Publicité
MIC: pas sûr que les révélations de Xavier Duval aient fait changer les choses
Par
Partager cet article
MIC: pas sûr que les révélations de Xavier Duval aient fait changer les choses
Les Rs 80 milliards de la Banque de Maurice serventelles à relancer l’économie et l’emploi ou partent-elles dans un trou sans fond ? Bien que les investissements paraissent désormais plus indiqués, les Rs 25 milliards données au Trésor public sont restées en travers de nombreuses gorges.
Paul Bérenger l’a dit aussi à la conférence de presse de l’entente de l’Espoir samedi : les Rs 25 milliards destinées à Airport Holdings Ltd (AHL) sont destinées en fait au gouvernement. «Après les Rs 18 milliards en 2020 et les Rs 60 milliards de 2021 remises directement au gouvernement, voici Rs 25 milliards qui vont indirectement au gouvernement», a-t-il déclaré, en substance. En tout donc, Rs 103 milliards déjà accaparées par le gouvernement à travers la Mauritius Investment Corporation (MIC). Malgré les remontrances du Fonds monétaire international (FMI) sur l’utilisation du gouvernement de l’argent de la Banque de Maurice (BoM) pour des mesures fiscales au lieu de mesures monétaires, le ministère des Finances a persisté dans la même direction, même s’il est passé par AHL.
Quid des Rs 55 milliards (80– 25) transférées par la BoM à la MIC ? D’après le bilan officiel, Rs 6,7 milliards ont déjà été déboursées et Rs 10,7 milliards le seront bientôt. Donc, au 30 juin 2021, Rs 17,5 milliards avaient déjà été approuvées et Rs 25 autres milliards approuvées et déboursées à AHL, mais qui ont servi, en fait, comme évoqué plus haut, à rembourser les dettes du gouvernement. Au total, Rs 42,5 milliards (25+17,5) des Rs 80 milliards sont donc déjà «earmarked» alors que Rs 31,7 milliards (6,7+25) sont déboursées. Il resterait donc, au 30 juin 2021, Rs 37,5 milliards. Il semble qu’aucune autre somme n’ait été ni approuvée, ni déboursée après le 30 juin 2021. Pourquoi ?
Une PNQ qui a freiné
Après la PNQ du 20 juillet 2021 et la conférence de presse du leader de l’opposition, il est clair que les Rs 250 millions et Rs 200 millions approuvées respectivement pour Akai Fisheries des frères Jughroo, dont l’adresse est Angus Road, et PSH Investment d’Avinash Gopee, n’ont pas été déboursées au 30 juin 2021. Ces sommes ont-elles été gelées ?
Selon nos informations, les conditions requises par la MIC n’ont pas encore été satisfaites. D’ailleurs, Xavier-Luc Duval avait affirmé le 20 juillet que l’Investment Committee (IC) avait rejeté ces deux demandes et que le conseil d’administration était passé outre en les approuvant. Il semble donc qu’après l’intervention de Xavier-Luc Duval, la MIC ait décidé de prendre en compte l’opinion de l’IC. L’on nous prévient que l’approbation tient toujours, enfin celle du conseil d’administration. Mais pour ne pas paraître comme ayant été pris la main dans le sac, les directeurs exigeraient maintenant que les conditions requises par l’IC soient satisfaites.
Mark Florman, le questionneur, Lord Desai, le passif
À part la PNQ qui a refroidi les ardeurs de la MIC, il semble que ce soit la composition du board avant le 30 juin 2021 qui permettait des largesses, surtout envers des demandeurs qui non seulement ne répondaient pas aux critères pour obtenir des fonds de la MIC mais qui ne produisaient pas aussi des sécurités adéquates.
L’ancien board comprenait entre autres Yousouf Ismaël et le Chairman, Lord Desai. Les casseroles du premier, selon nos sources, permettaient au gouvernement d’avoir la mainmise sur lui. Quant à Lord Desai, il nous revient qu’il n’écoutait les délibérations que d’une oreille et restait rarement plus de 15 minutes. Quand il se retirait, c’est Mardayah Kona Yerukunondu, le First Deputy Governor de la BoM, qui siège aussi au board de la MIC, qui continuait les débats et agissait comme Chairman.
Ce qui aurait aussi freiné les ardeurs de la MIC avec l’argent public, c’est que le nouveau chairman Mark Florman ne serait pas un Chairman «vase à fleurs» et qu’il pose tellement de questions que ceux qui présentaient des projets mi-cuits, ne le font plus. On apprend que pas plus tard que vendredi, le Britannique a demandé des explications sur ces Rs 25 milliards transférées à AHL le 13 décembre. D’autres membres du board auraient fait de même. Mais qui décide à la MIC si ce n’est ni le board, ni l’IC ? «Le pauvre Chief Executive Officer Jitendra Bissessur», nous répond-on avec sympathie. «Je me demande pourquoi il endosse toutes ces responsabilités !»
Combler des trous en creusant d’autres trous
Justement, on a appris que ces Rs 25 milliards transférées de la MIC en catastrophe le 13 décembre ne sont pas destinées à AHL – cela, on le savait – mais à combler des trous dans le Trésor public. «Si le gouvernement ne l’avait pas fait, la dette publique serait montée en flèche, surtout avec son envie de construire des routes et des super ponts. Cela aurait provoqué un déclassement de Maurice par Moody’s.» On nous signale également que des inspecteurs du FMI débarquent bientôt pour les consultations sous l’Article IV. Tout en nous rappelant les remontrances de cette institution sur l’utilisation de l’argent théorique pour des projets bien concrets.
Mais le FMI pourrait-il être dupé par l’argent reçu par le gouvernement à travers AHL ? avons-nous demandé. «Je ne crois pas qu’ils soient si bêtes, au FMI. Mais de toute façon, il n’y avait pas d’autres moyens de combler les trous», commente notre interlocuteur. Le «vol» direct de Rs 25 milliards entre la MIC et AHL, nous rappelle-t-il, n’aurait de toute façon pas été approuvé par l’IC de la MIC.
Au secours des hôteliers et des… banques
<p>On nous explique que si les hôteliers se tournent vers la MIC et non vers leur banquier traditionnel, c’est parce que ce dernier aurait déjà trop donné à ce secteur et que, selon l’IFRS 9, le non-remboursement de tout prêt supplémentaire des hôtels après trois mois aurait mené directement à leur mise sous administration. «Ce que ne veulent, ni les hôteliers, ni les banques, qui n’auraient su quoi faire de tous ces hôtels sur les bras.»</p>
D’où proviennent les Rs 80 milliards?
<p>On savait que la BoM a réévalué ses réserves en devises et transféré l’équivalent en roupies à la MIC. Mais pour réaliser Rs 80 milliards, il a fallu des devises étrangères ! <em>«En fait, la Banque de Maurice a réévalué les énormes emprunts contractés auprès du Japon et de l’Inde notamment.» </em>Réévaluer et prendre l’argent qui ne nous appartient pas, comment est-ce possible ? avons-nous voulu savoir. Réponse : <em>«Tout est possible sous le soleil des tropiques.» </em>Tout en nous rappelant qu’il faudra rembourser ces emprunts plus tard et avec des intérêts en dollars.</p>
Questions à Sudhir Sesungkur, expert-comptable et ancien ministre : «La MIC aurait eu des difficultés à justifier sa décision d’investir autant dans Airport Holdings»
Trouvez-vous normal que Rs 25 milliards soient ainsi transférées de la MIC à Airport Holdings Ltd ?
Bien sûr que ce n’est pas normal. C’est un scandale que de transférer Rs 25 milliards à partir de fonds accumulés durant des décennies en profitant des vacances parlementaires. Et sans que le ministre des Finances ne s’explique à la population, se contentant d’un Statement of Account d’une douzaine de lignes, qui a heureusement été vu par un journaliste. Cette dilapidation des fonds publics fait peut-être partie de la nouvelle normalité ?
Dilapider ? Le mot n’est pas un peu fort ?
Non, car cet argent sert à couvrir les milliards de pertes provoquées chez Air Mauritius. Rien qu’avec la vente des avions, elle a perdu Rs 3,4 milliards. Les dettes de cette compagnie sont passées de Rs 2,5 milliards à Rs 9,5 milliards après l’administration. Le bal des consultants, des administrateurs, l’achat inutile d’avions en 2016, la location de deux avions neufs à SAA… La note très salée est maintenant présentée à la population. Et que l’on ne me parle pas du Covid car la situation était déjà catastrophique avant la pandémie.
Pourquoi Air Mauritius n’a-t-elle pas recherché l’aide directe de la MIC au lieu du «Covid-19 Projects Development Fund», du «National Resilience Fund» et AML, entre autres ?
Plusieurs actionnaires privés de MK, à l’instar d’Air India, Air France, Rogers etc, ont préféré abandonner la barque car ils ne font pas confiance à la gestion et au plan de relance de la compagnie nationale d’aviation. Le business de MK est très à risque et les perspectives à court et moyen termes dans la conjoncture actuelle ne sont pas intéressantes. Sur le plan strictement technique, la MIC aurait eu des difficultés à justifier sa décision d’investir une somme aussi importante dans AHL ou MK, qui constitue le plus gros morceau de ce holding. Je me demande si la MIC a fait une due diligence avant d’injecter cette somme colossale de Rs 25 milliards. Donc, pour contourner cet obstacle, il a fallu rendre le package attrayant pour un éventuel investisseur. D’où la stratégie de bundle plusieurs produits en un seul.
La MIC justifie en privé le contournement de son «Investment Committee» en parlant d’acquisitions et non d’investissement de Rs 25 milliards…
Ce n’est qu’une différence sémantique. A-t-on le droit de mettre Rs 25 milliards d’argent public sans penser non seulement aux rendements en dividendes mais aussi au risque de perdre le capital ? Le gouvernement colmate des brèches sans réfléchir à des solutions durables pour MK. Si cette dernière n’arrive pas se remettre à flot, les actionnaires, dont MIC, auront à injecter encore plus d’argent. Comme il n’y aura plus qu’un seul actionnaire – l’État – le contribuable sera appelé à se sacrifier continuellement. Selon mes informations, la plupart des membres du board de la MIC n’étaient pas au courant de cet investissement.
Publicité
Les plus récents