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Rentrée scolaire: le blues des «school shops»
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Rentrée scolaire: le blues des «school shops»
Ces magasins spécialisés dans la confection et la vente d’uniformes scolaires sont déserts. Depuis la fermeture des écoles en 2021, ils sont à l’affut du moindre client. Hélas, comme les classes reprennent demain mais toujours en ligne, les chances de reprendre leur activité commerciale s’amenuisent. Comment y font-ils face ? Vont-ils rendre leur tablier ? Tour d’horizon.
Depuis le 10 novembre 2021, les écoles sont reparties en fermeture. Et elles ne rouvriront pas totalement de sitôt. Selon le ministère de l’Education, tous les cours reprennent en ligne le lundi 10 janvier au primaire et au secondaire. En revanche, à partir du 2 février, les élèves des Grades 9, 9+, 11 et 13 retrouveront leurs salles de classe. Un brin d’espoir pour les prestataires spécialisés dans la confection et la vente d’uniformes scolaires, connus comme des school shops.
Ils sont frappés de plein fouet par la crise sanitaire et la fermeture des écoles, comme l’indique Ravi Venkatasami, directeur de Bonkoutir Uniforms. Opérant depuis plus de 50 ans, il gère deux magasins à Flacq et à Curepipe et emploie une centaine de personnes. «C’est la première fois que nous nous retrouvons dans une situation aussi difficile où les écoles ne fonctionnent pas. Sous le calendrier scolaire habituel, en décembre, nous tournions à plein régime avec diverses commandes. Mais ces derniers mois de 2021, c’est la catastrophe », confie-t-il. L’entreprise a d’ailleurs dû faire des pieds et des mains pour payer les salaires et le boni de fin d’année.
«Comme les enfants ne vont pas à l’école, les parents ne vont pas investir dans l’achat d’uniformes. Depuis la fermeture scolaire, nous devons puiser de nos réserves pour continuer nos services.»
De plus, il lui faut honorer dettes et paiements des commandes de tissus en provenance de Chine, de l’Inde et de la Malaisie. Si les stocks de ces matières premières importées depuis septembre 2021 sont renfloués, tel n’est pas le cas des revenus. «Cette semaine, on n’a fait que Rs 200 en termes de vente. Si ces difficultés persistent, d’ici deux à trois mois, comme nous ne sommes pas fixés sur la réouverture totale des écoles, nous devrons prendre des décisions. On a tenu le coup mais sans amélioration, on devra réduire les coûts.» Il explique qu’il produit également des uniformes pour des écoles privées qui ne parviennent pas à les vendre aux élèves.
Même scénario chez Jinchi, qui a quatre magasins basés à Rose-Hill et Port-Louis, où les uniformes scolaires ne trouvent plus preneurs. «En dépit de l’absence de ventes, nos boutiques restent ouvertes. On espère que la réouverture partielle des écoles le 2 février relancera nos activités. Peut-être qu’on travaillera un peu», confie Priscilla, une des responsables de magasin à Rose-Hill. Les employés de leur usine sont, dit-elle, en attente pour remettre la main à la pâte. «Nous prions pour que les écoles reprennent en présentiel comme il n’y a aucune vente d’uniformes scolaires. Notre survie et celle de nos familles en dépendent», affirme-t-elle.
Les affaires sont également en berne pour School Shop à Candos, indique Fiya, une responsable : «Le travail ne marche pas du tout. Déjà depuis novembre, il n’y aucune vente.» C’est pire pour janvier avec la rentrée scolaire en ligne. L’établissement, qui compte une trentaine d’années dans ce domaine, se focalise sur les stocks, en attendant le retour des cours en présentiel.
À la Junior School Shop Ltd, qui opère depuis 20 ans à Modern Square, Vacoas, la directrice, Arrtee Dyal, fonde ses espoirs sur la rentrée du 2 février. «Mais on n’attend pas grand-chose de cette réouverture car seuls les élèves de quelques grandes classes seront concernés. Nous ne pouvons plus travailler comme d’habitude. On ne fait qu’investir sans le moindre revenu.» Elle vise plutôt une rentrée en présentiel intégrale, probablement en juin. Mais avec la pandémie, rien n’est certain, avoue-t-elle. De plus, la reprise des cours en présentiel n’est pas une garantie de relance pour le secteur car Arrtee Dyal a observé un changement dans les habitudes d’achat des parents. «Avant le Covid-19, ces derniers achetaient les uniformes complets pour une année. Avec les fermetures et réouvertures successives, ils prennent juste une pièce – une blouse, un short ou une robe», constate-t-elle. L’incertitude plane donc toujours, estime-t-elle.
À Port-Louis, Mimose Lau prend aussi son mal en patience. Responsable du magasin Uniforms Shop, elle continue à faire ses stocks. Elle possède également une boutique à Beau-Bassin. «Comme les enfants ne vont pas à l’école, les parents ne vont pas investir dans l’achat d’uniformes. Depuis la fermeture scolaire, nous devons puiser de nos réserves pour continuer nos services. Personne n’est épargné par une telle situation. On n’a pas d’autre choix que de nous adapter.» Elle explique qu’il faudra supporter la situation et qu’il n’est pas question de réduire son personnel. D’après elle, l’admission en Grade 7 nécessitera l’achat de nouveaux uniformes. Mais comme le troisième trimestre ne commence que demain, il faudra repasser. «Les achats futurs des parents dépendront largement de l’évolution du virus.»
Comme les autres prestataires, pense-t-elle que la rentrée du 2 février redorera le blason des uniformes ? Pas si sûr, confie Mimose Lau. «La reprise sera lente à mon avis. Les enfants ont été habitués à rester à la maison. Ils disposent déjà de leurs uniformes qui n’ont pas été utilisés. De plus, on ne connaît pas encore la fréquence des cours. Comme les parents font face à diverses augmentations de prix, ils ne vont pas dépenser à tort et à travers», affirme-t-elle.
Cahiers, crayons, stylos sur le banc de touche
Les uniformes ne sont pas les seuls à être boudés par les acheteurs. Le matériel scolaire l’est aussi. Selon Muryoodeen Fauzee, directeur des supermarchés Dreamprice, il y a très peu de vente d’articles scolaires. «Habituellement, en marge du troisième trimestre, les ventes de matériel scolaire sont généralement plus élevées. Avec les cours en ligne, on n’en réalise pratiquement pas.» Dans les boutiques de quartier, seuls un ou deux cahiers sont achetés par jour, indique Sunil, un revendeur de Curepipe. Parfois, aucun. «Les enfants n’ont pas besoin de matériel, comme ils étudient à la maison. Ils utilisent tout ce qu’ils ont sous la main et recyclent des pages au besoin», précise-t-il. Pour sa part, Gheerishsing Gopaul, président de la Mauritius Library Association, constate aussi une baisse pour le moment. «C’est normal vu que les classes reprennent en ligne. On n’aura pas besoin d’uniformes, de livres, etc. Puis, nous sommes encore au troisième trimestre. Je pense que la vente de matériel scolaire augmentera surtout avec la rentrée en présentiel des grandes classes en février», affirme-t-il.
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