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L’économiste Rajeev Hasnah dresse d’inquiétantes similitudes entre Maurice et le Sri Lanka

20 avril 2022, 21:00

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L’économiste Rajeev Hasnah dresse d’inquiétantes similitudes entre Maurice et le Sri Lanka

L’économiste se demande si la dépréciation de la roupie n’est pas le résultat d’attentes auto-réalisatrices qui, à force de spéculer sur sa valeur, finiront par la mener à sa perte. Tout en soutenant la crise de confiance à laquelle est confrontée la monnaie face aux devises étrangères, il dresse des similitudes entre l’économie mauricienne et celle du Sri Lanka, aujourd’hui en banqueroute, et pense qu’il faut éviter que cela devienne une réalité.

Lors d’une récente PNQ, le leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, a fait état d’une crise de confiance par rapport à la valeur de la roupie en chute libre, ce qui a encouragé des opérateurs économiques à spéculer sur la valeur du dollar, entraînant ainsi une pénurie de la monnaie américaine sur le marché. Partagez-vous cette analyse ?

Si comme le dit le leader de l’opposition, il y a une crise de confiance à Maurice et si cette situation perdure dans les mois à venir, je pense qu’on entrera dans une situation avec des self-fulfilling expectations sur la valeur de la roupie mauricienne. Cela veut dire qu’à force de spéculer qu’elle perdra de la valeur vis-à-vis des monnaies étrangères, elle finira par la perdre et cela bien avant qu’on ne l’ait espéré initialement. La problématique dans ce genre de situation c’est effectivement la confiance des opérateurs économiques dans la gestion économique et financière du pays.

Il faut se rappeler que plusieurs évènements au niveau macroéconomique du pays auraient eu un impact sur l’état d’esprit des acteurs économiques. Il y a eu l’impression de billets pour une valeur d’au moins Rs 140 milliards, une montée fulgurante du taux d’inflation et une dépréciation accrue de la roupie mauricienne. Maintenant si on commence à spéculer sur la roupie, malgré une reprise des activités économiques, on pourrait très vite se retrouver dans une situation très délicate et difficile à gérer.

Des spécialistes parlent de pénurie de devises artificielle. Qu’en pensez-vous ?

On a certes l’impression que la disponibilité des devises étrangères sur le marché forex local semble plus difficile que pendant la période où les frontières étaient fermées. Certes avec les arrivées touristiques qui augmentent et un regain d’activité dans le secteur, on avait espéré que la situation des devises allait s’améliorer. Malheureusement, cela ne semble pas être le cas et je pense que cette situation sur le marché de devises apporte plusieurs explications probables, dont une crise de confiance dans la valeur de la roupie mauricienne. Il faut noter que la Banque de Maurice (BoM) a indiqué que USD 2 milliards ont été reçus dans le pays pendant les six derniers mois!

La BoM est intervenue sur le marché forex pour y injecter massivement 200 millions de dollars américains (Rs 8,6 milliards). Est-ce la bonne décision pour stabiliser la roupie tout en réglant la problématique de la pénurie de devises et éliminer la spéculation ?

Ce serait bien de comprendre que dans la gestion de n’importe quelle réserve, il est primordial d’évaluer le flux des entrées et sorties d’argent. C’était important que la BoM puisse assainir la situation du forex qui était devenue très compliquée, mais il est plus important encore de s’assurer que les devises étrangères soient réinjectées dans le système bancaire local afin d’assurer un retour à la normale dans la gestion des risques liés au forex à Maurice.

«Si la spéculation continue, je pense qu’on devrait vite réaliser que la situation ultime ne serait pas dans l’intérêt du pays et de tout un chacun.»

Certains spécialistes, et non des moindres, brandissent la menace srilankaise en parlant de la situation économique de Maurice. Estimez-vous que si le ministère des Finances ne prend pas des mesures courageuses, le pays court le risque d’une banqueroute économique, vu que tous les ingrédients y sont déjà.

Il y a certes des similitudes avec le Sri Lanka sur plusieurs fronts, mais au lieu de se focaliser et dire qu’on serait dans la même situation que ce pays bientôt, je préfère me concentrer sur ce qu’on peut toujours faire pour éviter un scenario aussi fatidique. À la base il faut comprendre l’importance de bien gérer les attentes des acteurs économiques. C’est la raison pour laquelle que je n’étais pas pour l’impression des billets pour le montant qu’on a connu il y a déjà presque deux ans, car cela pourrait mettre en danger notre stabilité financière ainsi que la confiance des acteurs économiques dans notre banque centrale, surtout par rapport au contrôle de l’inflation et la nécessité d’une politique d’une roupie stable.

Cela dit, c’est vrai aussi qu’on devrait prendre des décisions et actions courageuses par rapport à la génération des richesses et la gestion macroéconomique du pays à moyen et long termes. Mais dans l’immédiat, il est primordial de réinstaurer la confiance dans la roupie mauricienne par les actions des institutions du pays qui devront prôner à tout prix une stabilité de la roupie mauricienne. Je pense qu’on devrait faire en sorte que les entrées en devises puissent être réinjectées dans le circuit bancaire de façon systématique et naturel afin qu’on puisse avoir un retour à la normale dans la gestion des risques liés au forex. Si la spéculation continue, je pense qu’on devrait vite réaliser que la situation ultime ne serait pas dans l’intérêt du pays et de tout un chacun.

Il faut noter que l’archive économique sur le plan mondial est remplie de crashs économiques et financiers de pays dits émergents, qui ont été accentués par un retrait massif des capitaux étrangers. Cela dit, l’avantage que le pays a à mon avis, c’est que les principaux acteurs économiques sont locaux et ce n’est certainement pas dans l’intérêt de personnes qu’on devienne le prochain Sri Lanka !