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Rodrigues: l’ourite, les piments, les limons et le Covid

13 février 2022, 20:03

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Rodrigues: l’ourite, les piments, les limons et le Covid

Il y avait les piments. Depuis quelques semaines, il y a aussi le virus qui étend ses tentacules. Ce qui provoque une situation «aigre» au niveau de la douce île. Les habitants grimacent, comme quand on avale des petits limons verts. La gestion de la part des autorités est-elle à la hauteur des attentes ?

«Mo pé anvi respiré, mo al Rodrig. Lavi enn lot laba...» Ces phrases, on les a tous dites ou entendues au moins une fois. Ceux qui ont visité celle qu’on appelle «la Cendrillon de l’Océan indien» rêvent d’y remettre les pieds, d’autres veulent se joindre au bal. Mais alors qu’elle était épargnée par la pandémie, il y a quelques semaines, le coronavirus a décidé lui aussi de faire un voyage dans l’île. Et il étend ses tentacules à une vitesse folle, avec des milliers de cas déjà recensés. Comment vivent-ils cette situation ? Comment les autorités la gèrent-elles ?

C’est le 27 janvier que Rodrigues a enregistré un premier cas local et depuis, les chiffres ne cessent de grimper. À vendredi, quelque 5 000 cas avaient été recensés, sur une population de 44 397 habitants selon les dernières statistiques datant de 2020. Et tout portait à croire que le nombre de cas ne cessera d’augmenter, malgré les restrictions sanitaires. Du coup, certains Rodriguais réclament un «lockdown».

En attendant, sur la chaîne de télévision nationale, les membres du comité mis en place énoncent quotidiennement le nombre de cas. Sur le terrain, c’est autre chose.

Le business du masque fait rage, peu de personnes circulent dans les rues, hormis les vaches et bœufs, entre autres... Pour Jessica Speville de Mourouk, l’heure est à la sécurité. «Avan ti pe sorti ninport ki ler al dan bitasion pa ti bizin mask, aster bizin. Li pran létan me nou pou adapté. Zamé ti pou krwar enn zour sa pou vinn isi», confie la fermière, qui ne sort que pour s’occuper de ses animaux.

Johnson figurait parmi les Rodriguais bloqués à Maurice. Il s’était auto-isolé avant de regagner son île. «Je me souviens qu’à mon arrivée, j’étais parti à la boutique du coin on m’avait littéralement chassé. J’ai compris à partir de là que le jour où ce virus sera vraiment sur notre île, la panique allait s’instal- ler. Parol ki long…»

Durant les jours après que les premiers cas de Covid ont été détectés, il a passé plus de 4 heures à attendre à Port-Mathurin pour faire quelques courses. «Monn trouv sitiasion- la Moris mwa, mo ti pansé kapav kot nou pou diféran parski noumem dernié pé gagn sa dan tou bann péi-la. Nou sipozé inn pli préparé, mé non…» Johnson dit ne pas comprendre le panic buying qui avait démarré à Rodrigues après que le virus y a posé ses valises. «On a tous vu les effets que cela a eu ailleurs. Malgré cela, tout le monde s’est rué vers les guichets automatiques, les supermarchés. À se dire qu’au final, le virus, c’est aussi dans la tête…»

Pour d’autres, à l’instar de Jean Danoel Jolicoeur, père d’une petite fille, la priorité demeurait ‘la préparation’. Kit de premiers secours, bouteilles d’eau, provisions, etc. Pour lui, quand on a un problème, il faut trouver des solutions. C’est pour cela qu’il pro- pose la distribution gratuite d’oxymètres. Il ne cache pas que comme plusieurs personnes, il a peur de se rendre à l’hôpital. «On ne sait pas quel traitement est prodigué à qui et comment. On devrait mettre en place un système de téléphonie où des psychologues pourront suivre les personnes positives à distance. Il faut aussi faire appel à des caravanes de vaccination pour éviter qu’il y ait foule dans les centres de vaccination.»

À noter que la plupart des Rodriguais qui ont contracté le Covid sont asymptomatiques. Le Muvman Sitwayin Anti Covid, lui, propose un lockdown total pour éviter la propagation du virus. Les membres de cette organisation se demandent pourquoi la télé nationale ne leur accorde pas un temps de parole.

En attendant, les questions demeurent. L’incertitude aussi.