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Délits financiers: les agences de lutte anticorruption ont du mal à rattraper les cybercriminels
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Délits financiers: les agences de lutte anticorruption ont du mal à rattraper les cybercriminels
L’homme est toujours prêt à s’enorgueillir des progrès réalisés surtout dans les technologies avancées ou à manifester une fierté tout aussi justifiée dans l’utilisation des fruits de l’intelligence humaine que sont le téléphone portable et l’ordinateur qui ont révolutionné la communication en annulant la barrière du temps et de l’espace. Cependant, il est dommage que tous ces progrès n’ont pas fait reculer la tendance des humains en général de nuire à leurs voisins. L’émergence inattendue de la pandémie du Covid-19 a dévoilé en grand format ce côté obscur de l’être humain en dépit de son orgueil à faire valoir ses avancées technologiques.
«Les données ont démontré que la corruption et les crimes financiers ont gagné du terrain au moment où la pandémie Covid-19 sévissait. Les escrocs ont profité des points faibles des systèmes informatiques pour sévir.» Ces paroles de Dhanesswurnath Thakoor, Chief Executive de la Financial Services Commission (FSC), ont resonné le jeudi 7 avril au FSC Regional Centre of Excellence (FSCRCE) dans un atelier virtuel avec 560 participants de 22 pays de la région pour soutenir les initiatives visant à combattre la corruption et les délits financiers notés durant la pandémie de Covid-19.
Ce n’est pas un hasard si le FSCRCE a attiré autant de participants. Il est naturel et logique qu’il suscite l’intérêt des résidents des pays de la région car il est le fruit d’un accord signé le 15 mars 2019 entre le gouvernement mauricien et l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), pour «promouvoir des politiques publiques qui favorisent la prospérité, l’égalité des chances et le bien-être pour tous». Sa mission est de mettre en place un cadre réglementaire, une gouvernance d’entreprise et fournir les meilleures conditions pour la conduite des affaires dans la région.
«L’émergence de la pandémie Covid-19», devait indiquer Patrick Moulette, responsable de la division anti-corruption de la Directorate fort Financial and Enterprise Affairs au sein de l’OCDE, «a contribué considérablement aux risques qui occasionnent des cas de corruption dans toutes les parties du monde y compris le continent africain. De tels risques ont entraîné une hausse des dépenses des fonds publics avec des procédures simplifiées et des manquements au niveau de surveillance par les mesures associées aux procédures relatives au système d’approvisionnement traditionnel, des défis d’ordre logistique que les autorités chargées d’appliquer et de faire respecter la loi pour entreprise des travaux de détection, d’investigation et de poursuites dans des cas où un acte de corruption a été établi et enfin des chaînes de distribution perturbées».
Une séance de l’atelier a été de prévenir, d’enquêter et de poursuivre les auteurs des actes de corruption et de crimes financiers. L’atelier de travail virtuel aura permis de révéler le côté obscur des technologies innovantes dans la vie quotidienne. On aurait pensé que face au danger de la pandémie de Covid-19, la solidarité humaine aurait prévalu. Mais l’un des messages forts de cet atelier de travail est que la pandémie a créé, au contraire, l’occasion pour certains de profiter des malheurs des autres. Aussi contradictoire que cela puisse paraître, c’est dans les technologies de l’information et de la communication (Tics), que l’appât du gain aura atteint son apogée. Pour donner une idée de l’ampleur de la corruption durant cette période, Dhanesswurnath Thakoor a cité Cybersecurity Ventures, qui évalue à $ 6 trillions le montant des cybercrimes en 2021.
La liste des crimes de l’ingénierie sociale – technique de manipulation des cybercriminels pour inciter leurs victimes à partager des informations confidentielles – est longue. Les plus communs sont : l’hameçonnage pour voler des informations via des courriels ; le harponnage pour lancer des attaques spécifiques toujours par courriel ; l’appâtage qui exploite la tendance de l’humain à s’attendre à des récompenses ; ou encore la water-holing qui consiste à jeter son dévolu sur un groupe d’utilisateurs d’Internet ; l’idée des cybercriminels étant de repérer les failles du système de sécurité du site commun.
Lettres anonymes
S’il y a un facteur qui aura grandement facilité la tâche aux cybercriminels, c’est que dans la plupart des cas, des individus et des entreprises n’avaient pas prévu une situation où l’utilisation d’Internet pour transférer des données souvent stratégiques prendrait autant d’ampleur, surtout avec le télétravail. Si la plateforme technologique est devenue le terrain de jeu des cybercriminels, les corrupteurs et les corrompus conventionnels n’ont pas donné leur langue au chat.
Sur ce plan, le témoignage de Gomtee Kullootee, assistant directeur des investigations à l’Independent Commission against Corruption (ICAC), a été choquant et a donné le vertige à l’assistance. L’évocation de l’achat urgent du Molnupiravir, un médicament anti- Covid-19, aura permis de mettre en évidence plusieurs facteurs propres à la corruption courante. D’abord, l’hommage rendu aux fonctionnaires, souvent critiqués, car ils peuvent difficilement démontrer qu’ils peuvent agir dans l’intérêt national. Mais, sans des lettres anonymes venant des milieux du ministère de la Santé, il aurait été difficile pour l’ICAC de découvrir les cas de corruption dans l’achat urgent du Molnupiravir.
Le rôle des fonctionnaires dans la mise au jour des actes de corruption qui ont fait surface au moment où le ministère de la Santé allait lancer des appels d’offres pour l’achat de médicaments a été déterminant. Selon le témoignage de Gomtee Kullootee, des prédateurs ayant un dispositif bien rodé sont prêts à passer à l’acte dès le lancement d’un appel d’offres d’urgence où la priorité est d’empêcher une dégradation de la santé publique. Dans de telles circonstances, ces prédateurs patentés sortent de l’ombre et les moyens utilisés pour gagner de l’argent sur le dos du public sont nombreux. Parmi, le gonflement artificiel du prix de vente des produits offerts, l’émergence de fournisseurs sortis de nulle part, le transfert de fonds, le recours à des proches.
Dans cet atelier, la coopération entre agences sous l’égide de l’OCDE a démontré toute son importance. Les unes apprennent de l’expérience des autres. Si dans les actes de corruption traditionnels, les agences de lutte contre ce fléau peuvent plus ou moins sortir le grand jeu, mais elles ne peuvent pas lutter à armes égales avec les cybercriminels car ces derniers ont toujours une longueur d’avance. L’une des propositions faites s’oriente vers une meilleure collaboration avec les fournisseurs d’outils technologiques. Objectif : trouver des pistes pour aider les agences chargées de combattre la cybercriminalité à disposer des moyens requis pour ne pas se faire distancer par les cybercriminels.
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