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Éclairage: la productivité pour contrer la dépréciation de la roupie
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Éclairage: la productivité pour contrer la dépréciation de la roupie
Nul besoin pour quiconque de savoir par avance ce que sera la différence entre la valeur des exportations de Maurice et celle de ses importations lorsque Statistics Mauritius fera état de la situation de la balance commerciale du pays dans le cadre de la prochaine publication des résultats de cet exercice, il est peu probable que cet organisme annonce que la valeur des importations est supérieure à celle des exportations du pays.
Le déficit commercial est une caractéristique qui désormais colle à la performance de Maurice dans ses échanges avec les autres pays du monde depuis des années. En attendant que les choses s’améliorent – oui mais comment et quand – c’est la roupie qui fait les frais de cette mauvaise performance. Car lorsque la valeur des importations est supérieure à celle des exportations, il va falloir trouver de l’argent pour régler les factures des produits et services en provenance de l’étranger. Et puisque les fournisseurs vers Maurice préfèrent être payés en dollars américains, il va falloir trouver des dollars. Quelles sont les options qui restent à la Banque de Maurice, organisme régulateur du monde monétaire et gardien de la stabilité monétaire ? Puiser de ses réserves en dollars américains principalement pour soutenir l’offre de cette devise et parallèlement procéder à une dépréciation inévitable de la roupie.
Entre le 15 janvier 2021 et le 17 janvier 2022, selon une banque, la roupie s’est dépréciée par 9,81 %, 3,5 % et 10,04 % vis-à-vis dollar américain, de l’euro et de la livre sterling respectivement. Sa valeur est passée de Rs 39,75 à Rs 43,65 le dollar, Rs 48,36 à Rs 50,03 l’euro et de Rs 54,47 à Rs 59,94 pour la livre sterling. «Cette fascination, fait remarquer Sameer Sharma, «que suscite l’approche qui postule pour une politique de dépréciation continue de la roupie qui contribuera, d’une certaine façon, à résoudre nos manquements en termes de compétitivité, est une mélodie qui nous a été servie depuis ces trente dernières années.» Il dit ne pas être disposé à accorder le moindre crédit à l’efficacité de cette approche. Sa thèse est que ce n’est plus du côté de la Banque centrale qu’il faut trouver la réponse susceptible de résoudre ce problème de déficit commercial, en grande partie, responsable du recours à une dépréciation de la roupie.
Pour lui, la solution passe par une guerre contre les dépenses inutiles et injustifiées, le recours à des dépenses fiscales que lorsque la démarche est porteuse de valeur ajoutée et la mise en place de réformes structurelles tant dans le secteur privé que dans le secteur public pour créer les conditions optimales qui sont à même de faire progresser potentiellement le niveau de la productivité. Cet objectif, dont la réalisation est souhaitée tant au niveau de l’indi- vidu, de l’entreprise, de l’État, et qui se traduit par l’instauration de cette capacité structurelle pouvant déboucher sur une amélioration constante du rapport entre la production et les ressources que celle-ci nécessite pour sa mise en opération. Une situation pouvant aussi permettre de réaliser de la valeur ajoutée, la réduction du coût de plusieurs facteurs que nécessite la mise en route d’un produit, qui sont des conditions indispensables pour rehausser le niveau de sa compétitivité et justifier une hausse de la valeur du produit ou du service sur le marché de l’exportation avec la possibilité de ramener au pays plus de devises étrangères qu’un produit comparatif. Une situation qui diminuerait la pression sur la Banque centrale.
Que dit le National Productivity and Competitiveness Council (NPCC), créé en mai 2000 avec sur la liste de ses priorités, l’obligation d’éveiller et de stimuler le sens de la productivité et de la qualité pour augmenter le volume de la production nationale, rechercher une croissance continue et rehausser le niveau de compétitivité des produits et services du pays ? L’importance qu’Ashit Gungah, directeur exécutif du NPCC, attache à la productivité est sans équivoque. «La productivité», fait-il ressortir, «doit demeurer la priorité des priorités pour l’économie dans son ensemble. Nous comptons sur la collaboration et le soutien de toutes les parties prenantes pour faire sortir le pays de cette situation et remettre tous les secteurs sur les rails».
Ashit Gungah avoue que l’expérience du NPCC ne constitue pas un patrimoine suffisamment puissant pour prétendre tout connaître sur la productivité surtout avec l’émergence de la pandémie de Covid-19 qui a entraîné dans son sillage des éléments nouveaux. «Une étude sur la productivité réalisée avec l’assistance technique de la Banque mondiale, avance-t-il, «nous a donné un aperçu approfondi des facteurs clés qui influencent la productivité à Maurice. Nous travaillons, à présent, sur la mise en place des recommandations de ce rapport. Il va sans dire que l’économie mauricienne a connu les séquelles du Covid-19 et cela nous prendra un peu de temps avant de retrouver cette nouvelle normalité que nous attendons tous. On n’aurait pas tort de dire que tous les secteurs d’activité ont été affectés de manière considérable et actuellement, nous devons nous engager dans une dé- marche visant à assurer notre continuité et surtout à stimuler davantage notre résilience. Toutefois, nous devons être réalistes. Nous sommes dans une situation qui demande beaucoup de rigueur, d’innovation et surtout de courage. Le NPCC se retrouve à présent avec cette mission majeure de revigorer l’économie mauricienne dans une des périodes les plus difficiles de notre histoire.»
Une des initiatives majeures que la NPCC a lancées en 2021 touche le secteur touristique, soit le projet COSHARE (Covid-19 Operational Safety and Health and Resource Efficiency). Un projet qui bénéficie de l’appui de la Tourism Authority qui a déjà touché plus de 1 200 opérateurs ainsi que plus de 1 000 chauffeurs de taxi opérant au niveau des établissements hôteliers jusqu’à ce jour. Le NPCC n’est pas au bout de ses peines. Il n’est pas déraisonnable d’imaginer qu’il existe un fossé entre le vœu que la productivité devienne la priorité des priorités de tous et la situation où ce souhait s’illustre dans les faits. C’est une des tâches que le NPCC est déterminé à entreprendre dans la mise en place des objectifs de son dernier plan stratégique dévoilé en 2021. «Ce plan stratégique dont la période de réalisation s’étale de 2021 à 2025, indique Ashit Gungah, met l’accent surtout sur le développement d’un nouveau mindset de la productivité. Nous prenons en considération les défis majeurs qui influencent la productivité.»
Pour Kevin Ramkaloan, Chief Executive Officer de Business Mauritius, là où le bât blesse, c’est au niveau du coût du travail dont l’amélioration est indispensable pour prétendre se mesurer à d’autres compétiteurs qui ont trouvé la voie leur permettant d’y parvenir. Il n’a pas caché son inquiétude sur ce plan. «Le coût du travail pour ce Maurice n’a cessé d’augmenter», avoue-t-il. «En d’autres mots, la hausse des rémunérations est supérieure à celle enregistrée au niveau de la productivité. C’est une situation qui a des conséquences par rapport à notre compétitivité sur les marchés.» Il fait un plaidoyer pour que le calcul de la productivité du travail s’éloigne de la formule actuelle, estimant que ce calcul qui divise le volume de production final par les unités de travail n’est pas précis. Il propose qu’on ait recours à la productivité multifactorielle – un système qui tient compte de l’efficience globale par rapport à l’utilisation tant du travail que du capital dans la mise en place d’un projet de production – couplée à un recours aux atouts inspirés de la technologie. Il s’agit de sortir le pays de la formule actuelle où il reste coincé dans les méandres d’une compétition axée sur le coût de la mise en œuvre des projets de production pour se diriger vers une formule capable d’aider le pays à faire de la valeur ajoutée une réalité.
Que pense Kevin Ramkaloan du recours à la dépréciation de la roupie ? «Tout s’articule autour du coût du travail. La dépréciation de la roupie a permis au pays d’être plus compétitif. Cependant, comme le tourisme commence à reprendre du poil de la bête, la roupie va s’apprécier. C’est ainsi que notre compétitivité va reposer autour de la productivité et autour de notre capacité à creuser l’écart face à nos compétiteurs tant au niveau de la différenciation que de la complexification de nos produits. »
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