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Interview | Dick Ng Sui Wa: «Le soulèvement populaire via le numérique n'aura pas lieu ici»

24 avril 2022, 15:04

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Interview | Dick Ng Sui Wa: «Le soulèvement populaire via le numérique n'aura pas lieu ici»

Celui qui, il y a un an, a vainement tenté de réguler, voire contrôler outrageusement, les réseaux sociaux se confie à l’express au moment où la communication numérique et cryptée est utilisée pour organiser des manifestations contre la vie chère. Aussi étonnant que cela puisse paraître, le chairman de l’ICTA ne savait pas avant jeudi (jour de notre rencontre) qu’il était nominé dans le très populaire et peu flatteur concours de «Chatwa de l’année» sur Facebook en 2021. Va-t-il se réconcilier avec les internautes dans cet entretien ?                                                                                                       

Un an après le «consultation paper» de l’ICTA pour un durcissement du contrôle des réseaux sociaux, vos propositions ont soulevé un immense tollé avant de disparaître. Finalement le gouvernement, comme la population, a rejeté vos propositions…
Ces propositions suivaient une tendance mondiale pour réguler les réseaux sociaux. Il était important avant de faire quoi que ce soit – parce que moi je crois en la communication – d’obtenir l’opinion des internautes, des fournisseurs de service et de tous ceux concernés par les réseaux sociaux. Au-delà de cela, le plus important c’était la conscientisation de la population. J’aurais pu opter pour un débat classique, un forum avec des intervenants, on ne serait pas arrivé à ce résultat.

De quel résultat parlez-vous ? Ce fut un échec pour vous car tout le monde a rejeté votre approche antidémocratique !
Je ne suis pas d’accord. La population a été conscientisée au danger des réseaux sociaux. Et 90 % de la population sont d’avis qu’il faut une forme de régulation des réseaux sociaux. Ça ne peut pas rester une jungle avec les dangers qu’il comporte, surtout pour un pays comme Maurice. Mais j’avoue que la formule n’était pas appropriée. C’était une consultation. On voulait l’opinion de la population. On l’a obtenue. C’est cela le résultat.  Vous savez, ce n’est pas notre unique consultation populaire. Chaque année nous en faisons une ou deux, mais celle-ci a suscité un engouement particulier car elle concerne beaucoup de monde. Mais c’était le but.

Si 90 % de la population étaient vraiment pour, le document serait devenu une loi. Soyons honnêtes !
Attendez, je clarifie. 90 % de la population pensent qu’il faut une forme de régulation des réseaux sociaux. Mais elle n’était pas d’accord avec la méthode qu’on proposait.

Parce qu’elle ressemblait à une forme de censure et de dictature…
Ça n’a aucune importance. On ne l’a pas appliquée. (Sourire). Chacun a eu droit à son interprétation entre censure ou dictature. At the end of the day, la population a été conscientisée aux mauvais usages et aux dangers des réseaux, et la méthode n’a pas été appliquée.

C’est l’ICTA qui a dit au gouvernement de tout arrêter ou bien c’est le gouvernement qui vous a dit «stop ou pé tro fer !» ?
Pourquoi tro fer ? Nous n’avions rien fait, au sens propre. Nous avions demandé à la population ce qu’elle penserait si nous faisions.  Vous devez nous accorder le crédit d’avoir consulté les internautes. Nous avons montré les réponses obtenues de notre consultation populaire au gouvernement. Je vous répète que le but d’une consultation publique, c’est d’obtenir des réponses. Nous les avons transmises au gouvernement. La population a jugé notre méthode comme étant trop intrusive. Nous ne sommes pas allés de l’avant. Nou inn bien fer.

La menace – si vous êtes d’accord avec le mot – d’une future régulation est toujours là ?
Non. Pas pour le moment. Nous sommes en train de suivre la tendance de l’Union européenne. Ensuite, la question a été transférée au ministère des TIC. La Cyber Security Act (NdlR : votée en octobre 2021) couvre grosso modo la majorité des problèmes et dangers que posent les réseaux sociaux.

«Vous pouvez utiliser les réseaux sociaux pour appeler à manifester si la manif n’est pas illégale.»

Excusez-moi, mais j’ai du mal à cerner la détermination et l’engouement que vous aviez montrés quand vous avez lancé la consultation et la froideur avec laquelle vous acceptez son rejet…
Non ce n’est pas de la froideur. La question est technique et scientifique. Ma réponse l’est aussi. Il n’y a aucune froideur. Et il n’y avait pas d’engouement non plus. L’ICTA a fait son travail. Le débat a au moins conscientisé.

Donc juste grâce au «consultation paper», les internautes sont plus courtois et responsables ? C’est étonnant ça !
Non. Aujourd’hui ils connaissent les dangers d’une mauvaise utilisation.

Est-ce juste les détracteurs du gouvernement qui font une mauvaise utilisation des réseaux sociaux ?
Je ne sais pas qui est détracteur et qui ne l’est pas. Mais la définition d’abus des réseaux sociaux, c’est la diffamation, la pédopornographie, les escroqueries. Les scams sont un véritable problème. Tout ne se résume pas à la politique. Il y a aussi ceux qui tentent d’utiliser les réseaux sociaux pour briser l’harmonie entre les différentes couches de la population, les communautés et les religions.

Utiliser les réseaux sociaux pour appeler à une manif contre le prix des carburants, cela fait partie de votre définition de «mauvaise utilisation» des réseaux ?
Non. Là, c’est beaucoup plus direct. Le code pénal contient toute une section sur l’incitation à la violence…

Je vous parle d’une manif non-violente.
Vous pouvez appeler à manifester. Mais vous ne pouvez pas appeler à participer à une manifestation illégale. Ensuite, vous ne pouvez pas appeler à manifester pour provoquer la violence. Tout cela est régi par le code pénal déjà.

Un des reproches formulés à l’ICTA était qu’elle voulait espionner la messagerie privée des internautes. Vous n’avez jamais vraiment répondu à cet aspect. Quelle était votre intention…
(Il nous interrompt). On n’a pas répondu car nous voulions écouter et non répondre. Nous avions posé les questions. Il y en avait 17.

«Le soulèvement populaire comme à Hong Kong avec la communication numérique comme outil ne va jamais se produire à Maurice.» 

2021, l’année de votre «consultation paper» s’est terminée par une place honorable pour vous au concours de «Chatwa» de l’année. C’était un vote en ligne sur Facebook. C’est un comble pour celui qui voulait contrôler les réseaux sociaux…
Mo pa get sa bann zafer-la. Mo pa o kouran. Si vous me dites que j’y figure, je le prends avec humour (avec un grand sourire).

«Did this cause you annoyance» ?
Not necessarily, because it’s only now that you’re telling me. Je le prends avec humour.

L’humour, on en manque un peu ici non ?
Ah oui ! Entièrement d’accord.

Vous m’étonnez quand même quand vous dites que vous ne saviez pas que vous figuriez au classement. Vous êtes quand même «chairman» de l’ICTA et vous êtes censé balayer les réseaux, les publications, etc…
Ah non ! Ce n’est pas mon rôle d’encourager un débat autour des chatwa. Je ne pense pas que ce soit le vôtre non plus d’ailleurs. Il y a tellement de problèmes et de phénomènes sociaux que vous auriez pu aborder.

Parlons d’un phénomène social donc. L’utilisation des réseaux pour se soulever contre le pouvoir. Nous avons vu comment Internet et les réseaux sociaux ont aidé les Hongkongais à s’organiser pour contourner la surveillance de la dictature. La révolution politique via le numérique à Maurice est une possibilité ? Le téléphone portable pourra-t-il être ce que les collèges étaient au MMM dans les années 60-70, ou bien vous allez tout faire pour empêcher cela ?
Écoutez, moi je ne sais pas ce qu’a fait le MMM dans ces années-là.

Quand même !
Je sais que le MMM avait presque remporté les élections de 76, mais je trouve votre façon de présenter le MMM très partisane.

Attendez, nous n’allons pas contester l’histoire et les faits. Le MMM a été un mouvement estudiantin qui a remporté des élections.
Je ne sais pas, je n’étais pas là. Je ne sais pas quel âge j’avais à l’époque. Deuxièmement, les paramètres ne sont pas les mêmes. Vous me parlez de Hong Kong en 2019, que vous comparez au MMM de 1960-1970 ; ça n’a rien à voir. Tout a changé. Hong Kong, c’est malheureux, est sous un gouvernement ki pa fasil et qui est loin d’une démocratie.

Retournons à la question. L’outil de communication numérique et informatique pourra-t-il être utilisé à Maurice à des fins politiques et citoyennes comme à Hong Kong, ou vous allez tout faire pour que cela n’arrive pas ?
Ce qui est arrivé à Hong Kong ne va jamais se produire à Maurice. Parce que Maurice est une démocratie alors qu’à Hong Kong, il y a une mainmise de l’État chinois. Le phénomène n’est pas le même. C’est comme comparer l’Allemagne nazie au Front populaire en France dans les années 1930.

Maurice est-elle toujours une démocratie quand des élus locaux sont arrêtés parce qu’ils ont essayé de discuter avec un ministre ; quand dans le Sud, 10 personnes sont embarquées dans des fourgons policiers parce qu’elles tiennent des pancartes pour qu’on ne mélange pas politique et religion et que lendemain le Premier ministre…
(Il nous interrompt). Cette question, il faut la poser au commissaire de police. Je ne suis pas l’autorité concernée. Mon opinion ne compte pas puisque cela ne concerne pas l’ICTA.

Mais vous venez de me dire que Maurice est une démocratie. Ce n’est pas à l’ICTA de venir établir cela.  Vous êtes déjà en dehors de vos prérogatives.
Je vous répète que vous devez poser la question au commissaire de police. Mo pa kapav deklar piti pa pou mwa.

«Si vous me dites que j’ai été dans le classement du ‘’chatwa de l’année’’, je le prends avec humour.» 

Je vous entends presque dire que vous n’êtes pas d’accord avec la façon dont la police gère tout cela…
Ah non ! Ne m’attribuez pas des propos que je n’ai pas tenus. Je suis avocat et je sais que je ne peux pas me prononcer sur des affaires qui vont peut-être aller en cour.

Mais le Premier ministre s’est prononcé. Il a déjà averti les manifestants que leur casier judiciaire et leur certificat de moralité seraient souillés…
Abé ou bizin dimann Prémié minis-la. Pa dimann mwa. Mo ni avocat Prémié minis, ni mo gayn drwa réponn pou li.

Parlons d’un sujet sur lequel vous pouvez répondre donc. Les amendements à l’IBA Act fin 2021. Votre nouvel arsenal légal a-t-il déjà servi à appliquer la guillotine ?
Déjà dans votre question, vous utilisez le mot «guillotine». C’était un outil dans la Révolution française pour décapiter au sens propre. Je ne pense pas qu’il soit approprié.

Cela dit, l’IBA est un régulateur. Quand le Parlement vote une loi, l’IBA doit l’appliquer. Maintenant parler de l’IBA, pour moi, c’est compliqué. Je ne suis qu’un simple membre. Je ne suis pas le chairman. Je dois demander l’autorisation du board. Quand j’ai participé à l’émission conjointe des radios privées, j’avais l’autorisation du board. Ce que je peux vous dire, c’est que les épouvantails font toujours peur. Les lois font peur, mais jusqu’à l’heure tout ce que craignaient les radios, n’est pas arrivé. Je n’en dirais pas plus. Je connais vos méthodes et je ne me ferai pas piéger.

Si «rien n’est arrivé», comme vous dites, avec la nouvelle IBA Act, on n’a aucune garantie que «rien n’arrivera dans le futur». Vous savez que les lois sont là et elles sont utilisées au moment opportun ou même de manière opportuniste…
Ce que je sais aussi, c’est que les lois peuvent être contestées en Cour suprême.

C’est ce que font les radios privées.
Je ne sais pas. Je ne suis pas au courant.

Parmi ceux qui ont manifesté contre la nouvelle IBA Act, il y avait un groupe d’avocats qui se fait appeler les «Avengers».  Vous-même, qui avez été un avocat militant…
(Il nous interrompt) Je le suis toujours. Je suis un fervent militant des droits humains.

Aujourd’hui que vous vous faites critiquer par des confrères militants, quel effet ça fait…
Je ne connais pas cette manifestation.

Oh que si. Il y avait ce que des ONG ont appelé les grandes funérailles de la liberté d’expression.
Je ne connais pas !

Répondez à la question. Quel effet ça fait quand des confrères militants vous accusent d’être à la solde du pouvoir.
Personne n’a jamais dit cela à mon sujet. Qui a dit ça à mon sujet, Monsieur ?

Vous n’avez jamais entendu de telles critiques à votre égard ?
Non.

Roshi Bhadain vous l’a dit en direct le jour de l’émission conjointe des radios privées contre la nouvelle IBA Act justement. Vous aviez dit «MSM pé amenn enn lalwa», et il vous avait repris…
Non je ne me rappelle pas ces échanges. Je me souviens avoir formulé des arguments pour expliquer cette loi. 

Ce n’était qu’un exemple. Venons-en au sens de la question. Vous n’êtes pas le plus aimé par vos confrères militants et engagés alors que vous dites être vous-même militant engagé… quel effet ça fait ?
Écoutez, s’ils ont manifesté contre les lois de l’IBA, ils étaient dans l’exercice de leurs droits constitutionnels. Tous les citoyens – pas juste les Avengers – devraient pouvoir exercer leurs droits constitutionnels. Bien sûr dans la légalité ; pas en participant à des manifs illégales.

Peut-on être un nominé du gouvernement Jugnauth et être un défenseur des droits de l’homme ?
Bien sûr qu’on peut l’être. Je ne me considère pas comme un nominé politique ou un nominé du gouvernement Jugnauth. Je me considère comme quelqu’un de compétent et d’indépendant qui est au service de son pays.

«Les derniers développements dans l’enquête sur le meurtre de son épouse donnent du courage à John Mc Areavey.» 

Mais vous avez été utile quand il a fallu défendre le gouvernement sur certains sujets…
Par exemple ?

Les amendements à l’IBA Act…
(Il prend de grands airs). Je suis flatté que vous Monsieur le journaliste estimez que j’ai été utile au débat sur ces amendements…

Utile au pouvoir, je voulais dire.
Je me sens utile à l’État. Pas nécessairement au pouvoir. Je fais mon travail avec sincérité, honnêteté, intégrité et transparence, tout en maîtrisant les lois.

La question de Rajesh Bhagwan à votre sujet à l’Assemblée nationale cette semaine, comment vous l’avez vécu ?
Je crois qu’il pensait que le gouvernement avait payé mon billet d’avion et mon séjour. Je pense qu’il y a d’autres sujets tellement plus importants que ça à aborder à l’Assemblée nationale.  Il y a le changement climatique, des problèmes de gouvernance, la cherté de la vie…

(On l’interrompt).

Vous ressentez les effets de la cherté de la vie, vous ?
Absolument. (Il prend une pause et se répète). Absolument !

On a l’impression que ceux qui ont un poste de responsabilité publique sont tellement «well-off» qu’ils ne ressentent pas la cherté de la vie…
Je me considère de la classe moyenne et la classe moyenne ressent les effets de la crise plus que n’importe qui d’autre. On est squeezed. On paie la taxe, et c’est compliqué. C’est le même phénomène aux USA, en France, en Angleterre et partout dans le monde. Toutes les grandes démocraties souffrent du même phénomène pour deux raisons principales que vous connaissez bien. La pandémie du Covid-19 – Macron n’a cessé de répéter dans son débat avec Le Pen que cela fait plus de 100 ans que le monde n’avait pas vu cela – et ensuite la guerre en Ukraine qui fait monter le prix des matières premières. C’est ce genre de débats que j’aurais voulu voir à l’Assemblée nationale.

Vous comprenez la colère de la population avec en une semaine le prix du gaz ménager et des carburants qui grimpent en flèche…
Je vous donne mon opinion personnelle. Cela ne concerne pas mes fonctions en tant que chairman de l’ICTA, mais on se parle comme citoyens. Peut-être que si j’avais été à la place du régulateur (NdlR : la State Trading Corporation), j’aurais mieux communiqué pour expliquer pourquoi ces augmentations sont inévitables. Il faut communiquer. À l’ICTA, on l’a fait pour des propositions de réglementation des réseaux sociaux, et je pense que là encore, on aurait pu communiquer plus et mieux.

Que répondez-vous à ceux qui disent que la situation économique était déjà sur une mauvaise pente avant le Covid ?
Je ne suis pas d’accord.

Le gouvernement avait déjà puisé Rs 20 milliards des réserves de la Banque de Maurice en janvier 2020…
Écoutez, je ne suis pas économiste mais je ne suis pas d’accord…

(On s’interrompt mutuellement et on parle en même temps).

Air Mauritius allait déjà mal au point où le gouvernement avait déjà enclenché un plan de sauvetage avec Sherry Singh avant le Covid…
Je ne peux pas répondre là-dessus. Ce n’est pas mon domaine.  Mais que l’économie allait très mal avant 2019, je ne suis absolument pas d’accord. On était en parfaite santé. On allait réaliser notre croissance. On aurait eu des politiques de développement inédites. Je parle comme un citoyen et je ne défends, ni n’accuse personne.

Ce n’est pas l’expression du «chatwarisme», vous voulez dire…
(Il fait semblant de ne pas nous entendre). On a aussi… (Il se reprend). Je veux dire, le gouvernement a aussi construit des maisons pour les pauvres, revu la pension universelle à la hausse ; ce sont des mesures qui ont été prises pour protéger la classe ouvrière. Il y a eu aussi des projets d’infrastructures sans précédent, et la modernisation de l’économie. Nous subissons les contrecoups de la situation internationale, comme tous les pays du monde.

On aurait quand même pu demander plus d’efforts à ceux au sommet de l’échelle sociale pour que ceux qui sont au plus bas ressentent moins les effets de la crise.
Le gouvernement les a frappés d’une taxe de 40 %. C’est énorme. Mais attention, cela porte atteinte à notre ambition d’attirer les professionnels de l’étranger. Cette taxe a fait fuir beaucoup de professionnels qui se sont dit, vaut mieux aller payer cette taxe en France ou en Angleterre.

Passons à autre chose. Vous avez été l’avocat des familles Harte et McAreavey et avez agi comme «watching brief» pour elles lors du procès des ex-accusés en 2012. Qu’avez-vous compris des deux nouvelles arrestations dans la nouvelle enquête sur le meurtre de Michaela ?
Je communique avec mon client qui me demande des mises à jour. Je lui communique ce que je lis de la presse car j’apprends tout de la presse. Je n’ai aucune information supplémentaire. J’apprécie qu’après 10 ans, la police fait un effort pour retracer le meurtrier de Michaela Harte. Je salue l’effort consenti. Pendant 10 ans, mon client John Mc Areavey a demandé aux autorités de réagir et de ne pas laisser tomber cette enquête. Il est important de connaître la vérité sur cette affaire. Pas juste pour mon client, pas juste pour l’Irlande. Mais pour nous Mauriciens. Cette histoire nous a émus et on veut un jour savoir ce qui s’est réellement passé.

Vous comprenez le scepticisme des avocats de la défense sur la façon de procéder de la police ?  On a d’abord arrêté Narayanen, puis Moonea…

C’est la façon dont une enquête est conduite, non ? Ça n’a rien d’anormal.

Oui, mais il y a la question de «double jeopardy». On ne peut pas faire face au même procès deux fois.
Qu’ils aillent arguer cela en cour. Ce n’est pas à l’opinion publique de juger l’affaire. Notre système de justice est bien rodé et je lui fais confiance. Cela commence de la police au magistrat en passant par le DPP face aux avocats de la défense.

Cette même police a été sévèrement critiquée lors du premier procès qui a démontré à quel point l’enquête était teintée d’amateurisme et d’abus de procédures. Cette même police vient aujourd’hui parler de nouvelles preuves. Vous en tant qu’avocat de la famille Mc Areavey, qui était tellement dépitée et déçue du premier procès, vous faites confiance à cette même police ?
Écoutez, l’équipe qui enquête a complètement changé de celle qui a mené la première enquête. Et je n’étais pas l’avocat de la poursuite. La cour ne m’a pas autorisé à interroger les accusés et témoins et le DPP a choisi un avocat du parquet. Ce n’est pas la faute du DPP. Mais c’est une pratique courante. Je n’étais donc que le watching brief. En revanche dans l’affaire civile, j’ai bien agi comme avocat de la famille Mac Areavey, je ne vais pas vous en dire l’issue, mais nous avons trouvé un arrangement avec les défendeurs, et nous estimons avoir gagné.

Si on vous avait laissé faire, vous auriez pu faire aboutir à des verdicts de culpabilité ?
(Long silence). Si je réponds non, cela voudrait dire que je n’ai pas d’estime de soi. Si je réponds oui, cela voudrait dire que je suis prétentieux. Donc je préfère ne pas vous répondre. (Gros éclat de rire).

Votre client John McAreavey est optimiste devant les derniers développements ?
Optimiste, je ne sais pas. Mais il est encouragé. Il est au moins satisfait que l’affaire n’a pas été laissée aux oubliettes. Il faut comprendre que quand justice sera rendue, ce ne sera pas uniquement à John McAreavey. Il y a également la très populaire famille Harte ; le père et les trois frères de Michaela. Ils attendent tous d’obtenir la vérité un jour. Ils n’ont jamais abandonné cette lutte.

Et vous, vous êtes «hopeful» ?
Je n’aime pas me prononcer et prédire. Je suis les développements de très près pour voir ce qui va se passer.

Me Ravi Rutnah, l’avocat de Sandeep Moonea, annonce qu’il va réclamer un mandat d’arrêt contre votre client et il appelle la police à orienter son enquête vers lui…
Durant le procès, Rama Valayden avait vainement tenté d’accuser mon client avec une vidéo CCTV. Or ce n’était pas mon client et feu le juge Feknah avait complètement discarded cet élément. Ce n’est pas la première fois que les avocats de la défense tentent cette stratégie de diversion. Voilà pourquoi Maurice a mauvaise réputation. Mon client est au courant et il me demande de poursuivre Me Rutnah. Mais j’ai moi-même été l’avocat de ce dernier et je dois réfléchir aux suites que je donnerai aux instructions de mon client.

Sinon, Ashok Jugnauth, vous avez de ses nouvelles ? (NdlR : Il était un des membres fondateurs de l’Union Nationale, parti de l’oncle de Pravind Jugnauth, allié au MMM en 2010 et  au PTr en 2019).
(Il fait littéralement un revers de la main comme pour balayer la question). Pfff. Je ne sais pas. L’interview est finie. (Et il se lève en riant).