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Cemile Sancak | Cheffe du FMI à Maurice: «la BOM doit se désengager totalement du MIC»

11 mai 2022, 20:45

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Cemile Sancak | Cheffe du FMI à Maurice: «la BOM doit se désengager totalement du MIC»

Après sa mission de deux semaines, la délégation du Fonds monétaire international a réuni la presse, hier. Dans son état des lieux de la situation financière du pays, elle analyse la dette publique et demande à la Banque centrale de se désengager de la MIC pour garder son indépendance et séparer la politique fiscale de la politique monétaire.

Faut-il s’inquiéter du niveau d’endettement de Maurice ? Oui et non, affirme la délégation du Fonds monétaire international (FMI), soutenant que le seuil acceptable de 60 % pour la dette publique ne constitue pas le bon paramètre, compte tenu du niveau de développement de Maurice. Répondant à une question, Cemile Suncak a déclaré que Maurice a une capacité d’endettement de 80 % du Produit intérieur brut (PIB). En revanche, au terme de sa visite de 15 jours, la chef de la délégation du FMI note que l’économie se remet progressivement de la pandémie avec la plupart des secteurs revenant aux niveaux d’activité économique prépandémiques. Par ailleurs, elle insiste pour que la Banque de Maurice (BoM) se retire de l’actionnariat de la Mauritius Investment Corporation (MIC) et que celle-ci soit reprise par le gouvernement ou la Banque de développement (DBM).

Face à la presse, hier après-midi, pour communiquer dans les grandes lignes le bulletin de santé de l’économie, Cemile Sancak, qui a dirigé la mission du FMI à Maurice du 27 avril au 10 mai pour mener des discussions en vue des consultations de 2022 au titre de l’Article IV, prévoit une croissance de 6,1 % pour l’année calendaire 2022 et de 4 % pour l’année 2021. Par ailleurs, l’inflation, souligne-t-elle, continuera à prendre l’ascenseur, atteignant jusqu’à 11,5 % en 2022, en raison de la flambée des prix du carburant et des denrées alimentaires, de la dépréciation de la roupie et de la reprise de la demande domestique.

La guerre en Ukraine a influé négativement sur les projections de croissance, en raison des perspectives faibles chez les partenaires commerciaux et celles moins optimistes des flux touristiques mondiaux ainsi que la détérioration des termes de l’échange. Néanmoins, la reprise devrait se poursuivre, tirée essentiellement par le secteur du tourisme. La mission s’attend à ce que les arrivées touristiques atteignent en 2022 environ 60 % des niveaux prépandémiques (c’est-à-dire, un peu plus de 800 000 touristes), donc loin de l’objectif du million de touristes attendus. À cet effet, elle pense que la connectivité aérienne devra être améliorée pour soutenir efficacement la reprise et rappelle que pour 100 000 touristes qui foulent le sol mauricien, il faut compter une hausse de la croissance de 0,6 %.

«La Banque de Maurice doit se désengager totalement de la Mauritius Investment Corporation.»

Face à la hausse des prix du carburant et des denrées alimentaires, la mission recommande de protéger la population vulnérable à travers des prestations ciblées. «Je suis contre l’augmentation des subventions car elles bénéficient plus aux gens aisés qu’à ceux qui les méritent véritablement», remarque la cheffe de délégation. Elle estime qu’avec la consolidation de la reprise, un nouvel assainissement du Budget est nécessaire pour restaurer l’espace budgétaire et assurer la viabilité de la dette.

La dette publique, qui a considérablement augmenté au milieu de la pandémie, devrait rester à des niveaux élevés à moyen terme. Alors que l’économie sort de la pandémie, le rétablissement de règles budgétaires, y compris un ancrage de la dette à moyen terme, contribuerait à préserver la viabilité budgétaire et à réduire les vulnérabilités de la dette, tout en offrant une certaine flexibilité pour faire face aux chocs. À cet effet, elle indique que la dette publique devrait atteindre 92 % du PIB au terme de la présente année fiscale pour passer à 88 % du PIB à la même période l’année prochaine. La réforme du système de retraite reste une étape cruciale pour soutenir la viabilité budgétaire. Tout plan d’assainissement à moyen terme devra remédier l’écart entre les dépenses liées à la retraite et les recettes qui en découlent. La mission recommande un assainissement par le biais de mesures crédibles en recettes et dépenses.

L’objectif de réduire le volume de la dette publique ne devrait pas justifier le déploiement de financement quasi fiscal, tel que celui de la MIC. Cemile Sunkak faisait certainement allusion au financement de la MIC dans Airport Holdings. Elle estime que si les mesures quasi fiscales peuvent aider à réduire la dette à court terme, elles peuvent retarder les mesures budgétaires fondamentales et entraîner de nouvelles pressions à moyen et long termes.

L’amélioration de l’efficacité de la politique monétaire et la sauvegarde de l’indépendance de la Banque centrale doivent rester des priorités, insiste la cheffe de la délégation du FMI. La BoM s’est engagée à moderniser son cadre opérationnel et la mission recommande que ce nouveau cadre soit établi le plus tôt possible. Un resserrement de l’orientation de la politique monétaire serait approprié pour contrôler l’inflation et contrer le désancrage des anticipations d’inflation et des effets de second tour.

Conformément à la loi régissant la BoM, le FMI est catégorique. Le gouvernement, dit-elle, doit couvrir les pertes liées aux opérations monétaires de la BoM, qui pourraient se matérialiser par l’augmentation des coûts relatifs à la mise en œuvre de politiques à court et moyen termes. «Pour soutenir la crédibilité de la politique et supprimer le risque de crédit inutile du bilan de la BoM, la mission recommande à la BoM de renoncer à sa participation à l’actionnariat de la MIC et à la MIC de restituer les financements non-décaissés à la BoM et d’éviter le financement quasi fiscal.»

L’appartenance de la MIC par la BoM, ajoute-t-elle, pèse sur son indépendance et brouille la séparation de la politique fiscale de la politique monétaire. En outre, note Cemile Sancak, la MIC est en concurrence directe avec le secteur financier pour certains projets louables. «La diversification de l’économie restera essentielle pour soutenir la reprise et l’aspiration de Maurice à devenir un pays à revenu élevé. Pour y parvenir, les autorités doivent envisager des options politiques pour réduire la pénurie de travailleurs qualifiés», constate également la mission.