Publicité

Guerre en Ukraine: au cœur de l’horreur

27 février 2022, 17:15

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Guerre en Ukraine: au cœur de l’horreur

Depuis quelques jours, la politique locale et une éventuelle alliance entre anciens rivaux sont passées au second plan. Les retombées du conflit russo-ukrainien pour Maurice et la communauté internationale sont sur toutes les lèvres. Mais au-delà des hypothèses, un drame humain se joue, et comme dans toutes les guerres, les points de vue s’opposent. Liubov Harel est Ukrainienne et Anna Kosinskaya, Russe. Ces deux femmes, qui vivent et travaillent à Maurice, ont des lectures différentes et opposées de la situation.

Liubov Harel : «les missiles passent sur la maison de mes parents»

Elle est rentrée à Maurice, il y a une semaine. Liubov Harel était partie renouveler son passeport en Ukraine et elle a quitté le pays à temps. «Déjà, lorsque j’y étais, je sentais la tension et cela pouvait exploser à n’importe quel moment», explique la directrice d’une agence immobilière. Depuis que l’armée russe s’est déployée sur les routes de son pays, elle ne dort plus. «J’ai toute ma famille là-bas», lâche-t-elle avec difficulté et à travers les brefs échanges avec ses proches, elle se fait une idée de l’horreur.

Elle leur a certes demandé de quitter Kiev. Mais non seulement ils n’ont pas d’endroit pour se réfugier, mais les embouteillages rendent le déplacement difficile. Des ponts ont été bombardés et il y a une pénurie d’essence. Un de ses oncles a dû attendre plus de cinq heures pour repartir avec un peu de carburant qui lui permettra de se réfugier loin du bruit des bottes. «Après, il est simple de leur demander de partir, mais en voiture, la nuit, ils peuvent être attaqués par des maraudeurs ou être la cible de missiles», soupire la jeune femme.

Mais comme sa mère lui a dit avant de prendre la route, «la voiture n’est pas plus sûre, mais au moins nous avons l’impression de bouger». Vendredi matin, réveillés par le bruit du passage d’un missile sur leur maison, sa mère et son frère ont décidé de quitter Kiev. «Généralement, lorsque nous voyons la guerre, c’est à la télé. Loin de nous. Là, je suis en train de la vivre, mais je suis tout de même impuissante.» Ses proches, expliquent Liubov Harel, vont tenter d’atteindre un petit village dans une région où ils ne connaissent personne mais ils espèrent néanmoins qu’une âme charitable les accueillera.

L’idée première était de quitter l’Ukraine le plus vite possible pour se réfugier dans un des pays frontaliers. Mais depuis que le président a signé un décret interdisant le départ des hommes âgés de 18 à 60 ans, son frère est coincé sur le territoire. Bien évidemment, il est hors de question que sa mère parte en laissant son fils derrière. «À un moment, on ne sait plus quoi faire», dit Liubov, dépitée. Selon elle, la situation est d’autant plus absurde que l’Ukraine n’a rien demandé et vivait en paix avec tout le monde. La guerre avec les voisins n’a jamais été même imaginée et cela leur est tombé dessus sans crier gare. «Tout se passait bien puis, un matin, hommes, femmes, enfants et bébés ont dû se réfugier dans les stations de métro…»

Liubov ne comprend toujours pas. Étant d’une famille russophone, elle était persuadée, jusqu’à la dernière minute, qu’il n’y aurait pas de chars. Mais elle a finalement dû se rendre à l’évidence, même si les autorités russes affirment qu’il ne s’agit pas d’une invasion. «J’aimerais bien savoir ce que c’est, dans ce cas», ironise-t-elle. Cependant, ce qui la rend fière, c’est l’unité de son peuple dans cette crise majeure. Les opposants politiques du président se sont ralliés derrière lui, il y a des files interminables pour donner son sang ou rejoindre l’armée. «Pendant ce temps, l’Europe, les États-Unis et l’OTAN ne font absolument rien, sauf imposer des sanctions qui n’en sont pas», déplore-t-elle. Ce que le peuple ukrainien demande, selon elle, est simplement une couverture pour empêcher les avions de guerre russes d’entrer dans l’espace aérien ukrainien.. «Cela laissera les troupes au sol plus de marge de manœuvre pour se battre.»

Ce qui chagrine Liubov le plus, c’est que sa famille est en fuite, mais elle ne peut rien faire pour les aider. Tout ce qu’elle espère, c’est que le conflit prenne fin sans plus de dégâts…

Anna Kosinskaya : «il était temps que la Russie se protège»

Anna Kosinskaya est Russe et vit à Maurice depuis deux ans. Pour comprendre son point de vue, il faut se rendre en Russie. Mais pas seulement. Il faut aussi remonter le temps. Selon la jeune femme, tout a commencé il y a huit ans, lorsque l’ancien président de l’Ukraine a été viré pour être remplacé par le nouveau, malgré des élections. «Puis, il faut savoir que la région de Donbass et Donetsk sont composées à 80 % de Russes», rappelle-t-elle. Ces régions ont toujours été revendiquées par les Russes et d’ailleurs, au début du conflit, le président russe a reconnu l’indépendance de ces zones de l’Ukraine. «Les citoyens russes de ces régions ont toujours été opprimés, mais personne n’en a parlé. Ni du fait que durant huit ans, des centaines de civils, y compris des enfants, ont été tués», fustige Anna Kosinskaya, qui rappelle que l’autonomie de ces deux régions avait été ratifiée par l’ancien président pro-russe avant qu’il ne soit «éjecté».

Selon la Russe, tout a débuté lorsque l’OTAN a décidé d’installer des bases militaires à la frontière de la Russie. «Notre président n’était pas d’accord, ce qui est normal. Il fallait penser à la sécurité de notre territoire. Comment voulez-vous qu’on se sente avec une menace à notre porte ? Donc, lorsque la Russie défend sa souveraineté, nous sommes soudain les méchants ?» La jeune femme rappelle qu’en 2020, lorsque l’avion MH17 de la Malaysian Airlines a été abattu dans la région de Donetsk, les Russes ont été accusés mais qu’il a ensuite été établi qu’un pilote ukrainien pro-séparatiste était aussi impliqué dans l’acheminement du missile qui a servi. «Quelqu’un a présenté des excuses à la Russie ? Non !» lâche-t-elle. Pour rappel, les trois autres protagonistes dans cette affaire étaient Russes.

Malgré tout, elle persiste et signe que ce qui se passe n’est pas une invasion. La Russie, dit-elle, n’a rien à gagner de l’Ukraine, qui n’a pas de ressources. Ce conflit, ne cesse de dire Anna Kosinskaya, a pour simple but d’éviter la progression de l’OTAN avant que la Russie ne se retrouve encerclée. De toute façon, pour elle, ce conflit se résume en un point : l’Occident ne veut plus que la Russie exporte du gaz pour favoriser l’achat aux Américains. La preuve est l’arrêt du projet de gazoduc Nordstream 2 qui devait relier la Russie à l’Allemagne. Le résultat recherché à travers la provocation a déjà été atteint.

Et les civils tués ? «Ne faites pas confiance aux médias. Ils ne vous montreront pas la vidéo de 4 000 soldats ukrainiens qui ont déposé les armes à la frontière pour rejoindre la Russie car ils ne veulent pas se battre.» Mais elle concède tout de même que la situation est triste, et tient à ajouter que l’Ukraine n’en serait pas là si elle n’avait pas fait confiance aveuglément aux ennemis de la Russie.