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Retard de 35% sur le programme scolaire
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Retard de 35% sur le programme scolaire
«Les enseignants ont fait un constat au niveau des chapitres que les enfants n’ont pas compris ou ont oublié. En termes de pourcentage, on note entre 30 et 35 % de retard au primaire», déclare Annand Seewoosungkur, président de l’Association des maîtres d’école. Selon lui, ce phénomène est plus prononcé chez les petits des Grades 1 et 2.
Quelles matières sont davantage sujettes à ce retard scolaire ? En premier lieu, il évoque les mathématiques, qui semblent plus difficiles pour les élèves. «Certains concepts sont plus complexes à comprendre. Mes enseignants m’ont dit que les élèves ont gagné en développement et en maturité. Ce qui fait qu’ils pourront plus facilement assimiler les concepts pédagogiques qui leur paraissaient complexes en 2021.»
Deuxièmement, le retard scolaire est perceptible en sciences. Et troisièmement, en histoire et géographie. Pour ces matières, poursuit notre interlocuteur, les enfants ont beaucoup à mémoriser, notamment des dates importantes, des faits et des noms.
En fonction des problèmes scolaires relevés, quelle est la stratégie de rattrapage ? Une révision a déjà commencé dans certains cas. Selon Annand Seewoosungkur, les enseignants reprennent quelques chapitres et optimisent le temps avec l’extension du troisième trimestre jusqu’en novembre 2022. «Les éducateurs avaient commencé ce travail l’an dernier mais c’était un ou deux jours par semaine. Avec le retour en présentiel, le rattrapage se fait chaque jour.»
De son côté, Vinod Seegum, président de la Government Teachers’ Union, affirme que les enseignants s’activent actuellement à une remise à niveau sur les matières peu assimilées. Il revient sur l’allègement des chapitres de mathématiques, sciences et histoire et géographie. Selon lui, ceux-ci seront réintégrés au cursus pour ce troisième trimestre étendu. «Les enseignants ont plus de temps désormais. De par leur formation, ils ont des stratégies apprises du Mauritius Institute of Education pour amorcer le rattrapage. D’ailleurs, ils ont déjà eu à gérer des situations complexes comme la grippe H1N1, ainsi que divers cyclones, qui ont entraîné la fermeture des écoles.»
Qu’en est-il du secondaire ? D’après Harish Reedoy, président de l’United Deputy Rectors and Rectors Union, il serait difficile de quantifier le retard de couverture des programmes et de donner un pourcentage moyen car les écoles ont été impactées différemment l’année dernière avec le Covid-19. «Plusieurs écoles de certaines régions ont été plus touchées par l’absentéisme des élèves et des enseignants, qui étaient soit détectés positifs, soit en contact direct avec des cas positifs. L’isolement à cette époque était de dix à 14 jours. Il ne faut pas oublier que les élèves des Grades 7, 8, 10 et 12 fréquentaient leurs établissements principalement deux jours par semaine pour des cours en présentiel et aucune disposition n’était prévue pour les cours en ligne pour les Grades 7 et 8.» De ce fait, poursuit-il, chaque école et chaque classe ont un scénario différent pour l’achèvement du programme. Il appartient au chef d’établissement et aux enseignants d’évaluer et de remédier à la perte et au déficit d’apprentissage. «Mais en général, nous sommes en retard dans la couverture du programme pour les Grades 7, 8 et 9 dans la plupart des écoles.»
Selon Lindsay Thomas, président de la Roman Catholic Secondary Schools Union, avant même la rentrée en présentiel, les enseignants avaient une idée précise du retard scolaire, de par le taux de présence, des intérêts des élèves et par leurs capacités à exécuter les travaux lors des cours en ligne. «Il y a un retard. Personne ne peut le nier. Je pense que le retard se chiffre entre 35 à 40 %. L’étendue du retard varie selon les matières», affirme-t-il. Et comme c’est le cas au primaire, les mathématiques et les sciences sont davantage concernées par le retard. La raison invoquée : l’élément de compréhension du contenu passe dans le contact entre l’enseignant et l’élève. «Cette assimilation dépend, dans une grande mesure, de l’efficacité de ce contact. En mathématiques, il y a aussi la question de la pratique. En même temps, les élèves doivent être motivés.»
Au niveau des académies, souligne un représentant de l’Union des recteurs et vice-recteurs des collèges d’État, le retard se situe plutôt au niveau du Grade 10. Pourquoi ? «Ce sont des enfants qui ont changé de collège. Au niveau de l’étape de l’adaptation, ils n’ont pas eu le temps de se sentir bien à l’aise puisqu’en 2021, il y avait de petits cafouillages sur le nombre de jours de présence et en alternance. On n’a pas eu le temps de les évaluer à proprement parler», confie-t-il. Puisque les académies reçoivent plusieurs élèves de divers collèges, il faut effectuer une mise à niveau. Pour le School Certificate, plusieurs élèves espéraient prendre part aux examens en juin et étaient plus ou moins prêts. «Il y a environ 10 à 20 % qui ont besoin d’un travail de proximité. S’il y a un retard, c’est pour suivre ceux qui sont un peu à la traîne», ajoute-t-il.
En termes de matières nécessitant plus de rattrapage, notre interlocuteur cite les langues, en particulier le français car la génération actuelle, très accro aux téléphones intelligents (smartphones), ne lit guère. Ce qui a un impact sur la grammaire et l’orthographe. Les élèves doivent porter plus d’attention aux règles. «Les matières qui requièrent de la maturité sont aussi concernées, notamment les Business studies, les sciences humaines, l’économie, etc.»
Quelles mesures de rattrapage s’imposent ? Selon Lindsay Thomas, chaque enseignant ressent les besoins de sa classe et les vérifie dans la pratique par des exercices. «En fonction de ces évaluations et du degré de retard scolaire, il va développer des méthodes pour aider les enfants à remonter la pente», soutient-il.
Quant au représentant de l’Union des recteurs et vice-recteurs des collèges d’État, il estime que tout dépend du sérieux lié à l’enseignement en ligne. «C’était un one-way traffic. Maintenant, c’est le retour de l’élève à l’enseignant. Je crois qu’il faut revoir les notions de base, chapitre par chapitre, et mettre l’accent sur le côté pratique. L’apprentissage se fonde davantage aujourd’hui sur l’Activitybase, c’est-à-dire des projets sur lesquels les jeunes peuvent travailler et bâtir des connaissances.» Pour lui, il incombe aussi de faire un suivi du travail de l’enseignant en classe. «Avec la nouvelle donne, les éducateurs arrivent-ils à s’adapter ? Il faut étudier cela de près.»
Pour Harish Reedoy, la couverture du programme ne devrait pas poser de problème avec le calendrier scolaire étendu et le fait que les éducateurs ont amplement de temps pour cela. «Cependant, nous devrions nous concentrer sur le déficit d’apprentissage, qui aurait pu survenir en raison de la fermeture des écoles et des cours en ligne. Les programmes de rattrapage sont conçus pour combler l’écart entre ce que les élèves savent et ce qu’ils sont censés savoir. Nous devons réapprendre les compétences de base aux élèves dans le besoin», suggère-t-il.
D’après lui, il s’agit d’identifier les élèves ayant besoin de soutien car ils sont à la traîne par rapport à leurs pairs. Comment ? Par le questionnement, le suivi des devoirs et du travail en classe et par l’évaluation diagnostique, ajoute-t-il. Selon Harish Reedoy, une fois que les enseignants connaissent leurs élèves, il sera facile de mettre en oeuvre une leçon de rattrapage appropriée, répondant aux besoins de chaque enfant. «Cela devrait être un processus continu tout au long de l’année, et ce, jusqu’à l’examen final», conclut-il.
Elizabeth Casselton: «Il est important de reconstruire le rapport entre le jeune et son milieu éducatif»
Cela fait trois semaines que les élèves ont repris le chemin de l’école. Quel constat faites-vous de cette reprise ?
Passés les premiers moments de joie et d’excitation, plusieurs parents et enseignants ont peut-être constaté un changement chez plusieurs enfants : un renfermement, une baisse de motivation, une perte d’intérêt ou alors, parfois, l’enfant veut jouer et s’amuser mais refuse de considérer les études avec le sérieux d’avant. Plusieurs éléments sont à tenir en compte, soit les émotions. Par exemple, des sentiments refoulés pendant de long mois ressortent : colère et tristesse d’avoir manqué tant de semaines d’école et de ne pas avoir vu les amis. Le confinement prolongé n’a pas été facile pour tout le monde – certains auront vécu des mois difficiles à la maison.
Il y a aussi le choc de la rentrée ou la redécouverte de l’école comporte des difficultés. La redécouverte de ce qu’on n’aime pas trop à l’école (la discipline, les nouvelles restrictions, les matières difficiles, les relations compliquées), la perte d’amis, qui ont changé de classe, le changement d’enseignants, le nouveau calendrier scolaire. Il y a aussi le deuil pour certains de ne plus être à la maison, où il était possible de se réveiller tard, de ne pas porter l’uniforme, de passer du temps dans sa chambre ou devant un écran.
Les pressions académiques aussi ?
Certains enfants et adolescents commencent à mesurer l’étendue de leur retard scolaire, qui, pour certains, peut paraître insurmontable. Le changement des dates d’examens peut aussi sembler injuste et susciter des sentiments d’impuissance et d’échec. On doit aussi considérer l’impact du Covid-19. Certains ont très peur de l’attraper, et pour d’autres, le choix vaccinal a été traumatisant. Il y a aussi des élèves, qui ont été marqués par le virus pour l’avoir contracté ou leurs proches en ont souffert. Certains auront même vécu des décès dans leurs cercles sociaux ou familiaux.
Finalement, tous commencent à se rendre compte qu’il n’y a pas de «retour à la normale». Quelques jours après la rentrée, les cas de Covid-19 se sont multipliés, et de nombreux écoliers, parents et enseignants ont dû s’isoler à nouveau pendant sept à dix jours, parfois plus. Sans l’école à la télé, cette fois. Il est clair que dorénavant, il y aura de nouvelles interruptions.
Comment mieux soutenir les enfants ?
Après la joie et l’excitation du retour en classe, il devient possible de discerner, dans certains cas, des signes de troubles plus profonds. Pour soutenir nos jeunes à travers cette transition difficile, l’outil le plus important est l’écoute. Il faut laisser le jeune s’exprimer, sans jugement, avec sympathie et lui permettre de trouver les mots, de commencer à examiner et partager son ressenti profond. Il incombe aussi de rétablir la relation scolaire.
Avant tout, l’école est un environnement social. Il existe des règles, des relations sociales avec les enseignants et les pairs. Ces interactions apprennent aux jeunes à se développer socialement.
C’est à travers ce cadre social que s’effectue l’apprentissage scolaire, et c’est pour cela que nous envoyons les enfants à l’école – plutôt que leur donner un manuel scolaire à «apprendre». Les derniers mois ont, malheureusement, contribué à affaiblir et endommager ce cadre social. Il est donc important pour tous – parents, enseignants, élèves – de consacrer du temps à reconstruire ce rapport entre le jeune et son milieu scolaire. Ce n’est qu’en rétablissant cette relation que l’apprentissage pourra se faire.
Comment reconstruire ce rapport dans la pratique ?
Si nos jeunes sentent qu’ils ont beaucoup perdu (en termes d’amitiés ou d’apprentissage), il peut être utile de leur faire voir ce qu’ils ont, en contrepartie, acquis au cours des derniers mois. Le monde où ils sont appelés à évoluer comporte son lot d’incertitudes, de déceptions, de perturbations, de dangers. Bien que ces derniers mois aient comporté des privations, ils ont appris à nos jeunes à s’adapter. Il est primordial de leur expliquer qu’ils ont ainsi acquis un outil formidable : la résilience, qui les aidera dans la vie.
Parallèlement, parents et enseignants sont peut-être soucieux de combler tout retard accumulé par certains jeunes, surtout ceux qui doivent prendre part à des examens importants. En temps «normal», les examens constituent une occasion pour les jeunes d’apprendre à gérer la pression. Mais cette année, cette pression peut sembler insurmontable et constituer un obstacle. Même si les parents et enseignants sont anxieux, il faut aider nos jeunes à gérer cette pression. L’indulgence est cruciale, de même que leur apprendre à faire de leur mieux.
Il faut aussi que les élèves aient un équilibre. Le sport notamment, procure un sentiment d’agilité et d’accomplissement. Avec les pressions académiques, il peut être tentant de couper les activités extrascolaires, mais elles peuvent s’avérer essentielles à l’équilibre de nos jeunes.
Enfin, au lieu de dire aux jeunes quoi faire ou ne pas faire, il importe de développer un plan de manière collaborative. Par exemple, en les aidant à trouver leurs propres solutions comme un plan de rattrapage, avec du temps alloué à une activité, des objectifs de succès, et de petites récompenses à chaque jalon. Les accompagner et les responsabiliser leur feront prendre conscience qu’ils ont les moyens de surmonter l’épreuve, mais que les parents et enseignants sont à leurs côtés pour les soutenir.
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