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Loin du conflit, des Ukrainiens et Russes à Maurice espèrent un cessez-le-feu

7 mars 2022, 14:00

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Loin du conflit, des Ukrainiens et Russes à Maurice espèrent un cessez-le-feu

Ekaterina Ramdhun est de ceux touchés par les dangers qui menacent la vie de leurs compatriotes et proches. Depuis quelques jours, cette Ukrainienne de 34 ans mariée à un Mauricien ne peut plus appeler sa mère, âgée de 58 ans, et son beau-père de 65 ans qui se trouvent dans un petit village du Nord près des frontières que l’Ukraine partage avec la Russie. 

«Je suis saine et sauve à Maurice mais ma famille est en danger en Ukraine. Depuis le 24 février, notre vie a été totalement bouleversée. J’ai une tante à Kiev et une autre à Kharkiv. Mon frère se trouve à Luhansk, dans l’est du pays avec son épouse et son enfant. Ils se cachent au sous-sol.» 

Ekaterina Ramdhun souligne que l’approvisionnement en eau, l’électricité et la connexion Internet ont été interrompus dans son pays natal. Ce n’est que le mercredi 2 mars qu’elle a eu des nouvelles de sa tante. Cette dernière l’a informée que les autres membres de sa famille sont toujours en vie. 

Notre interlocutrice espère toujours revoir sa famille saine et sauve. Ses parents, dit-elle, qui vivent dans un petit village d’environ 300 personnes, dont la plupart sont des personnes âgées, ont vu passer des chars militaires russes. Les habitants ne pouvaient pas faire grand-chose pour les empêcher de franchir sur le sol ukrainien, déplore la trentenaire. «Mes parents ont compté plus de 100 chars militaires russes qui ont traversé les frontières. Certains habitants ont tenté de les arrêter. En retour, l’armée russe a tiré en l’air. Les résidents sont maintenant terrifiés et se cachent jusqu’à ce que la situation s’améliore.» 

Pendant ce temps, la communauté ukrainienne de Maurice est plus qu’unie, même si elle ne compte pas beaucoup de membres, poursuit Ekaterina. Tout le monde essaie d’aider l’Ukraine autant que possible. Pas plus tard que le mardi 1er mars, ils ont aidé un compatriote qui se trouvait à Maurice à se rendre en Ukraine pour rejoindre l’armée ukrainienne. D’ailleurs, la communauté ukrainienne lance une collecte de fonds pour venir en aide aux Ukrainiens en détresse. «Les gens sont cordialement invités à faire un don sur le compte de la communauté ukrainienne à Maurice et l’argent sera transféré aux organisations travaillant avec les réfugiés ukrainiens, nous indique la jeune maman. Nous vous remercions d’avance pour votre soutien.» 

Ekaterina et son fils.

Andriy, un Ukrainien de 40 ans, a, lui, déménagé à Maurice il y a 12 ans avec sa femme ukrainienne parce qu’il voulait explorer les opportunités et poursuivre une carrière dans les services financiers. Aujourd’hui, il est comptable professionnel dans une grande entreprise textile. «J’ai travaillé pour Deloitte en Ukraine. L’île Maurice, étant une île au large et servant de juridiction à des fins de structuration fiscale, m’a séduit. J’ai donc fait carrière ici, chez E&Y, PwC et rencontré beaucoup de professionnels de la finance», souligne notre interlocuteur, qui aime les pays africains. De plus, souligne-t-il, de nombreux Mauriciens partent étudier la médecine ou la pharmacie en Ukraine. Et là, ils rencontrent des Ukrainiennes, puis ils s’unissent pour le mariage. 

Que pense-t-il de la situation dans son pays ? «Je n’ai pas de mots», avance Andriy. «La situation est très alarmante. Cette guerre n’est tout simplement pas justifiée. Nous avons peur, nous sommes terrifiés. Nous avons peur pour les membres de notre famille qui sont en Ukraine et aussi pour toute la communauté ukrainienne. La Russie commence à détruire notre pays. Mais nous faisons de notre mieux pour aider le plus possible. Nous avons même commencé à collecter des fonds pour soutenir l’Ukraine. C’est une situation vraiment tragique, il est difficile de s’exprimer. Notre coeur y est.» 

Ce quadragénaire espère de tout cœur que cette guerre se terminera au plus vite. «Je lance un appel à la communauté russe à cesser d’attaquer ou même de tuer des Ukrainiens. Et je demande à tous les pays internationaux de nous aider, selon leur capacité, à arrêter cette guerre. La Russie doit payer pour ce crime. Parce que c’est un crime contre l’humanité. Ils tuent des innocents, comme des enfants.» 

La fille d’Ektarina Ramdhun a la nationalité ukrainienne.

Perspective Russe 

Installée à Maurice depuis voilà huit ans, cette Russe qui, pour des raisons personnelles n’a pas voulu parler à visage découvert, se dit attristée par la situation en Ukraine, d’autant qu’elle aime son pays. «Difficile d’en parler aujourd’hui alors qu’il y a une telle pression de l’Occident pour présenter la Russie comme un pays agresseur, alors que la Russie protège ses frontières et son peuple», affirme cette mère de deux enfants qui possède, avec son mari, une entreprise à Maurice. Il n’empêche, elle insiste, «les Russes sont très gentils. Je vous assure». 

D’ailleurs, si en ce moment la situation chaotique n’est pas favorable pour qu’un Mauricien aille immigrer en Russie, elle encourage, cependant, les Mauriciens à considérer son pays natal pour des études. «Si les Mauriciens veulent s’y rendre pour y étudier, ils sont libres de le faire. Il existe toute une variété de cours offerts par les universités de la Russie.» 

Selon la jeune femme, les Russes et les Ukrainiens ont toujours été très proches. Mais, malheureusement, dit-elle, pour des raisons politiques, les choses peuvent changer. «La guerre a commencé en 2014. Il s’agit maintenant d’une opération militaire. Avant 2014, je ne voyais pas la différence entre nos nations, que ce soit dans notre apparence ou dans notre façon de parler. Mais après, cela a changé. La Russie et l’Ukraine ont toujours été voisines depuis des décennies. Nous avons tous du sang mêlé. Par exemple, mon grand-père était ukrainien. Il est impossible qu’il y ait ce conflit sans influence extérieure. Des Russes et des Ukrainiens meurent dans ce conflit. Il est très évident qui sont les seuls à en bénéficier.» 

La Russe soutient être contre la guerre. «Je ressens la peur des Ukrainiens.» Elle s’engage d’ailleurs à œuvrer «de toutes les manières possibles» pour qu’il puisse y avoir plus de paix dans cette région. «Ce n’est pas parce que je suis coupable et ni parce que j’ai honte. Je n’ai pas commencé cette guerre. Je n’ai pas tué une âme. Je le ferai par amour pour tous. C’est-à-dire toutes les nations, couleurs et religions. Peu importe comment. Parce qu’à la fin, nous sommes tous un», explique-t-elle. 

Parmi les Russes à Maurice qui ne cautionnent pas les actions de Poutine, il y a Oleysya Pydannah. La tarologue, connue comme Oleysya Paradis, est aussi commissaire auprès de la Commission internationale des droits de l’homme (CDH). Âgée de 37 ans, cette Russe, qui détient aussi la nationalité mauricienne, s’est installée à Maurice depuis 2007. Et depuis qu’une attaque militaire a été lancée par les troupes russes contre l’Ukraine, elle n’a cessé d’exiger un cessez-le-feu. 

Sollicitée, Oleysya Paradis se met à la fois dans la peau d’une commissaire et d’une personne originaire de Russie. «Ma famille est en Russie et je suis en contact permanent avec elle. On fait le point sur la situation. Nous ne sommes pas contents et nous continuons d’espérer que cette guerre prendra fin. Nous voulons tous la paix.» 

En tant que commissaire de la CDH, Oleysya Paradis avance qu’elle est contre cette attaque militaire. Elle indique qu’elle est en contact avec le High Commissioner Foreign Affairs IHRC, Romans Azz Raad. D’ailleurs, des actions cordonnées ont lieu afin d’aider le peuple ukrainien, nous informe-t-elle. «La CDH est là pour promouvoir la paix dans les pays. Nous avons déjà lancé un appel à la Russie de mettre fin à l’attaque militaire. Nous avons aussi lancé une collecte de fonds pour la population civile en Ukraine. C’est la CDH de la République tchèque qui est responsable de l’action d’aide humanitaire en Ukraine et qui accepte les fonds sur le compte de Prague.» Comme bien d’autres Russes, elle espère que les jours de guerre seront bientôt finis.