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Inondations: qui sont les coupables ?

21 janvier 2022, 21:00

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Inondations: qui sont les coupables ?

Pourquoi les inondations seraient-elles causées par le changement climatique ? Beaucoup plus de pluies ? Pas vraiment, puisque le site de la station de météo elle-même parle de baisse constante de précipitations durant notamment ces dix dernières années : «Warming of the atmosphere has also impacted the hydrologic cycle over the southwest Indian Ocean. Long-term time series of rainfall amount over the past century (1905 to 2007) show a decreasing trend in annual rainfall over Mauritius. In fact the average rate of decrease per decade is around 57 mm. The total decrease during the last ten years is about 8 % when compared to the 1950s.» 

Si ce n’est pas une augmentation des précipitations qui provoque des inondations, quelle est la cause ? Toujours selon la station de météo : «Even though the number of rainy days is decreasing, heavy rainfall events leading to numerous flash floods […] during the summer months of February and March have increased.» Donc, il y aurait moins de pluies mais elles seraient plus intenses. Mais aucun chiffre ou donnée n’est disponible. Pour Soubiraj Sok Appadu, ancien directeur de la météo, cette dernière information est incomplète. «Il y a beaucoup de données à analyser. Il faut savoir la quantité de pluie reçue durant ces flash foods. Savez-vous qu’aucune étude sérieuse n’a été effectuée par la météo sur ce sujet très important ces 15 dernières années ?» 

Pourtant, c’est ce genre d’informations que reprennent les ministres pour affirmer qu’il y a beaucoup plus de flash floods maintenant et que c’est causé par le «changement climatique». «Vous savez», se lamente Soubiraj Appadu, «on ne peut tout mettre sur le dos du changement climatique. Le drame de ce pays c’est que beaucoup de personnes parlent de changement climatique sans savoir ce que c’est.» Et les flash floods ? «C’est en fait une pluie convective. C’est dans le programme scolaire des enfants dès la classe de sixième. Ces précipitations ont lieu presque tous les jours pendant environ une heure dans l’après-midi en été lorsqu’il y a beaucoup d’humidité dans l’air et une légère brise de mer qui repousse les nuages vers les hauts plateaux. Cela a existé depuis toujours. Et c’est ce qu’ils appellent maintenant flash floods.» 

Un flash flood est en fait une inondation causée quelques heures seulement après une forte pluie. Cependant, il peut être provoqué ou accentué par les activités humaines comme la rupture d’un barrage. Donc, ce n’est pas vraiment un phénomène climatique. Et pourquoi tant d’inondations à Maurice ? Réponse de Soubiraj Appadu : «Constructions sauvages, privées et publiques !» Mais encore ? 

Quand le bâtiment va, tout va à…vau-l’eau 

«Urbanisation galopante», dit de son côté Vincent Florens, l’Associate Professor à la Faculté de science de l’université de Maurice. Il donne des explications simples et de bon sens. «Maurice figure parmi les pays avec des surfaces dures les plus élevées au monde, plus de 9 % comparé à la moyenne mondiale qui est entre 0,25 % et 0,5 %.» Les surfaces dures, le béton, l’asphalte et les drains sont à l’origine du dévalement rapide des eaux causant ainsi non seulement des inondations et pertes d’eau pour nos réservoirs, surtout souterrains, mais aussi la pollution de nos lagons. Le problème c’est que le gouvernement a décidé que la construction sera le moteur de la croissance… 

Prem Saddul, géomorphologue, souligne de son côté avoir noté une modification spatiale et temporelle dans le schéma de pluies convectives, même s’il reconnaît que les flash floods sont accentués par les activités humaines. «Avant, c’était en décembre, puis janvier, février, mars et même avril. Avant c’était surtout dans les hauts plateaux boisés de Curepipe. Maintenant, ce sont le Sud et l’Est.» Pourquoi cela ? lui avons-nous demandé. «C’est la déforestation», assène-t-il sans hésiter. «Et ajoutez à cela l’étalement urbain. Le béton et l’asphalte empêchent l’eau de s’infiltrer dans la terre.» Le scientifique nous rappelle les inondations de Port-Louis en 2008 qui, selon lui, ont été provoquées par le bétonnage et le bitumage à outrance du sol. «Il est vrai que certaines régions comme Chemin-Grenier ou Terre-Rouge ont toujours été la proie des eaux même avant l’urbanisation car le sol est constitué d’une terre argileuse qui devient comme une colle et n’absorbe pas l’eau.» Quant à Fond-du-Sac, Prem Saddul est d’avis que c’est le développement immobilier sur des terrains avoisinants jadis plantés de canne et de forêts qui provoque un refoulement de l’eau vers ce village. 

Les drains sont-ils la solution ? 

Pour Soubiraj Sok Appadu, c’est avant tout du money going down the drains. «Prenez l’exemple de Fond-du-Sac et de Chemin Grenier. Le problème y a-t-il été résolu après les millions de roupies dépensées en drains ?» Xavier Duval avait reconnu que cela ne marche pas. Que faire ? «Vu que l’on a déjà détruit les wetlands et forêts, il faudra penser à freiner ces développements. Il faut régler le problème en amont en épargnant ce qui reste de terrains qui captent l’eau. Malheureusement, on a beaucoup d’experts mais dont la qualité de travail laisse à désirer.» 

Il est malheureux que beaucoup de ces canals anglais ou Storm Drains construits à l’époque coloniale aient été détruits pour les travaux de métro, nous dit un habitant de Floréal. Il paraît que des contrats pour d’autres drains ont déjà été alloués… 

Pour Vincent Florens, les drains ne seraient nécessaires s’il y avait beaucoup d’espaces verts et si on procède au reboisement, des pentes particulièrement. «Ce qui peut à terme réduire le volume de ruissellement de surface jusqu’à plus de 10 fois ! Rendant donc les inondations moins fréquentes et moins sévères.» Il prône aussi le rainwater harvesting et appelle la population à ne pas enlever les haies vives comme les bambous pour les remplacer par des murs de béton qui contribuent à l’accumulation d’eau ou au pire à détourner l’eau – «qui cherche toujours son chemin – vers le voisin ou ailleurs». Pour la prévention et la réduction des inondations à Maurice, «the science exists, awareness barely and we just keep reaping what we sow», dit-il. 

«Que nos villes et cités redeviennent des Rain Cities et non des Drain Cities», demande Prem Saddul. En d’autres mots, que «ces villes recueillent le maximum d’eau en surface et en sous-sol pour qu’elles ne soient des conduites d’eau vers d’autres endroits plus vulnérables». 

Le géomorphologue nous rappelle que seuls 7 à 9 % de l’eau de pluie est captée à Maurice et que les 52 rivières charrient 100 millions de mètres cubes d’eau vers l’océan chaque année. «Et l’on ose parler de stress hydrique à Maurice !» 

Et la responsabilité citoyenne ? 

Zaheer Allam, urbaniste, pense que la population a sa part de responsabilité dans les accumulations d’eau. «On jette des ordures dans les drains et on construit n’importe comment.» Il blâme également certains promoteurs dont les constructions ne sont pas aux normes. C’est pour cela que l’urbaniste prône une densification urbaine pour libérer d’autres terres pour protéger l’environnement.