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Agalega: l’archipel des «gardien zil»

18 avril 2022, 22:00

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Agalega: l’archipel des «gardien zil»

Agalega sera sans nul doute au menu des discussions entre Pravind Jugnauth et son homologue indien, Narendra Modi, pendant l’actuel déplacement du Premier ministre dans l’État du Gujarat. Le chef du gouvernement a dressé un bilan de l’avancée des travaux dans l’archipel au Parlement le 5 avril, en réponse à une question du député mauve Aadil Ameer Meea. 

Quant à Afcons, l’entrepreneur indien responsable des travaux, il a beau répondre à ses responsabilités sociales à coups de nouvelles salles de classe, W. C., travaux routiers, terrain de foot, chapelle rénovée, open gym, embauche de 17 jeunes, leur formation en maçonnerie, électricité et mécanique, le fait demeure que 54 ans après l’indépendance de Maurice, les habitants d’Agalega ne sont toujours pas propriétaires d’une maison sur leur île. Ils ont, certes, un toit. La construction de 50 maisons par la National Housing Development Company Ltd (NHDC) est évoquée depuis un moment mais ces familles n’ont toujours pas un titre de propriété à leur nom. 

La nouvelle jetée complétée à 77 % devrait être opérationnelle mi-2023, sauf nouvel imprévu.

Pourquoi ? ne cessent de se demander les Agaléens. «Sommes-nous uniquement des ‘‘gardiens zil’’ ? Ki nwété? Eski nou lev pavion Agalega ou swa nou lev pavion Moris? Nou pa form parti dan Répiblik Moris, nou?» s’interroge Louis Regis Mootoo, dépité. Le senior, qui a dit tout haut ce qu’il avait sur le coeur dans une vidéo publiée sur Facebook durant la semaine écoulée, n’en peut plus de voir son «pep soufer koumsa». 

La seule boutique que compte l’île du Nord.

Il est rejoint dans ses propos par Laval Soopramanien, de l’association Les Amis d’Agalega. «Les Chagossiens ont droit à un bail agricole. Nou nou fami pou res gardien zil Agalega. Zamé li pou vinn propriyéter li ?» Pour Laval Soopramanien, les Agaléens doivent militer d’une seule voix pour les mêmes droits que le peuple de Rodrigues et ceux des Chagos. Pour en revenir à Louis Regis Mootoo, il a listé une série d’autres carences qui, année après année, restent entières. Comme les services de santé toujours déplorables, contraignant les résidents à tout quitter pour venir se faire soigner à Maurice sans certitude aucune quand ils pourront de nouveau regagner leur archipel. Le manque de considération pour les aînés qui sont tels «des outils usagés qu’on a mis de côté» est aussi vivement regretté. Sans compter l’environnement à l’abandon à côté des habitations. 

La flambée des prix des denrées de base dans l’île principale de la République n’épargne pas non plus Agalega. Louis Regis Mootoo cite un kilo de viande de mouton à Rs 600, soit Rs 300 la livre. «Nous n’avons ni élevage de mouton, ni abattoir. Quand aurons-nous les moyens de nous acheter de la viande ?» L’huile de table n’est pas en reste. Làbas, ils ont droit en ce moment à de l’huile en gallon. Trop cher, fustige Louis Regis Mootoo. «Nou pa touris. Nou enn sinp travayer.» 

Afcons a installé un «open gym» pour se conformer à ses responsabilités sociales.

Il égratigne au passage le directeur général de l’Outer Islands Development Corporation (OIDC), «qui ne reçoit personne qui souhaite le rencontrer. Pourquoi le gouvernement l’a-t-il mis là ? Pour nous martyriser, nous torturer ou pour s’occuper de nous ?» L’administration à Agalega, qui n’a de cesse de renvoyer la balle au bureau de l’OIDC, en prend aussi pour son grade. 

Pendant ce temps, comme annoncé à l’Assemblée nationale, la nouvelle piste d’atterrissage qui s’étale sur la moitié de l’île du Nord est complétée à 85 %. La nouvelle jetée à 77 %. Dans un an, soit en juin 2023, les nouvelles infrastructures aéroportuaires et portuaires qui, à en croire le chef du gouvernement, seront sous le contrôle des autorités mauriciennes, devraient, sauf autre imprévu, être opérationnelles. 

Louis Regis Mootoo s’est livré à coeur ouvert sur le sort des Agaléens.

Or, toujours pas de programme de formation en vue alors qu’une vingtaine de chômeurs n’a de cesse de contempler l’horizon. Quant au plan directeur dont a fait état Pravind Jugnauth dans l’Hémicycle, les Agaléens attendent d’en être parties prenantes.