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Torture de suspects: pourquoi la police n’a rien fait depuis 2020…

31 mai 2022, 22:00

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Torture de suspects: pourquoi la police n’a rien fait depuis 2020…

Le député Ehsan Juman se dit choqué que le taser soit utilisé comme instrument de torture. Cette arme, qui fait très mal mais qui ne laisse normalement point de trace, a été utilisée par des policiers en civil sur au moins trois personnes, dont Christopher Pierre-Louis. Si Ehsan Juman demande au bureau du DPP d’initier une enquête judiciaire, et non à la police d’enquêter, car il juge que cette dernière n’a rien fait depuis 2020 lorsqu’elle avait pris connaissance de ces vidéos, c’est pour prévenir tout cover-up et pour rassurer tous ceux qui veulent donner des informations à ce sujet et qui craignent des représailles. 

Cependant, les policiers de la Criminal Investigation Division (CID) de Terre-Rouge, auteurs soupconnés de ces tortures, ne semblent pas avoir été inquiétés ni même interrogés pendant tout ce temps. Jusqu’à hier… Contacté, Ehsan Juman nous dit qu’il demandera au Premier ministre combien de tasers possède la force policière ; quand a-t-on acheté ces armes ; combien ont-elles coûté ; et surtout qui sont ceux de la police qui y ont accès ; ontils suivi une formation pour en maîtriser l’usage ? Ehsan Juman compte aussi demander au chef du gouvernement s’il avait été mis au courant du contenu de cette clé USB par l’ancien commissaire de police, Khemraj Servansingh, clé USB remise par Rama Valayden. 

Selon l’inspecteur Shiva Coothen, du Police Press Office, Rama Valayden avait bien remis une clé USB contenant ces vidéos au commissaire de police de l’époque, Khemraj Servansingh, en 2020. Et celui-ci l’a remise au Central Criminal Investigation Department (CCID), sans qu’il nous donne le nom d’un officier ou de l’agent en particulier. 

Joint au téléphone, l’ex-commissaire Servansingh reconnaît que lors de sa rencontre avec les membres des «Avengers», Mᵉ Valayden lui avait bien parlé d’une clé USB, et qu’il avait demandé à celui-ci de la remettre à l’inspecteur Shiva Coothen. «Si j’avais su la gravité du contenu de ces vidéos, j’aurais non seulement demandé une enquête sur le champ mais j’en aurais fait un suivi pour m’assurer que les auteurs de ces tortures soient suspendus en attendant que l’enquête aboutisse.» Il nous explique qu’il reçoit quotidiennement des lettres, documents et autres clés USB et qu’il ne peut tout examiner ; il les réfère ainsi au département concerné. 

L’inspecteur Shiva Coothen confirme qu’une enquête a été ouverte depuis 2020. Pourquoi alors les policiers qu’on voit dans les vidéos n’ont-ils pas été arrêtés pendant tout ce temps ? «Il faut attendre l’enquête.» Ils n’ont même pas été suspendus, en attendant la fin de l’enquête ? Même réponse : «Il faut attendre.» L’enquête prend-elle autant de temps ? «Oui, c’est long…» Oui, on savait que certaines enquêtes prennent du temps. Mais les vidéos ne sontelles pas explicites et suffisantes ? Et là, on nous sort une explication incroyable. «Rama Valayden nous avait remis cette clé USB. Mais quand on l’a appelé pour faire une déclaration, il n’est jamais venu. Ni les témoins.» Quels témoins ? «Ceux qui ont posté ces vidéos sur Facebook…» 

Mais il n’y avait pas de post sur Facebook en 2020 et 2021, on parle de clé USB, non ? «…» Mais, insistons-nous, «les vidéos ne montrent-elles pas clairement l’identité des auteurs et les victimes de ces tortures ?» Pour moins que cela, n’a-t-on pas jeté plusieurs personnes en cellule policière ? «Allez demander plutôt à Rama Valayden pourquoi il n’a pas fait de déclaration», répète l’inspecteur Shiva Coothen, comme un leitmotiv. Qui ajoute que Kailash Derochoonee est déjà suspendu. «Comment suspendre un policier déjà suspendu ?» nous demande-t-il. Mais c’est pour une autre affaire, de pot-de-vin ? lui avons-nous fait remarquer. Pas de réponse. 

Sollicité hier, juste avant son arrestation, Kailash Derochoonee nous a juste fait savoir qu’il n’a jamais été interrogé sur l’affaire de torture. On apprendra dans l’après-midi que sept policiers impliqués ont été… transférés. Et trois arrêtés, y compris Derochoonee. Ce qui laisse penser que les autorités policières ont attendu que la vidéo soit rendue publique pour réagir. 

L’avocat Sanjeev Teeluckdharry nous rappelle le dicton utilisé en Inde : «A problem postponed is a problem solved.» En tout cas, certains membres de l’opposition comme Ehsan Juman et des avocats et autres organisations non gouvernementales ne comptent pas lâcher l’affaire. La police renvoie-t-elle la balle à MᵉValayden, lui qui l’a pourtant alertée ? Et si la police reçoit anonymement une vidéo montrant des actes de violence commis par un citoyen lambda, rangera-t-elle cette preuve en attendant que le lanceur d’alerte se pointe ? Pas de réponse. 

Rama Valayden et un autre avocat des «Avengers» maintiennent qu’ils ont bien remis la clé USB à l’inspecteur Shiva Coothen, à la demande de Khemraj Servansingh. Nous avons rappelé Shiva Coothen, qui nous a dit ceci : «Oui, j’ai bien reçu la clé USB que j’ai remise à l’ex-commissaire Khemraj Servansingh qui l’a remis au CCID.» Las de ce match interminable de ping-pong, nous avons arrêté là nos investigations. 

Par ailleurs, interrogé sur les tasers, l’inspecteur Shiva Coothen avance que la police n’utilise pas cette arme et ne l’a pas achetée. Toutefois, on apprend que certains éléments de la CID et de l’ADSU l’utiliseraient même si cette arme est illégale. Comment s’en sont-ils procurée ? C’est la grande question.

 

Une deuxième victime identifiée: la maman de David Jolicoeur dévastée

<p>Consternation. Stupéfaction. La famille de David Jolicoeur a visionné les vidéos choquantes de torture, impliquant des policiers, qui circulent sur les réseaux sociaux. Et, il fait partie des victimes qui ont été torturées par les officiers de la CID de Terre-Rouge&hellip;&nbsp;</p>

<p>Le jeune homme de 28 ans, habitant Baie-du-Tombeau, avait été arrêté le 27 décembre 2018 après le meurtre d&rsquo;un vigile de 86 ans. Ce dernier avait été tué sur son lieu de travail, à Riche-Terre. Selon la famille de David Jolicoeur, surnommé <em>&laquo;Bully&raquo;</em>, les policiers avaient procédé à son arrestation alors qu&rsquo;il était dans la rue. <em>&laquo;Zonn trenn li, bat li. Sa zour-la, so savat in res lors simé&raquo;</em>, relate la mère de David Jolicoeur, âgée de 55 ans. <em>&laquo;Linn toulétan dir nou li pa konn nanié dan sa case-la. Mé li finn bizin avoué telman li ti pé sibir&hellip;&raquo;&nbsp;</em></p>

<p>Dans la vidéo, David Jolicoeur est aperçu près d&rsquo;une rivière sise dans la région de Terre-Rouge. Les policiers utilisent la force pour l&rsquo;intimider et l&rsquo;humilier. C&rsquo;est son petit frère qui a appris, à travers des amis, qu&rsquo;une vidéo dans laquelle on voit son aîné circule sur<em> Facebook. &laquo;So bann kamarad inn démann li si linn trouv so frer lor bann vidéo-la. Linn vinn lakaz, linn rodé lor portab, lerla anmem tan mo tifi ousi pé avoy nou&hellip;&raquo;</em> raconte la quinquagénaire.&nbsp;</p>

<p>Elle confie que toute leur vie a basculé depuis cette arrestation. <em>&laquo;Mo bwar zis dité enn zourné. Manzé mo pa kapav manzé. Aster mazinn ou nou soufrans dépi nou finn trouv sa bann vidéo kot bannla pé tortir li-la. Sa bann dimounn-la inn al lékol lapolis, zot azir koumsa ar zanfan dimounn?&raquo;</em> lâche sur un ton amer la maman de David Jolicoeur. La compagne de ce dernier était qui plus est enceinte au moment de son arrestation&hellip; David Jolicoeur est en détention préventive à la prison de Melrose. La dernière fois qu&rsquo;il a parlé à sa famille, c&rsquo;était le dimanche 22 mai. Avant que les vidéos ne soient diffusées, donc&hellip;</p>