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Ex-Publico House : la maison coloniale enlevée de la liste nationale en catimini
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Ex-Publico House : la maison coloniale enlevée de la liste nationale en catimini
Elle a passé quatre ans et quelques jours en tant que patrimoine national. La maison coloniale qui abritait jadis l’agence Publico, à la rue St Georges à Port-Louis, avait été classée patrimoine national d’urgence en 2016. A l’époque, elle était menacée de démolition. Sauf que la maison a perdu ce statut en 2020. Ce n’est qu’hier que des défenseurs du patrimoine l’ont découvert.
Une décision prise en catimini. C’est ce que s’accordent à dire tous ceux qui s’intéressent à la sauvegarde du patrimoine. Ils sont tombés des nues en découvrant que cette maison coloniale a été enlevée de la liste du patrimoine national.
En 2016, l’ex-Publico House, rue St Georges à Port-Louis, est rachetée par un promoteur qui voulait raser cette maison coloniale pour construire une guesthouse. Ce qui provoque un tollé. Peu de temps après, le ministère des Arts et de la Culture, alors dirigé par Dan Baboo, décide de sauver la maison en la décrétant patrimoine national. Ainsi, après consultation avec le National Heritage Fund (NHF), l’ex-Publico House, plus connue comme Lacase Créole, est classée le 1er juillet 2016. Depuis, la bâtisse est restée à l’abandon, à la merci des intempéries.
Quatre ans plus tard – le 4 juin 2020 –, c’est en toute discrétion qu’un règlement est promulgué. Il stipule que le bâtiment va être déclassé. Une décision qui prend effet deux jours plus tard, soit le 6 juin 2020, alors que le pays sortait tout juste de trois mois de confinement. C’est seulement cette semaine que le déclassement de Lacase Creole a été découvert par Arrmaan Shamachurn, président de l’ONG SOS Patrimoine en péril. C’est en faisant des recherches sur les récentes nominations au conseil d’administration du NHF qu’il est tombé sur cet amendement, qui n’est apparu nulle part. «C’est un triste record qu’établi ce ministère, car c’est la première fois qu’un bâtiment est déclassé» déplore-t-il.
Il se demande aussi si des consultations ont eu lieu. Et surtout pourquoi une telle décision n’a pas figuré dans les décisions du conseil des ministres ?
Thierry LeBreton, ardent défenseur du patrimoine, avance qu’il n’y a pas de raisons sérieuses pour justifier cette décision si ce n’est pour faire plaisir au propriétaire. «Selon le propriétaire, les coûts de restauration du bâtiment étaient trop élevés. Il n’arrivait pas à trouver un repreneur. D’un autre côté, nous avons l’Etat qui n’a pas assumé son rôle» souligne-t-il.
Ce que dit la loi
Les zigzags de la protection du patrimoine
Lorsque Lacase Créole a été classée, la National Heritage Fund Act stipulait que le ministre, en consultation avec le board, peut déclasser un bâtiment s’il cesse d’exister ou ne sert plus l’intérêt public. La loi prévoyait aussi que le NHF doit «safe- guard, manage and promote the national heritage of Mauritius»
Quant à l’entretien, la loi prévoyait que le board peut demander au propriétaire d’effectuer des réparations. Cependant, il est aussi précisé que «where the Board is satisfied that the owner of a national heritage is unable to maintain the national heritage, the Board may provide assistance to that owner, in such manner as it deems appropriate».
Un amendement figurant dans la Finance Act de 2017 a tout changé. Une troisième raison pour justifier un déclassement a été rajoutée. Il était désormais possible d’enlever un bâtiment de la liste du patrimoine national si «the national heritage needs major repairs and the cost of such repairs would be onerous, subject to the Board having considered all possible means of preservation with relevant stakeholders». D’ailleurs, face à la levée de boucliers de cet amendement, Pradeep Roopun, alors ministre des Arts et de la Culture, avait dit, lors d’une conférence de presse, le 27 juillet 2017, qu’aucun bâtiment n’a été déclassé sous cette loi.
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