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Contrôle de la pollution dans le monde: vers un traité contre le plastique

1 mars 2022, 21:00

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Contrôle de la pollution dans le monde: vers un traité contre le plastique

Strengthening Actions for Nature to Achieve the Sustainable Development Goals. C’est le thème de la cinquième session de l’United Nations Environment Assembly (UNEA) par l’United Nations Environment Programme (UNEP) qui se déroule en ligne et à Nairobi depuis hier, jusqu’au 2 mars. Ce, après la Conférence ministérielle africaine sur l’environnement qui s’est tenue le 17 février. L’UNEA réunit les représentants de 193 États membres de l’ONU, de la société civile, d’entreprises et d’autres parties prenantes pour convenir des politiques visant à relever les défis environnementaux notamment et réduire la pollution du plastique.

Selon l’UNEP, environ 300 millions de tonnes de déchets plastiques sont produites chaque année. Mais seuls 9 % sont recyclés, le reste s’accumule dans les décharges ou dans la nature et avec le temps se décomposent en microplastiques et entraînent des polluants supplémentaires dans la chaîne alimentaire, les systèmes d’eau potable et l’air. L’UNEA prendra donc les premières mesures pour la création d’un traité pour contrôler la pollution plastique dans le monde. Les militants et les responsables des politiques environnementales au niveau mondial appellent à un effort pour lutter contre la pollution par le plastique

Les pays comme les États-Unis expédiaient une grande partie de leurs déchets plastiques ailleurs, notamment en Chine et plus récemment dans les pays africains. La Chine, qui importait une grande partie des déchets plastiques du monde pour les retraiter, a mis fin à cette pratique en 2018. Et si les États africains abordent une position commune sur l’interdiction d’importer des déchets plastiques sur le continent ?

Nadeem Nazurally, président de Ecomode Society, est contre le fait qu’un pays exporte ses déchets dans un pays qui n’a pas les moyens de les prendre en charge, de faire du stockage et du recyclage et par conséquent détruit son environnement. Il est d’avis que chaque pays doit pouvoir gérer ses déchets et recycler ce qu’il peut. «Il faut revoir ces stratégies. Un pays ne peut pas accepter des déchets en échange d’argent. Si un pays ne peut pas recycler le plastique et n’a pas de moyen contre les toxicités, c’est un vrai problème (…) Le continent en termes de biodiversité est énorme. Il compte plusieurs espèces. La pollution peut avoir des répercussions néfastes sur son écosystème.»

Sébastien Sauvage, porte-parole d’Eco Sud, soutient qu’il serait peu surprenant que les États africains refusent de continuer à être les poubelles du monde. Il y a 17 tonnes de plastiques qui continuent d’être déversées dans les océans chaque minute. La planète fait face à la triple crise du dérèglement climatique, de la perte de biodiversité et de la pollution, a déclaré vendredi dernier le Secrétaire général de l’ONU, précisant que «l’océan supporte une grande partie de ce fardeau».

«Pourquoi notre petite île ne pourrait-elle pas devenir une île sans plastique avec un système de gestion de déchets responsable et durable ? Le recyclage a clairement montré ses limites… devenu un outil marketing que mettent en avant les producteurs de soft drinks dans leur stratégie de Green Washing, et cela, au péril de nos vies. Il est aussi important de rappeler que la société civile mauricienne a clairement montré son hostilité à tout projet qui sous couvert de venir fournir de l’énergie proposerait une solution pour gérer nos déchets», déclare Sébastien Sauvage.

Or, Joanna Bérenger, membre de la Commission développement durable et responsable du dossier environnement du Mouvement militant mauricien au Parlement, est d’avis que le lobby de l’industrie du plastique est trop fort pour que les pays du continent africain arrivent à s’aligner sur une position interdisant l’importation des déchets plastiques. D’autant que cela implique des salaires et des familles au bout de la chaîne donc des décisions drastiques ne sont pas requises avant la mise en place des politiques permettant aux entreprises de se reconvertir. «Nous avons tous conscience du problème des ‘pays-poubelles’. D’un côté, cinq pays asiatiques, la Chine, l’Indonésie, les Philippines, la Thaïlande et le Vietnam, rejettent, à eux seuls, quatre millions de tonnes de plastiques dans les mers, soit la moitié du total des rejets selon l’ONG Ocean Conservancy. De l’autre côté, une grande partie des 300 millions de tonnes de plastique produites chaque année dans le monde est envoyée dans des décharges en Asie et finit souvent dans les mers (selon le Fonds mondial pour la nature

Elle indique que le plastique est un réel problème et qu’il est compréhensible, d’un point de vue sanitaire et humain, que ces pays asiatiques ne veuillent continuer avec cette pratique et l’importation de déchets plastiques. «S’ils interdisaient l’importation de déchets plastiques, peut-être que l’on pourrait y voir là l’opportunité d’un changement de paradigme qui bénéficierait à tous ? Peut-être qu’il y aurait là l’occasion de mettre en place des politiques durables ? Comment faisait-on avant l’invention de cette matière ? Il existe des alternatives mais il faut que le gouvernement accompagne les entrepreneurs dans leur reconversion et prenne les mesures nécessaires pour ouvrir la voie vers une économie verte.» Joanna Bérenger va plus loin et parle de manque de volonté politique. «Il y a un an de cela, le 12 février 2021, le ministre de l’Environnement annonçait en conférence de presse que la commercialisation, production et importation des bouteilles PET, dont Rs 130 millions sont produites au niveau local, seraient interdites à Maurice. Que se passe-t-il depuis ?»

Fabrice David, député du Parti travailliste en charge du dossier environnement et ingénieur en environnement, fait référence aux propos de Marcos Orellana, rapporteur spécial des Nations unies, à Maurice en octobre 2021, qui s’est exprimé sur le très faible pourcentage de recyclage de déchets plastiques dans le pays. Sur les 130 millions de bouteilles plastiques produites à Maurice, seulement 40 % sont collectées. Les 60 % se retrouvent dans la nature ou à Mare-Chicose. Outre, il souligne que Maurice a déjà interdit plusieurs produits en plastique non biodégradable à usage unique depuis janvier 2021 et que désormais il y a la question des bouteilles en plastique. D’ajouter que le recyclage et la gestion des déchets sont également problématiques dans les pays africains, notamment au Kenya. Car certains ont des décharges à ciel ouvert.

«Nous avons une absence de politique de recyclage du plastique. Ce qui peut être décidé à Nairobi, c’est d’observer comment Maurice, qui fait partie du continent africain, peut mettre en place une synergie pour le recyclage du plastique s’il n’a pas la capacité technique et financière et le volume nécessaire. Ou que Maurice collabore avec d’autres pays d’Afrique pour pouvoir mettre en place une véritable filière et développer une réelle économie du recyclage.» Penser intelligemment et trouver une bonne logique avec les trois R – Réduire, Recycler et Réutiliser – permettrait de créer de l’emploi vert, selon Fabrice David, qui estime que Maurice peut être un ‘green hub’ en termes de recyclage de déchets dans la région.

«Je reste persuadé qu’il faut développer le recyclage. Éliminer les bouteilles plastiques complètement à la source me paraît être une utopie. Au lieu de rêver, je préfère être dans le concret tout en protégeant notre environnement. Car Maurice est un état insulaire et on se retrouve avec des bouteilles en plastique jetées en bord de routes, dans des drains, des rivières, ou des ruisseaux. Ces dernières, ramenées ensuite dans la mer, polluent et tuent la flore et la faune marine qui font partie de la richesse aquatique du pays.»

Sunil Dowarkasing, directeur de l’ONG SDGs Centre et consultant en environnement, indique, pour sa part, que les Nations unies ont failli dans leur tâche pour essayer de réglementer la pollution du plastique, un manquement de taille qu’elles essaient de combler. Car la pollution causée par la production globale du plastique est équivalente à environ 1,34 Gigatonne d’émission de carbone.

En ce qui concerne les déchets plastiques, pour lui, le recyclage est un mythe au niveau mondial. «Au sujet de Maurice, il y a le lobby du secteur privé qui investit dans les compagnies de recyclage. Le recyclage veut dire continuer à produire, à polluer et recycler ce qui peut être collecté. Elles gagnent en production et en recyclage.» Sunil Dowarkasing est donc contre le recyclage car, selon lui, c’est une démarche qui ne réglera pas le problème. Il soutient qu’il est nécessaire de bannir complètement l’utilisation du plastique et qu’il est urgent de trouver des alternatives.