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Monde du travail: De nombreux étrangers dans nos banques au détriment des Mauriciens

15 mars 2022, 10:07

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Monde du travail: De nombreux étrangers dans nos banques au détriment des Mauriciens

Notre pays est-il trop ouvert, trop mondialisé? Après les ouvriers et autres professionnels «introuvables» à Maurice, on ouvre les portes aux banquiers. Ce qui fait enrager les financiers qui ne manquent pas à Maurice et qui se sentent frustrés.

Notre pays n’est pas riche et compte beaucoup de chômeurs et d’employés sous-payés. Pourtant, certains «Top Jobs» échappent à nos cadres, financiers notamment. Et des devises quittent le pays par millions chaque mois… Alors que le gouvernement distribue des permis de travail à tour de bras.

Presque toutes nos banques sont concernées bien que l’on note que deux ou trois, et non des moindres, fassent beaucoup d’efforts pour donner la chance aux Mauriciens auxquels elles font plus confiance. Les postes concernés se situent surtout au très haut niveau. Des postes tels que Head of Strategy, Chief Operating Officer, Chief Executive Officer, Head of Private Banking ou Head of International Banking vont aux étrangers. Et surtout Head of IT.

«Je sais que Maurice a vocation à être une économie ouverte», nous dit un haut cadre bancaire. «Mais trop, c’est trop. Presque tous les postes à responsabilités à la banque où je travaille sont occupés par des étrangers.» Il ajoute : «Ce n’est pas pour économiser sur les salaires, au contraire, ces étrangers sont rémunérés royalement en comparaison aux Mauriciens. Et je ne parle pas de la location de leur maison, des billets annuels accordés à toute la famille. La banque a même financé Rs 1 million pour leur déménagement. Quand je pense qu’ils ne font pas grand-chose, alors que c’est nous qui abattons le gros du travail.»

Des VVIP qui préfèrent des non-Mauriciens

Une banque se signale d’ailleurs par une concentration de cadres étrangers. On tente de justifier par le fait que des étrangers possèdent 50 % de l’actionnariat, donc ils apportent leurs cadres. «C’est peut-être une des conditions pour lesquelles on a accepté cet investissement : que les actionnaires viennent avec leurs managers.» Mais le marché est bien mauricien, non? avons-nous demandé. Réponse : «Oui, mais nous ciblons aussi la clientèle étrangère que ce soit pour les Private Wealth et même pour des prêts.» Des prêts aux étrangers après tout ce qui s’est passé à la SBM, ABC Banking Corp, Bank One et même la MCB? Pas de réponse.

En fait, selon nos informations, nos banques sont de plus en plus réticentes à avancer des prêts à des étrangers à la suite de ces milliards perdus. Alors, pourquoi ces recrutements à l’international alors que les Mauriciens qualifiés et expérimentés qui aspirent à monter en grade se voient toujours coiffés au poteau par des Anglais, Indiens et autres ? Réponse d’un banquier : «Je connais personnellement un cas où le poste occupé est tellement sensible que des clients VVIP ont réclamé que le directeur soit un étranger. Sur lequel on a un contrôle à travers le permis de travail qui peut être résilié à n’importe quel moment!» l

Aucune «accountability»

Ce qui fait écumer un banquier, c’est que beaucoup de ces étrangers sont repartis dans leur pays sans être nullement inquiétés pour les pertes et même les fraudes commises. «Andrew Bainbridge a pu quitter la SBM et le territoire mauricien malgré les milliards perdus avec NMC Healthcare. Il a même eu droit à un parachute doré de plusieurs dizaines de millions.» On nous cite aussi le cas de M. K. Reddy et P. V. Rao à la State Bank qui ont quitté le pays «scotch free». «Ces banquiers géraient personnellement des comptes et transferts de certaines VVIP…» On parle aussi de l’un des ex-directeurs qui vit actuellement aux Seychelles où il posséderait une… île à lui tout seul.

Pour un ancien banquier, ce sont les relations entre ressortissants d’un même pays qui jouent, notamment concernant un pays en particulier. On emmène cousins, neveux ou amis, et avec l’aide de leur ambassade, le permis de travail est accordé par les autorités mauriciennes. «Ils sont très solidaires entre eux et leur vie sociale est limitée à leur ‘clan’, car ils n’aiment pas se mélanger avec des Mauriciens envers qui ils ont développé un complexe de supériorité. Pourtant, c’est grâce à nous Mauriciens qu’ils mènent un grand train de vie qu’ils n’auraient pas pu avoir dans leur pays d’origine.»

Interprète pour banquier

Le fait que la plupart de ces étrangers ne parlent parfois que l’anglais ne pose-t-il pas un problème de communication ? «Bien sûr que si.» Et de nous parler d’un manager de la succursale d’une autre banque à Curepipe qui est étranger, et qui ne sait parler ni le français ni le créole. «Lorsqu’il reçoit certains clients, le manager a besoin d’un interprète…»

Notre interlocuteur nous rappelle que très peu de Mauriciens trouvent de l’emploi à l’étranger, sauf s’ils sont très compétents et qualifiés. Quelques-uns travaillent à Dubaï mais pas en Inde où même les nombreuses succursales de la SBM sont sous la responsabilité d’Indien. Donc, pas de réciprocité. Il nous rappelle que Singapour, cité-État très cosmopolite, vient de décider qu’à partir de septembre 2023, tout étranger n’aura droit à un permis de travail que si ce genre de compétence est requise et s’il n’y a pas de demandeurs locaux. «En fait, cette loi vise à contrôler ‘‘l’invasion’’ de travailleurs venant d’un pays en particulier.»

Un ancien directeur de banque nous rappelle que depuis le cas Raj Dussoye, on se méfie des «talents locaux». «Le comble, c’est que Dussoye préférait les clients étrangers aux locaux et a fait perdre des centaines de millions à Bank One, à la State Bank of Mauritius et au pays.» Un haut cadre de la SBM n’est pas d’accord. «Tout le monde sait que ce n’est pas le seul Dussoye qui a fait perdre près de Rs 12 milliards à la SBM et que derrière lui il y a eu d’autres personnes qui tiraient les ficelles dont un directeur étranger. On sait aussi que c’est l’ingérence politique qui a ruiné la SBM et la MauBank. De toute façon, le gouvernement ne choisit pas toujours les plus compétents.»

Un éternel assistant de directeur mauricien est amer: «Nous autres cadres locaux, sommes condamnés à n’être que le numéro 2 et à faire la queue pour avoir une promotion qui ne vient jamais.» Comme ses clients devant les guichets, quoi !

Nous n’avons pu obtenir le nombre de ces hauts cadres banquiers étrangers qui bossent dans notre pays, ni de la Banque centrale, ni de l’Economic Development Board, ni du département des statistiques, ni du ministère du Travail. Une information confidentielle ?