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République de Maurice: vite votée, peu changée

12 mars 2022, 22:37

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République de Maurice: vite votée, peu changée

La République de Maurice a 30 ans aujourd’hui. Si bien des changements ont eu lieu en trois décennies, que la vie quotidienne s’est accélérée, force est de constater que le statu quo est maintenu, voire entretenu dans de nombreux domaines.

Vote rapide

L’amendement  à la Constitution a été présenté très vite après la grande victoire de l’alliance MSM/MMM aux élections générales du 15 septembre 1991 au détriment de l’alliance PTr/PMSD. Sir Anerood Jugnauth (SAJ), le Premier ministre d’alors, présente les amendements à un conseil des ministres spécial le 3 décembre de la même année. Le projet de loi est présenté en première lecture dans l’après-midi. Après les débats, il est voté le mardi 10 décembre à 13 h 25, avec une majorité de 59 voix pour et sept abstentions venant des rangs de l’opposition. Navin Ramgoolam, leader du PTr et leader de l’opposition d’alors, conteste la façon de faire du gouvernement, estimant qu’il impose la république aux Mauriciens. Il insiste pour qu’un référendum soit organisé. SAJ de rétorquer que la victoire de septembre 1991 est comme un référendum tout en soulignant qu’une telle pratique n’est pas inscrite dans la Constitution.

SAJ président de 2003 à 2012.

 

Sir Veerasamy Ringadoo,premier président de la République.

Les décorations et les écussons

Lors des débats au Parlement, SAJ annonce la création d’un high powered committee présidé par chef de la fonction publique pour revoir les écussons et les insignes de la police et d’autres institutions. L’instance doit également se pencher sur les décorations de la République et revoir l’organigramme du personnel du bureau du Premier ministre et de la State house. Tout cela s’est concrétisé.

Président pas élu au suffrage universel

Le président de la République est toujours un nominé politique. Pendant ces 30 dernières années, seul le président Cassam Uteem a osé contredire publiquement le gouvernement qui l’avait nommé. Le nom du futur président de la République est proposé au Parlement par le Premier ministre. Comme il détient la majorité, sa proposition est adoptée sans peine. La loi ne permet pas de débattre de la proposition du Premier ministre.

Cassam Uteem a occupé Le Réduit de 1992 à 2002.

Le PTr de Navin Ramgoolam avait proposé que le président de la République soit élu au suffrage universel, mais Paul Bérenger du MMM, l’allié de SAJ à l’époque, n’était pas d’accord avec cette proposition, estimant qu’elle était dangereuse. Dipnarain Bhuruth, alors président de la Fédération des syndicats des corps constitués avait, lui aussi, émis le souhait que le président de la République soit élu au suffrage universel. Pour sa part, le parti Lalit s’était prononcé contre.

Souveraineté contestée sur les Chagos et Tromelin

Sur le plan juridique – et sur la scène internationale – Maurice a beaucoup progressé sur le dossier Chagos. L’année 2019 a été décisive. En février, l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice est favorable à Maurice. Les juges estiment que les Britanniques doivent mettre fin à leur adminis- tration des Chagos. En mai, l’Assemblée générale des Nations unies vote une résolution donnant un délai de six mois aux Britanniques pour restituer l’archipel à Maurice. Mais dans la pratique rien n’a changé.

Ameenah Gurib Fakim est la seule femme à avoir occupé le poste.

Répondant aux questions des journalistes étrangers sur les dossiers Chagos et Tromelin, le 12 mars 1992, SAJ affirme : «Je suis confiant que nous allons trouver une solution.»Trente ans plus tard, on entend à peine parler du dossier Tromelin. Un accord de cogestion entre Maurice et la France n’a pas été trouvé. Celui-ci a d’ailleurs été vivement contesté en France.

Kailash Purryag a succédé à SAJ en 2012.

Par ailleurs, l’accord entre la République de Maurice et l’Inde concernant une partie de notre territoire : l’île du Nord et l’île du Sud à Agalega, reste obstinément secret. Les Mauriciens ne savent rien des développements futurs prévus à Agaléga, hormis la construction d’une jetée et d’une piste d’atterrissage. Quant à l’île autonome, des Rodriguais déplorent qu’elle est le parent pauvre de la République.

Karl Offman dans le bureau du président.

La gangrène du communalisme

Le communalisme, ce vieux démon, rode toujours dans la République de Maurice. L’express avait interrogé un Mauricien présent dans la foule lors de la cérémonie du lever de drapeau, le 12 mars 1992. Narain Ramkhalawon, 48 ans, avait dit ceci : «Avec la République, on ne peut plus continuer à faire du communalisme à Maurice. Ce cancer de la société doit disparaître, pour que triomphe l’unité nationale. » Son souhait ne s’est pas exaucé. Le communalisme est bien présent, surtout à l’approche des élections, quand il est alimenté par des politiciens qui promettent pourtant de défendre les valeurs de la République.

Quelle création d’emplois ?

Toujours  dans la foule du 12 mars 1992, un jeune, Rajesh Subron, 18 ans, étudiant en «business» en Angleterre, avait déclaré: «Avec la République, c’est une nouvelle ère qui s’ouvre pour Maurice dans le développement économique. Il y aura encore plus de création d’emplois dans différents secteurs du pays. Je serai encore plus fier quand je retournerai dans quelques mois en Angleterre poursuivre mes études, car Maurice sera supérieure aux Anglais, étant République. Tandis que chez eux il y a toujours l’empreinte de la monarchie.» En 30 années, de nouveaux secteurs ont émergé. Beaucoup de diplômés sont dans le secteur financier qui a été un nouveau créneau tout comme les technologies de l’information. Cependant, on ne saura pas si cet homme est toujours fier car même si Maurice est une République, l’ombre des étrangers plane. Ce qui frustre des hauts-gradés, notamment de la National Coast Guard, qui savent qu’ils ne seront jamais à la tête de cette unité de la police qui est contrôlée par des étrangers...

Plus de «sa seigneurie»

Le lendemain de l’accesion de Maurice au statut de République, le juge Robert Ahnee avait mis fin à une pratique coloniale. L’express du 14 mars 1992 rapporte que le juge avait présidé une séance en cour, en tenue civile. Il n’avait pas revêtu la toge noire que portent les juges lors des procès ni de rabat. Le juge Robert Ahnee avait demandé aux hommes de loi de ne plus l’appeler «My lord» mais «Mr Justice». «Le juge Ahnee a fait cette observation lorsque Me Yousouf Mohamed s’est adressé au juge par cette révérence ‘Your lordship’.»