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Les banques mauriciennes au ministre des Finances : «Difé divan !»
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Les banques mauriciennes au ministre des Finances : «Difé divan !»
Dans un mémoire pré-Budget 2022-23, la Mauritius Bankers’ Association (MBA) tire la sonnette d’alarme sur la situation financière du pays. Elle attire l’attention du ministre des Finances sur les risques d’abaissement de Moody’s et de son impact sur les banques mais aussi sur la juridiction des services financiers. Elle appelle à des mesures urgentes pour éviter le pire au secteur bancaire.
De grandes attentes budgétaires pour booster la croissance des services financiers et une volonté de positionner ce secteur à un nouveau palier de son développement. La MBA est fermement déterminée à mettre le paquet pour inviter l’exécutif, plus particulièrement le Trésor public à prendre conscience, entre autres défis, des dangers d’un éventuel downgrading de la notation souveraine et à perdre dans la foulée l’unique atout de marketing de la juridiction mauricienne. D’où l’appel du pied au Grand argentier pour qu’il apporte des mesures urgentes pour éviter le pire dans ce secteur.
En somme, l’association que dirige Daniel Essoo part du postulat que les services financiers sont stratégiquement les exportateurs les plus fiables de l’économie du pays, ayant été porteurs de croissance même durant la crise du Covid. Dans un tel contexte, doper les exportations génératrices de de- vises étrangères pour le pays constitue une démarche dans la stabilisation du marché forex tout en aidant à réduire les risques inflationnistes. De plus, ce secteur offre un équilibre critique à la balance des paiements dans une conjoncture où les coûts à l’import sont condamnés à prendre l’ascenseur.
Du coup, la MBA estime que la croissance de ce secteur demeure la priorité des priorités dans la stratégie de reprise économique enclenchée actuellement par le gouvernement. Dès lors, le maintien de l’investment grade de Maurice demeure une condition essentielle pour Maurice qui jouit de la réputation d’un centre financier international de premier ordre, le seul de sa catégorie en Afrique sub-saharienne. Ce qui est visiblement une caractéristique fondamentale pour séduire les investisseurs.
Or, en sus de l’abaissement par Moody’s en mars dernier à Baa2, la note du pays, assortie d’une perspective négative, l’agence de notation internationale a parallèlement revu la notation de trois banques commerciales, dont seule une, la MCB, a retenu sa note d’investissement de qualité alors que la prochaine révision devrait être en avril 2022.
Nouvelle dégradation par Moody’s ?
Cela amène la MBA à affirmer que sur cette trajectoire, le risque est réel que la note souveraine du pays soit une nouvelle fois abaissée à Baa3, soit la dernière note de l’investment grade. Résultat, les banques commerciales déjà notées pourraient subir une nouvelle dégradation, occasionnant ainsi la possibilité qu’aucune banque commerciale ne détienne une note de Moody’s.
Quid des implications dans une telle éventualité ? La MBA est catégorique : une telle possibilité, dépendant évidemment de la perspective notée par Moody’s, entraînera «a loss of existing and new business» dans le secteur. Pour preuve, la MBA rappelle que de nombreux clients, plus particulièrement des investisseurs institutionnels de haut niveau, traitent seulement avec des institutions notées. De plus, les investisseurs institutionnels de ces banques, ceux qui ont pris le temps de se bâtir une réputation sur une décennie et qui ont pris le pari de rester dans la juridiction mauricienne malgré la révision du traité fiscal avec l’Inde et la perte de certains avantages, comme l’exemption de la Capital Gains Tax, pourraient en conséquence délaisser le centre financier, portant préjudice potentiellement à la base de dépôts des banques et affectant leur liquidité en devises.
Pour la MBA, il n’y a pas mille solutions. Il faut impérativement adapter les mesures fiscales aux exigences de Moody’s. Il est fondamentalement important, souligne l’association, que Maurice prenne toutes les mesures nécessaires pour éviter qu’elle ne perde sa note d’investissement même si elle se réjouit de l’engagement régulier entre les deux parties. Car l’appréhension est grande que la prochaine révision pourrait déboucher sur une dégradation de sa note. Dans un tel cas, il serait urgent pour le gouvernement d’adapter sa stratégie et de s’assurer en même temps que les critères d’évaluation de Moody’s soient améliorés. Entre-temps, le gouvernement doit entreprendre un exercice d’évaluation pour chiffrer les conséquences de cette dégradation de la note d’investissement des banques sur le PIB et analyser pourquoi Maurice ne peut se permettre de perdre sa note d’investissement.
Mais il n’y a pas que les risques de dégradation de la note d’investissement de l’agence Moody’s. Sur le front du Global Business, d’importants défis se profilent à l’horizon. La MBA note que depuis l’élimination de sa principale clause d’attraction dans le sillage des amendements du traité de non-double imposition fiscale avec l’Inde et de sa stratégie de repositionnement sur le marché africain, Maurice a dû batailler dur pour dégager une politique cohérente de value proposition à un marché plus élargi.
En outre, Maurice a fait l’objet ces cinq dernières années d’une mauvaise publicité. C’est le cas de la décision du Global Financial Centres Index, préparé par la City of London et le China Development Institute, de dégrader le centre financier dans son édition du 24 mars dernier. En septembre 2019, la juridiction était classée à la 40e place et en 2022, elle est passée de la 73e place à la 87e sur 119 pays récencés. Aujourd’hui, selon la MBA, Maurice est dépassé par Dubaï (17e), Abu Dhabi (31e), Mumbai (50e ), Casablanca (54e ), Cape Town (55e ) et Johannesburg (56e ). Le rapport identifie, par ailleurs, la Gujarat International Financial Tech-City comme le principal centre porteur de croissance, avec le centre de Kigali à la 6e position juste devant le New York Financial Centre.
Le rapport compare les notations de Maurice de mars 2019 et mars 2022, tout en identifiant les faiblesses de la juridiction mauricienne, notamment son manque de compétitivité par rapport à ses principaux concurrents et la régression dans trois des cinq secteurs industriels, dont les services professionnels, les banques et l’investissement. Comme principale recommandation pour booster les services financiers, la MBA plaide en faveur de la création d’une structure dédiée dotée d’un leadership fort, réunissant tous les stakeholders du public et du privé pour développer et piloter un plan stratégique avec des indicateurs clés de performance.
Mais le constat est plus grave : c’est le business model obsolète du Global Business à Maurice qui, dépendant largement sur sa fiscalité légère, est incapable de se réinventer dans la nouvelle configuration du secteur et de dynamiser son marché. Avec l’application prochaine de la Global Minimum Tax, proposée par le Fonds monétaire international, la Banque mondiale, l’OCDE et maintenant les États-Unis, le secteur est confronté à une menace existentielle avec à la clé des perspectives de contraction. La MBA précise ainsi que tout le travail réalisé en 2017-18 dans le Blueprint pour les services financiers doit maintenant être revu.
Un message somme toute clair qui s’adresse aux autorités engagées dans la promotion du secteur et plus urgemment au ministre des Finances avec des propositions qui devraient figurer dans son troisième exercice budgétaire.
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