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Voyage à Blenheim Reef: les Chagossiens vont aider à reconnaître les lieux
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Voyage à Blenheim Reef: les Chagossiens vont aider à reconnaître les lieux
La demande de départ des Seychelles s’est faite très récemment de l’aveu du responsable de la délégation, Jagdish Koonjul. À bord du magnifique yacht, 25 personnes, dont cinq Chagossiens. L’idée : récolter des données pour aider à délimiter nos frontières maritimes avec les Maldives.
Les 25 membres de la délégation partie faire une étude scientifique dans l’archipel des Chagos ont quitté la capitale seychelloise, hier après-midi. À bord, cinq Chagossiens, natifs de Peros Banhos, Salomon, Diego Garcia, incluant Olivier Bancoult, le leader du Groupe refugiés Chagos.
Au moment d’embarquer, à Eden Island, près de Victoria, il a expliqué les raisons de la présence des Chagossiens dans cette expédition à Blenheim Reef. «Blenheim n’est pas loin de Peros Banhos et de Salomon. Nous voulons montrer que depuis petits, on connaît Blenheim. Nous allions y pêcher, les compagnies de pêche ont continué à y aller mais on n’a jamais vu de Maldivien. Maintenant, les Maldives disent que c’est pour elles ?»
En effet, ce voyage a pour toile de fond le litige territorial qui oppose Maurice aux Maldives devant le Tribunal international du droit de la mer. Le 14 avril, le pays doit soumettre ses propositions à la cour, pour l’aider à délimiter les frontières maritimes entre les deux parties. Ce que confirme l’ambassadeur Jagdish Koonjul, interrogé lui aussi au moment d’embarquer. «Nous allons faire un survey dans la région de Blenheim pour l’affaire qui nous oppose aux Maldives au Tribunal du droit de la mer. Nous devrons présenter des données de la région pour faire la délimitation des frontières.»
Le représentant permanent de Maurice aux Nations unies, à New York, précise que cette étude est importante car le récif de Blenheim, en raison de l’évolution du climat et de la mer, est de plus en plus sous les eaux. «Et nous n’avons pas beaucoup de données de cette région. Les Chagossiens qui en sont originaires en savent un peu plus, comment on pêchait, ils pourront donner leurs témoignages et nous aider sur place.»
Pour ces derniers, cependant, ce voyage revêt deux autres aspects; un pèlerinage sur les tombes de leurs ancêtres enterrés dans les cimetières de ces îles, mais aussi une préparation. «Nous souhaitons aussi voir comment on va faire pour ceux qui veulent s’installer aux Chagos à l’avenir», affirme Olivier Bancoult, fort de la résolution des Nations unies et de l’avis de la Cour internationale de justice confirmant la souveraineté mauricienne sur l’archipel.
Annonce du jour au lendemain par le Premier ministre, le départ des Seychelles s’est fait assez précipitamment. Jagdish Koonjul, en remerciant le gouvernement seychellois pour son aide, a en effet confirmé que la demande pour partir de l’archipel a été faite «très récemment», les conditions climatiques ne permettant pas un départ de Rodrigues.
Outre le chef de la délégation, seront du voyage des fonctionnaires, des techniciens, des avocats, tel Philippe Sands, le principal avocat de Maurice sur le dossier Chagos, des journalistes de la BBC, du Guardian, de The Atlantic et… la MBC, bien que Pravind Jugnauth ait dit hier que seule la presse internationale ferait partie du voyage pour permettre de plus vastes retombées médiatiques.
Vidya GAPPY (des Seychelles)
«Bleu de Nîmes». Un yacht qui se loue Rs 22 millions la semaine
Le gouvernement mauricien n’a pas fait dans la demi-mesure pour le voyage à Blenheim Reef, aux Chagos, qui a débuté hier et prendra fin le 22 février. Il a affrété le super yacht privé Bleu de Nîmes au départ des Seychelles.
Quel type de navire est-il ? Selon les médias spécialisés, le Bleu de Nîmes est un yacht d’expédition de 72,25 millions construit en 1980 par le chantier naval Clelands Shipbuilding Co Ltd, en Angleterre. Il était utilisé dans la marine britannique en 1997. En 2000, son nouveau propriétaire, un plaisancier très expérimenté, a commencé sa conversion en yacht à moteur de luxe, pour, en 2005, être rebaptisé Bleu de Nîmes.
Il est construit avec une coque et une superstructure en acier. Propulsé par deux moteurs Cummins, il navigue confortablement à 12 nœuds, atteint une vitesse maximale de 15 nœuds avec une autonomie allant jusqu’à 20 000 milles nautiques depuis ses réservoirs de carburant de 270 000 litres à vitesse de croisière. Un système de stabilisation avancé à bord réduit le roulis latéral du yacht et promet aux passagers des niveaux de confort exceptionnels au mouillage ou en route.
Le Bleu de Nîmes, doté d’un ascenseur entre six ponts pour se déplacer, peut être affrété pour un maximum de 28 invités dans 13 cabines. L’aménagement comprend une suite parentale, deux cabines VIP, six cabines doubles et deux cabines jumelées. Le design intérieur est signé par l’architecte Pier Vittorio Cerruti. Il peut transporter jusqu’à 23 membres d’équipage pour que soit assurée une qualité de service de luxe.
Sauna, jacuzzis…
Le yacht possède également une salle de cinéma ultramoderne, un sauna, une salle de massage, une salle de sport dotée d’équipements modernes, un grand solarium comprenant deux jacuzzis pour se détendre avec une coupe de champagne à la main. La connectivité Wi-Fi est aussi disponible à bord. Pour les adeptes de jouets aquatiques, le Bleu de Nîmes est notamment équipé d’un voilier pour les explorations et de jet skis. Des équipements de plongée avec compresseur permettent d’explorer les fonds marins. Canoës, windsurfers et paddleboards sont également disponibles.
Si durant la période estivale de mai à septembre, les croisières sont effectuées dans la Méditerranée notamment la Croatie, la France, l’Italie, Monaco et le Monténégro, en hiver, d’octobre à avril, le Bleu de Nîmes navigue aux Émirats arabes unis, aux Maldives ou aux Seychelles.
Pour louer ce petit joyau, il faut débourser un minimum de Rs 21,6 millions (430 000 euros) par semaine.
Presse locale pas invitée: Le manque de transparence décrié
Lors du voyage aux Chagos qui débute aujourd’hui, la presse locale n’a pas été conviée. Selon le Premier ministre, cette décision a été prise car les places sur le bateau sont limitées et comme le voyage durera 15 jours, il faut que les occupants aient un minimum de confort. Il a aussi expliqué qu’il y aura des journalistes étrangers qui ont suivi le dossier depuis longtemps et dont les groupes de presse donneront un retentissement international à ce voyage. Mais les explications n’ont pas convaincu…
«Il est temps de dépasser le débat Royaume-Uni et États-Unis et commencer à réaliser l’importance des Chagos dans la zone indopacifique», estime Nando Bodha, ancien ministre des Affaires étrangères et ancien journaliste. Certes, entreprendre un voyage dans les eaux mauriciennes est une bonne chose, mais il faut désormais garder en tête que cette région attire de plus en plus d’attention grâce à sa position stratégique. «Il faut inclure les autres partenaires de la région, à l’instar de l’Inde et de l’Australie, à la table des discussions. Puis, il y a aussi l’Union européenne, sous la présidence de la France, qui est intéressée par la question», poursuit le leader du Rassemblement Mauricien. C’est la seule façon d’avoir un dialogue constructif. «Et pour mettre tout le monde sur la même table, il faut absolument la présence de la presse. De plus, c’est à travers la presse que la pression sera maintenue pour que notre souveraineté soit reconnue.» Autre point qu’il met en avant : le manque de transparence car le voyage a été annoncé à la veille du départ.
Quant à Nawaz Noorbux, News Director de Radio Plus, il se dit déçu de cette décision. «Certes, les journalistes des médias internationaux donneront une portée internationale à l’affaire et je n’ai rien contre. Mais on aurait au moins pu faire de la place pour les médias mainstream.» Il espère néanmoins que la considération sera étendue aux médias locaux lors d’un prochain voyage.
Son collègue Jugdish Joypaul interprète cela comme des relations conflictuelles entre le pouvoir et la presse. «Depuis 1965, avec l’excision des Chagos du territoire mauricien, les journalistes chez nous suivent avec intérêt l’évolution de la situation et des relations entre Maurice et la Grande-Bretagne. Ce déplacement aurait permis aux Mauriciens de mieux comprendre la situation sur place et les actions futures du gouvernement. Nous comprenons qu’il n’y ait pas assez de place sur le bateau, mais la priorité aurait dû être accordée à la presse locale.»
La stratégie de communication a laissé perplexe plus d’un. «On nous a parlé de scientifiques, mais sans préciser qui, ce qu’ils vont faire et qui d’autre sera de la partie. La mission en soi n’est pas claire non plus. Ramasser des coquillages peut aussi mener à des études», ironise un autre journaliste de carrière. Ce manque de communication en amont et l’exclusion des journalistes n’envoient pas un bon signal.
Double spoliation
Shenaz Patel, éditorialiste et écrivaine, estime que les Mauriciens sont spoliés une nouvelle fois avec cette décision. «Au début, nous avons été spoliés de notre territoire et aujourd’hui, nous sommes spoliés de l’information concernant notre territoire.» Cependant, si la décision a surpris, elle pense que cela s’inscrit dans la continuité des actions gouvernementales et qu’il y a eu une intention claire de garder la presse à l’écart de cette mission. La décision, ajoute-t-elle, a encore moins de sens au moment où la question primordiale est la souveraineté. «Regardez ce qui se passe à Agalega. Tout se fait loin des yeux de la population. Comme la presse a ce rôle de montrer ce qui se passe au public, elle est encore une fois exclue.»
De plus, Shenaz Patel est aussi d’avis que la question est politique car les relations entre le gouvernement et la presse n’ont pas toujours été très bonnes Pour elle, il aurait fallu faire la différence entre le gouvernement et l’État démocratique. «La presse libre est l’un des critères pour mesurer la démocratie.» Elle ne mâche pas ses mots et affirme que cette décision est enfantine et petite, d’autant que depuis des décennies, la presse a été très active autour du combat pour la souveraineté.
Qu’en est-il de la justification du Premier ministre ? «Au-delà du mépris que cela démontre envers la presse locale, à l’ère d’Internet, il n’est pas concevable de parler de retentissement international. Cela n’a pas de sens», dit l’éditorialiste. Cette déclaration est même insultante envers la population. «De toute façon, je ne comprends pas non plus pourquoi l’un doit exclure l’autre. Pourquoi pas les journalistes internationaux et mauriciens ?»
Quant à Murvin Beetun, de Top FM, il estime que c’est une occasion ratée car la presse locale aurait dû faire partie de cette délégation. «On comprend mal cette décision de privilégier la presse étrangère, d’exclure la presse locale et de la mettre devant un fait accompli. La couverture d’un tel événement (...), après une rupture de plus de 50 ans avec Diego Garcia, n’aura pas la même importance pour la presse internationale qu’elle en a pour la presse locale.»
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