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«Children’s Act»: ces délits qui montent en puissance
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«Children’s Act»: ces délits qui montent en puissance
Depuis le 24 janvier, le tribunal pour enfants est en opération. Cette cour procédera à des affaires civiles et criminelles impliquant des enfants et sera présidée par six magistrats. 82 dossiers y seront traités. Quels délits y seront analysés ? Lesquels sont les plus récurrents et pourquoi ? L’«Ombudsperson for Children» démarrera une sensibilisation des jeunes avec l’introduction du nouveau dispositif légal.
Avec la promulgation de la Children’s Act, de la Child Sex Offender Register Act et de la Children’s Court Act, la cour pour mineurs est désormais opérationnelle depuis le 24 janvier 2022. Sous la responsabilité de six magistrats, ce tribunal entendra 82 dossiers. Selon Rajen Narsinghen, Senior Lecturer en droit à l’université de Maurice, la cour aura une division pénale et les délits normalement canalisés vers la cour intermédiaire ou celle de district pourront être traités par le nouveau tribunal pour enfants.
D’après notre interlocuteur, ce tribunal reflète une nouvelle tendance de la spécialisation du droit, comme pour la médecine, qui est passée à un stade encore plus avancé avec des hyperspécialisations. Une bonne initiative à son sens, puisque ces législations reprennent un peu les idées phares de la Convention internationale de l’Organisation des Nations unies et la Charte africaine sur les droits et bien-être des enfants, avec une domestication partielle pour Maurice. Une autre innovation est l’unité pour la protection de l’enfant avec l’émission de Care and Protection Orders.
Quels types de cas seront traités sous la nouvelle législation ? La cédule 1 de la Children Court Act prévoit des délits sous le Code pénal et la Children’s Act. D’autres délits commis contre un enfant peuvent être soumis au jugement de cette cour, à l’exemple d’abus de confiance ou d’une escroquerie. «Si un enfant est victime ou a 14 ans, il peut être poursuivi devant cette cour. L’auteur du crime peut être poursuivi devant ce tribunal bien que cela ne soit pas spécifiquement prévu dans la nouvelle loi», précise le chargé de cours.
Néanmoins, d’autres poursuites peuvent être entamées sous la Domestic Violence Act, la Combating of Trafficking in Persons Act et la Childrens Protection Act auprès de cette cour spécialisée. Subséquemment, la Juvenile Offenders’ Act a été abrogée. Ce qui constitue une «bonne chose car il y avait la partie Child beyond control», affirme Rita Venkatasawmy, Ombudsperson for Children. Dans le temps, beaucoup de jeunes sont partis au Rehabilitation Youth Centre, incluant des enfants qui fuguaient, se promenaient seuls ou n’obéissaient pas.
«On peut pousser un ouf de soulagement à ce niveau», avance-t-elle. En revanche, la nouvelle loi s’applique aux enfants sujets à de problèmes sérieux de comportement, les «child offenders» de 14 ans. «Maintenant, nous allons mieux pouvoir protéger les droits des enfants en situation de conflit avec la loi. Que ce soit un enfant dans ce cas de figure, un mineur témoin ou qui est victime, le child friendly environment est crucial», explique Rita Venkatasawmy.
Par exemple, l’article 12(2) de la Children’s Court Act prévoit le respect de la dignité d’un enfant, en considérant sa situation personnelle, ses besoins immédiats et spéciaux d’après son âge, son handicap, sa sécurité, entre autres, ajoute l’Ombudsperson for Children. Pour elle, c’est la façon dont ces jeunes seront traités qui fera la différence. «Je m’empresse de le dire : si un enfant commet en délit ou est agressif, la loi vient renforcer la notion que celui-ci est une personne, soit un citoyen à part entière avec des droits. Cela ne veut pas dire que l’enfant n’a pas de responsabilités», déclare-t-elle.
Puisque l’âge de la responsabilité juridique est désormais de 14 ans, il ne suffit pas de le dire mais d’en comprendre les implications. «Si un enfant commet un délit, il doit assumer cette responsabilité. À présent, en tant qu’Ombudsperson for Children, la tâche importante est de sensibiliser ces jeunes à leurs droits et responsabilités», confie-t-elle. Une initiative qui prendra prochainement effet, souligne-t-elle.
Justement, quels délits sont les plus récurrents au sein de cette jeune génération ? Il s’agit, d’après Rajen Narsinghen, de crimes liés à la violence domestique et ceux de nature sexuelle avec des enfants-victimes. Parallèlement, les mineurs commettent de petites offenses telles que des vols, des coups et blessures contre les amis de classe ou dans le voisinage. «En revanche, ils sont appelés comme témoins quand leurs amis sont victimes ou dans le cadre de la violence domestique. Cependant, la loi de la preuve pour le témoignage des enfants est stricte. La cour aura des exigences encore plus strictes que pour les adultes», estime-t-il.
Pour Rita Venkatasawmy, les nouvelles lois constituent une avancée majeure en termes de droits de l’enfance. Les délits les plus fréquents, poursuit-elle, relèvent des cas d’enfants victimes de diverses formes d’abus ; des enfants-té- moins et ceux en conflit avec la loi. En termes d’offenses, la Children’s Act prévoit des dispositions contre la discrimination à l’égard des enfants. À l’exemple du mariage ou concubinage juvénile qui n’est autorisé qu’à 18 ans, la maltraitance, la pornographie infantile, la mendicité ou encore le «bullying» avec des enfants-victimes.
De son côté, Kris Valaydon, avocat, appelle à voir les choses dans un cadre large de dégradation des rapports dans la société mauricienne et cite des actes de délinquance, de violence commis par les mineurs, leur défiance des autorités jusqu’à s’en prendre aux policiers. «On voit une collégienne avec des millions de roupies de drogue, des actes de brutalité et d’intimidation entre leurs camarades de classe, des attaques au cutter, vols et complicités d’actes répréhensibles», déclare-t-il.
Côté chiffres, un millier d’infractions commises par des mineurs étaient enregistrées annuellement de 2017 à 2020, d’après Statistics Mauritius. En 2020, on dénombrait 700 victimes mineures d’agressions, 462 pour insultes à caractère sexuel. De 2017 à 2020, une moyenne variant entre 37 et 59 arrestations de mineurs pour délits de drogue était recensée, avec une hausse pour les substances synthétiques.
Sharda Boodhoo, assistante surintendante de police de la Brigade de la protection de la famille, estime que les cas d’abus sont en hausse car les prédateurs sont souvent des proches. C’est quelqu’un en qui la victime a confiance. L’année dernière, les prédateurs étaient souvent les enseignants. Pour y mettre fin, la Brigade de la protection de la famille compte continuer avec sa campagne de sensibilisation de façon plus agressive.
Pourquoi ces délits juvéniles sont les plus courants ? Ce phénomène est symptomatique d’une société en décadence où une bonne partie de la population perd ses repères, selon Rajen Narsinghen, qui constate paradoxalement un fossé grandissant entre les riches et les pauvres et la paupérisation de la classe mi-moyenne et moyenne.
Une autre raison : les parents qui travaillent trop ou cumulent plusieurs boulots, et n’ayant plus aucun contrôle sur l’éducation des enfants livrés à eux-mêmes. Une «mad race» fomente une génération de frustrés. S’y greffe, selon le chargé de cours, la drogue qui tue et déshumanise certains Mauriciens, en particulier la classe pauvre avec un impact considérable sur les enfants. «La drogue synthétique s’infiltre partout et attaque les enfants vulnérables. Ils sont tantôt victimes, tantôt auteurs des petits crimes. Donc, c’est le chaos généralisé», affirme-t-il.
Les possibilités de sanctions
Selon Rajen Narsinghen, le Directeur des poursuites publiques aura une large discrétion de poursuivre ou pas les mineurs accusés de délits et d’imposer un programme de réhabilitation et de formation. Dans le cas des jeunes âgés de moins de 14 ans, la loi prévoit une évaluation de leur situation, indique Rita Venkatasawmy. «Les probation officers de Maurice et de Rodrigues ont une plus grande responsabilité avec ces nouvelles dispositions légales, soit plus de travail et de responsabilités. Ce sont eux qui feront des évaluations, ainsi qu’au niveau des programmes de diversion. Il faudra beaucoup les soutenir avec des formations continues pour que ces derniers maîtrisent leur nouveau rôle», affirme-t-elle. Des sessions de travail pour ces enfants en conflit avec la loi auront lieu prochainement, ajoute l’Ombudsperson for Children.
Des implications juridiques au centre des questionnements
Tant attendues, la nouvelle législation et la cour pour enfants sont des réalités. Cela dit, les légistes attirent l’attention sur un nombre d’interrogations. Notamment sur les implications dans la pratique. Par exemple, insiste Rajen Narsinghen, ce tribunal ainsi que les lois sont bien, mais on s’attaque aux symptômes, pas à la racine du mal. Bien que ce nouveau dispositif judiciaire soit positif, une formation poussée en psychologie est sociologie est cruciale. Pour lui, la maîtrise de la loi ne suffit pas. Il faut voir le modèle des pays nordiques et de l’Allemagne, entre autres. «Il ne s’agit pas seulement de l’application des principes légaux mais aussi des méthodes de psychologie et sociologie. Est-ce mettre la charrue avant les bœufs ? Le temps nous le dira», avance-t-il.
Kris Valaydon appelle à voir l’ensemble du système de justice criminelle pour enfants et jeunes. Celui-ci est-il adapté ? A-t-il évolué avec le temps pour prendre en compte les changements au sein de la société mauricienne, le déni de responsabilité de la part des parents, de la famille, de l’école, des religions et de tous ceux qui façonnent le comportement des enfants et des jeunes ? Autant d’interrogations qu’il étaye.
«Que le délinquant soit âgé de 12 ans ou 30 ans, le système ne cherche pas à comprendre la source du problème. Il sera emmené dans les bureaux de la police pour être interrogé : dans les mêmes lieux et par les mêmes limiers comme s’il s’agissait d’un cas impliquant un adulte. Le système ne prévoit pas que l’interrogatoire soit fait par une personne ayant une formation spéciale, nécessaire pour s’occuper des cas qui demandent une attention particulière, compte tenu de l’âge du suspect», relève-t-il. Aussi, rétorque l’avocat, le système de justice criminelle des mineurs est dépassé. Car certaines conditions sont imposées par la loi pour assurer que le mineur soit traité différemment, c’est-à-dire pas comme un accusé ou suspect adulte, incluant le respect de la confidentialité, la non-diffusion de photos ou de noms dans la presse et l’absence du public dans la salle d’audience.
«La question de fond est de savoir si de nouveaux bâtiments seuls vont apporter un changement par rapport à ce qui existait avant, avec les ‘juvenile courts’. Par exemple, celles-ci comprenaient la même structure, les mêmes officiers de la cour et les mêmes policiers pour renforcer l’autorité, et le même magistrat siégeant pour entendre les affaires au pénal contre les accusés adultes et récidivistes. Le sociologue ou psychologue est absent», ajoute-t-il.
Que fait-on pour la responsabilisation accrue des parents et de la société ? Kris Valaydon préconise un système de justice criminelle intégrant cette dimension de responsabilisation parentale. Car l’âge n’excuse pas tout. Le comportement de l’enfant est-il déterminé par d’autres facteurs relevant des disciplines de sciences sociales et humaines, dépassant ainsi le simple droit ? Au final, la cour des mineurs doit être le symbole d’une société juste, soutient l’avocat. D’où le plaidoyer qu’au-delà du bâtiment, il faut s’intéresser à tout ce qui participe à promouvoir une société stable, juste et harmonieuse. Les jeunes défavorisés auront-ils accès à une justice équitable avec la nouvelle cour pour mineurs ? se demande-t-il.
40 mariages de mineurs enregistrés en 2021
L’an dernier, 40 mariages de mineurs ont été enregistrés. C’est ce qu’a déclaré Kalpana Koonjoo-Shah, ministre de l’Égalité du genre, lors d’une conférence de presse en fin de semaine à Port-Louis. Avec la promulgation de la Children’s Act 2020, de la Children’s Court Act 2020 et de la Child Sex Offender Register Act 2020, le 24 janvier, l’union ou le concubinage des enfants en dessus de 18 ans est désormais interdit.
Face au taux recensé en 2021, la ministre indique que la loi ne sera pas rétroactive et que les fonctionnaires de son ministère apporteront un soutien aux mineurs concernés. De plus, dans un publi-reportage de 56 secondes, diffusé depuis le 26 janvier dans les médias et commandité par les autorités, on voit une mineure contrainte de se marier alors qu’elle est encore à l’école. L’accent est aussi mis sur l’interdiction d’obliger les mineurs au mariage.
Revenant sur la Children’s Act 2020, Kalpana Koonjoo-Shah affirme que cette loi comprend également des dispositions contre la pornographie de vengeance, l’abus sexuel des enfants, les brimades et les cybercrimes à l’égard des mineurs. Au sujet du Child Sex Offender Register, elle a soutenu que ce registre sera conservé et géré par le commissaire de police.
La ministre a également sollicité la collaboration des organisations non gouvernementales et des activistes militant pour les droits des enfants. Selon elle, des campagnes de sensibilisation sont en cours pour informer le public des changements apportés par les trois nouvelles lois sur l’enfance.
L’ASP Sharda Boodhoo: «Les prédateurs sont souvent des proches, en qui la victime a confiance»
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<figure class="image" style="display:inline-block"><img alt="" height="328" src="/sites/lexpress/files/images/sharda_boodhoo.jpg" width="620" />
<figcaption>L’ASP Sharda Boodhoo, en charge de la Brigade de la protection de la famille. </figcaption>
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<p>La <em>Welfare and Family Protection Unit</em> et la Brigade pour la protection des mineurs ont fusionné pour donner naissance à la Brigade de la protection de la famille. La nouvelle unité travaillera avec les victimes d’abus pour un accompagnement intégral avant la transmission des dossiers au poste de police de la localité où le délit a été commis. L’objectif étant l’arrestation des suspects dans les plus brefs délais avec l’entrée en vigueur de la <em>Children’s Act,</em> de la <em>Child Sex Offender Register Act</em> et de la <em>Children’s Court Act</em>. Une nouvelle bien accueillie par les policiers. L’assistante surintendante de police (ASP) Sharda Boodhoo, en charge de la Brigade de la protection de la famille, nous en dit plus.</p>
<p><strong>Quels sont les délits en hausse, inquiétants pour nos enfants ? </strong></p>
<p>Les délits sexuels ont augmenté. En 2020, on comptait 220 cas. 93 étaient des cas de <em>causing child to be sexually abused</em>. En 2021, ce chiffre a augmenté avec un cas de plus et 105 cas de <em>causing child to be sexually abused</em>. Et les prédateurs sont souvent des proches, quelqu’un en qui la victime a confiance. L’année dernière, ils étaient souvent des enseignants. Pour mettre un terme à ce fléau, la Brigade de la protection de la famille compte intensifier les campagnes de sensibilisation.</p>
<p><strong>Quels sont les autres cas qui interpellent ?</strong></p>
<p>Depuis le début de l’année, nous avons constaté au moins trois cas d’abandon d’enfant. Il faut souligner que les personnes trouvées coupables risquent une peine d’emprisonnement très sévère.</p>
<p><strong>Quels cas s’inscrivent sous l’ancienne loi et la nouvelle ?</strong></p>
<p>La discrimination de l’enfant, le mariage ou la cohabitation avec un mineur interdit par la loi, le <em>corporal or humiliating punishment on child,</em> la pornographie infantile, la <em>child prostitution and access to brothel</em>, la <em>child grooming</em>, le <em>bullying</em> et <em>aggravating circumstances</em> ont été ajoutés aux nouvelles lois. Et nous comptons bien nous assurer qu’elles soient bien respectées.</p>
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