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Torture policière | Formation: à l’école de la violence

5 juin 2022, 20:00

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Torture policière | Formation: à l’école de la violence

Avnish (prénom d’emprunt) a été recruté par la police il y a quelques années. Si en recevant une réponse positive à sa demande, toute sa famille et lui se sentaient fiers, il n’a pas fallu longtemps avant que ce jeune homme ne déchante en entrant à l’école de police pour la formation. Il révèle que le bizutage et la violence étaient tellement horribles qu’il a décidé de tout arrêter. «Depuis le premier jour où on est arrivé, certains policiers ont commencé à nous maltraiter. Pour nous faire comprendre qu’ils sont les chefs.»

Coups de bâton et de serviettes mouillées, moqueries, insultes, claques sur les fesses ou sur la tête, Avnish avoue avoir subi tout cela pendant plusieurs semaines. «Je ne suis pas trop musclé comparé à certains. Et ils prenaient un malin plaisir à me maltraiter. Quand je ne pouvais pas faire certaines choses, ils m’humiliaient devant tout le monde. Je n’ai pas pu continuer. J’ai préféré arrêter.» Le jeune homme confie que jusqu’aujourd’hui, sa famille pense que c’est parce qu’il a fait quelque chose de mal qu’on l’a renvoyé. «J’avais trop honte de dire que j’ai préféré quitter de mon plein gré parce qu’on m’humiliait.»

Même s’il avoue n’avoir jamais subi d’atroces tortures physiques, que c’était davantage psychologique, Avnish dévoile toutefois qu’il n’a jamais oublié tout cela. Selon lui, l’école de police en elle-même enseigne la violence pour parvenir à ses fins. «Donc il ne faut pas s’étonner si aujourd’hui il y ait tant de policiers violents. Tout commence à la racine.»

Des propos que soutient le chargé de cours en sociologie et criminologie, Ibrahim Koodoruth. Selon lui, cette «culture de violence des policiers commence sans aucun doute dès la formation». Ces formations, justement, doivent être revues. «On comprend par ces comportements qu’ils n’ont pas été formés comme il se doit, qu’on ne leur a pas appris à obtenir des aveux, entre autres, sans utiliser la violence.» Pour Ibrahim Koodoruth, les violences policières dont l’île Maurice est témoin n’est qu’un effet domino de ce que ces policiers ont appris d’autres policiers. Il faut y ajouter les frustrations et le manque de soutien psychologique.

Psychologue sur papier

Un officier de police, qui, lui, est toujours en service, confie que les récents événements l’ont terriblement affecté. Il confirme que les entraînements sont durs. Cela a entraîné beaucoup de frustrations chez certains, qui, par la suite, étant devenu policier, les déversent sur les suspects. «Pour montrer aux autres qu’il sont devenus des ténors aussi.» Un autre policier ajoute pour sa part qu’on les forme pour les solidifier certes, mais malheureusement de manière à devoir réprimer leurs émotions. «Ils pensent que dans la formation, il faut intégrer une espèce de software interne pour vous dire que vous n’avez pas le droit de penser ou de réagir différemment.»

Ce dernier explique que chaque once d’émotion, d’humanité à l’égard des suspects est considérée comme une «faiblesse». «Kan ou dir hey, pa bon fer sa sipaki, zot pou imilié ou, dir ou ‘koumsa tonn pas trainiong twa’». C’est surtout le cas au sein de la Criminal Investigation Division ou de la Major Crime Investigation Team. «Il faut être ou passer pour un dur ou vous vous retrouvez sur le banc de touche.» Selon nos interlocuteurs, le manque d’accompagnement psychologique contribue aussi grandement à la violence policière. «Il y a les situations difficiles auxquelles nous faisons face chaque jour. Des scènes de crime atroces. Nous mettons nos vies en danger au quotidien, il ne faut pas l’oublier. Puis, il y a la frustration concernant les promotions, entre autres. Ils se sentent impuissants et n’ont personne à qui parler.»

D’ajouter que «les psychologues n’existent que sur papier. On dit qu’il y en a mais cela est faux»…