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Policiers tortionnaires: un mélange dangereux de sadisme et d’immaturité

3 juin 2022, 16:00

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Policiers tortionnaires: un mélange dangereux de sadisme et d’immaturité

Depuis la révélation des pratiques barbares et sadiques de certains policiers, nombre de personnes, au-delà du choc, se demandent ce qui peut pousser un humain, qui plus est, censé être du côté de la justice, à agir de la sorte envers son prochain. Qu’est-ce qui explique ce comportement ?

La violence policière fait la une de l’actualité depuis le week-end passé. Dans les nombreuses vidéos publiées sur les réseaux sociaux, les actes de torture, les unes plus violentes que les autres, semblent amuser et titiller ces policiers tortionnaires. Est-ce du sadisme ? Un abus de pouvoir ?

Pour le psychologue Sarvesh Dosooye, plusieurs facteurs peuvent expliquer un tel comportement, et aucun d’entre eux n’est positif. Premièrement, explique ce dernier, il y a l’effet de groupe. Lorsqu’une personne est au sein d’un groupe, elle peut soit suivre et sentir qu’elle fait partie de la bande, soit ne pas suivre et être exclue. Cet effet est accentué lorsque le supérieur fait partie du groupe. «La personne se sent alors obligée de suivre. C’est un phénomène naturel. Lorsqu’un leader fait quelque chose, les autres suivent. On peut aussi parler d’identité sociale. Les policiers pensent qu’ils sont investis d’une mission – faire régner l’ordre et éliminer le mal ; un syndrome de “superhéros”. Dès lors, les limites deviennent floues et il est facilement possible de les outrepasser.»

Ibrahim Koodoruth, senior lecturer en sociologie et criminologie à l’université de Maurice, abonde dans le même sens. Il ajoute cependant que le fait même qu’il y ait des supérieurs dans le groupe et pas d’autres cadres qui supervisent ces enquêteurs, ils se sentent en position de chevrons. «Ils savent qu’il n’y a pas de police des polices. Depuis le début ils ont été formés pour utiliser la force.»

Pour la docteure en sciences psychologiques et psychologue, Anjali Boyramboli, ces vidéos nous poussent à nous poser des questions, indique-t-elle. «Est-ce que des punitions profondément humiliantes sont perpétrées justement contre ceux qui ne sont pas liés à des réseaux forts, et ceux qui bénéficient de contact ont le droit à un autre traitement policier ? À la suite de ces actes violents, l’autorité de la police est remise en question et ne peut fonctionner que s’il y a sécurité, confiance, crédibilité, fidélité.»

En ce qui concerne le choix des policiers de torturer ces personnes nues, les trois professionnels s’accordent : il s’agit d’un choix calculé car ils veulent rendre les victimes vulnérables. «Ils passent par l’humiliation pour avoir des aveux car ils savent que la personne est repliée sur elle-même lorsqu’elle est nue», indique Ibrahim Koodoruth.

Sarvesh Doosoye ajoute que cela démontre aussi un certain manque de maturité qui s’ajoute au stress, à la frustration et sans doute aussi à un problème d’estime de soi. «Se défouler sur une personne «inférieure» peut donner à l’individu l’impression qu’il exerce une domination sociale. Cet acharnement rehausse l’estime de soi car la personne se dit qu’elle n’est pas dans la position du dominé. Il y a aussi de la frustration et du stress qui enveniment les choses. La frustration doit sortir à un moment. La frustration fait que la personne a besoin de s’affirmer, quitte à dénigrer une personne sexuellement. Je ne dirais pas que les policiers sont immatures, mais il y a quand même un manque de maturité!»

Humiliation affligeante

Tout cela sans penser à ce que les victimes ressentent car ils réagissent par leurs émotions uniquement. D’ailleurs, la Dr Anjali Boyramboli explique qu’en effet cela peut se définir comme une sorte de sadisme. Elle explique que les jeunes de son cours à l’université ont d’ailleurs évoqué cela et sont révoltés contre cette humiliation affligeante et en parlent longuement durant les cours de psychologie. «Les victimes nues, je peux vous le dire, subiront un traumatisme psychique avec troubles psychologiques qui vont forcément persister plusieurs années. Ils nécessiteront alors une aide psychologique à la suite d’une expérience aussi humiliante, traumatisante pour remonter la pente.»

Mais y a-t-il une solution ? Pour Ibrahim Koodoruth et Sarvesh Doosoye, il faut revoir la formation et il s’agit d’un long chemin. Face à ces cas de torture, la Dr Boyramboli soutient qu’il faut être proactif. Il ne faut pas attendre que des actes similaires se produisent, mais cela nécessite des sessions d’entraînement psychologique régulières, la gestion des émotions au travail, les conditions de stress, la surcharge de travail, la santé psychologique des intervenants, mais aussi faire la différence entre la profondeur des maux sociaux et s’abstenir d’avoir recours à la violence physique dans n’importe quel cas.

Ainsi, pour créer un climat positif et restaurer l’image de la force policière, il est important de garder à l’esprit qu’il n’y a pas de formule magique. Tout dépendra des valeurs et de la vision de nos hommes en uniforme et de l’intérêt qu’ils porteront aux Mauriciens.