plus efficacement.</p>