Publicité
Louis Rivalland: «L’impact du premier confinement sur les marchés financiers a engendré une baisse de nos actifs»
Par
Partager cet article
Louis Rivalland: «L’impact du premier confinement sur les marchés financiers a engendré une baisse de nos actifs»
Le groupe Swan vient de compléter un nouveau cycle d’engagement sur le marché des changes et celui des capitaux. Il est aussi engagé dans une multitude d’activités économiques, dont l’assurance générale, l’assurance vie, la gestion du patrimoine, les pensions et l’actuariat, le conseil en investissement. Comment rebondir et tirer les leçons d’événements inconnus et imprévus ? Explications du CEO du groupe.
La soudaine émergence de la pandémie de Covid-19 et l’invasion de l’Ukraine par la Russie ont provoqué une véritable rupture dans l’ordre mondiale existant et ont constitué un défi pour tester la résilience des économies et des activités économiques. Quel a été l’impact de ces deux phénomènes sur votre groupe ?
Ces deux événements ont définitivement impacté les économies des pays, démontrant leur vulnérabilité face aux imprévus internationaux. Il faut cependant bien différencier l’impact du Covid-19 du conflit géopolitique Ukraine-Russie. La pandémie a mis les systèmes de santé publique à rude épreuve avec des conséquences malheureuses sur la vie de millions de personnes. Elle a aussi déstabilisé le système économique mondial avec l’interruption plus ou moins longue des activités économiques, l’arrêt de la production et des perturbations dans les chaînes de distribution, qui ont entraîné une hausse des prix de bon nombre de produits. L’invasion de l’Ukraine par la Russie, couplée aux sanctions économiques internationales qui ont suivi, a provoqué une pénurie de certains produits et l’escalade des prix du pétrole.
Les marchés financiers ont été sévèrement impactés, entraînant une inflation importante des prix des commodités. Notre équipe d’investissement suit la situation de près et conçoit déjà des scénarios pour protéger le groupe et nos clients des possibles conséquences. L’impact du Covid-19 sur les marchés financiers à la suite du premier confinement a engendré une baisse de nos actifs. Une gestion active par notre équipe de Swan Wealth Managers (SWM) et une reprise graduelle des marchés nous ont cependant permis de remonter la pente rapidement et de réaliser des performances très satisfaisantes.
Comment l’adaptation s’est-elle faite au niveau de vos opérations ?
Sur le plan opérationnel, nous avons efficacement accéléré l’instauration du travail à domicile et des horaires flexibles pour trouver le bon équilibre et offrir le meilleur service à nos clients et un environnement de travail sécurisé à nos employés, Aujourd’hui, nous encourageons les équipes à se remettre en question et à constamment se réinventer pour concevoir des solutions en tenant compte des différents paramètres de tous les éléments économiques et sociaux.
«On n’est pas à l’abri d’une autre secousse car depuis la crise financière de 2008, l’environnement socio-économique est devenu plus instable.»
Ces deux événements ont contraint les têtes pensantes de l’économie mondiale à revoir leur copie pour tirer le meilleur profit d’une stratégie de rebond. Quelles sont les leçons que le pays pourrait tirer de ses événements ?
Il y a plusieurs leçons à tirer de ces événements, surtout pour un pays comme le nôtre. Tout d’abord, il faut envisager la diversification de l’économie et prévoir d’autres sources de revenus pour réduire la dépendance d’un secteur spécifique, tel que le tourisme, qui a été très impacté par les confinements et fermetures des frontières. On n’est pas à l’abri d’une autre secousse car depuis la crise financière de 2008, l’environnement socio-économique est devenu plus instable. Nous sommes sortis d’un extrême déflationniste pour passer au spectre hyper-inflationniste. Tout cela nous pousse à dire qu’il faut save for rainy days afin d’avoir un matelas de protection et se donner les moyens d’être agile en cas de pépin.
Dans les prochains exercices budgétaires, il faudra trouver le bon équilibre entre le niveau d’endettement, le déficit budgétaire, la balance des paiements et les investissements infrastructurels. Trouver cet équilibre n’est pas une mince affaire car en économie, tout a un trade-off. Un exemple probant est la situation aux États-Unis ; face à la menace inflationniste, la banque centrale a rehaussé les taux d’intérêt avec comme résultat un coût de financement plus cher. Une situation qui a débouché sur un ralentissement de l’activité économique et un Produit Intérieur Brut (PIB) en décroissance au premier en décroissance lors du premier semestre 2022.
Face aux effets de cette situation, votre groupe s’est-il cantonné par prudence à une situation de «business as usual» ou s’est-il orienté au contraire vers la recherche de nouvelles voies de sortie ?
Dans une telle situation, personne n’a intérêt à adopter la posture de business as usual. Nous avons tous été surpris par la pandémie et les tragédies qui ont suivi. Au sein de notre groupe, face à cette situation exceptionnelle, nous avons pu voir nos équipes en action, encore plus vigilantes et constamment aux aguets. Cette épidémie a renforcé notre capacité d’adaptation, une compétence clé en période de crise. L’esprit d’équipe a été à son apogée ; nous avons travaillé tous intensivement et en parfaite concordance. Depuis 2008, nous étions déjà en phase d’évolution, où nous avons encouragé la consolidation des expertises, l’innovation et la digitalisation. Nous avons également élargi les responsabilités des gestionnaires de risques et la mise en place de business continuity plans. La pandémie a boosté l’anticipation, l’innovation et la création de nouveaux réseaux. Nous avons aussi développé de nouveaux partenariats et de nouveaux modèles collaboratifs. La clé de notre stratégie, c’est de nous entourer d’équipes de professionnels motivés et déterminés, tant en interne qu’en externe, pour passer le cap de la crise. Ces événements ont eu un impact sur les marchés financiers et, par ricochet, sur nos actifs et nos taux de rendement. Heureusement que nous avons une approche diversifiée qui permet non seulement une certaine résilience mais aussi une capacité à se prévaloir des opportunités.
«Il faut trouver le bon équilibre entre le niveau d’endettement, le déficit budgétaire, la balance des paiements et les investissements infrastructurels.»
Votre implication dans le marché des capitaux vous a permis d’y effectuer divers types d’offres. Que faire pour inciter le Mauricien à investir davantage sur ce marché ?
Nous, Mauriciens, sommes assez conservateurs dans notre approche à l’investissement financier. On doit donner une plus grande place à l’éducation financière, adopter une approche plus pédagogique sur les solutions financières disponibles et ouvrir davantage l’accès aux produits d’investissement. À part nos solutions personnalisées dont les instruments sophistiqués sont en adéquation avec la stratégie du client, nous proposons des fonds mutuels correspondant à divers profils d’investisseurs, confirmés ou débutants, qui souhaitent accéder aux marchés internationaux tout en bénéficiant d’une gestion active d’experts. Nous misons aussi énormément sur la simplicité et la clarté de nos analyses et de nos recherches sur les marchés financiers pour inciter davantage les Mauriciens à bénéficier des opportunités et proposer un bon système de gestion de la volatilité.
Les assises du groupe se sont renforcées avec la création de SWAN Capital Solutions. Quels types de services l’accompagnent ?
Avec déjà plus de Rs 75 milliards d’actifs sous l’égide de SWM, notamment Rs 5 milliards en levée de fonds à travers Swan Securities Ltd et des actifs de plus de Rs 8 milliards d’emprunts de Swan Life Ltd, la nouvelle identité SWAN Capital Solutions, qui regroupe aussi Swan Corporate Advisors Ltd, offre une panoplie complète de solutions répondant aux besoins spécifiques et sophistiqués de nos clients. Avec le regroupement de nos équipes pour les opérations du marché des capitaux, nous privilégions une approche transversale. Celle-ci propose des solutions financières autour de trois piliers : l’investissement, le financement et le conseil.
Fort de ce nouveau schéma, le client, particulier ou entreprise, aura l’opportunité d’ouvrir un compte unique et d’avoir accès à tout l’éventail d’expertises du cluster Swan Capital Markets en s’appuyant sur des solutions transversales qui prennent en considération tout l’écosystème du client. Les expertises des différentes structures et équipes seront mises à sa disposition pour lui concevoir des solutions financières exhaustives, adaptées, et flexibles qui, de manière pragmatique, intègrent la sophistication des instruments financiers à des besoins de plus en plus complexes.
«Depuis 2008, nous étions déjà dans une phase d’évolution, où nous avons encouragé la consolidation des expertises, l’innovation et la digitalisation.»
Votre intérêt pour les activités liées au change avec l’acquisition imminente d’une compagnie par SWAN Capital Solutions fait-il partie de la stratégie d’expansion du groupe ?
Le repositionnement de notre cluster non-assurance et le lancement de la nouvelle identité font partie d’une stratégie globale de SWAN depuis un certain temps. Cette posture marque le point de départ d’un plan d’expansion qui correspond aux ambitions du groupe. Je suis heureux d’annoncer que l’acquisition de Cim Forex (qui devient Swan Forex Ltd) a abouti. C’est en parfaite adhésion à cette stratégie d’expansion ayant comme mission d’offrir aux clients des solutions interconnectées et des offres combinées. En sus de répondre à une demande croissante de nos clients, tant particuliers qu’institutionnels, offrir une activité de change dans notre éventail de services vient soutenir la croissance des activités financières transfrontalières de notre pôle d’investissement et répond ainsi à nos objectifs d’intégration verticale. Enfin, il y a aussi la possibilité d’explorer d’autres opportunités étant donné que Maurice se positionne géographiquement et stratégiquement comme un centre financier international sans restriction du flux de capitaux et de devises étrangères.
En raison de l’implication grandissante de votre groupe sur le marché des capitaux, le secteur de change n’est pas dépourvu d’intérêt pour vous. Quelle est votre appréciation du rôle de la Banque de Maurice pour lutter contre l’inflation et stabiliser la valeur de la roupie ?
Un des rôles majeurs de la Banque de Maurice est de contenir l’inflation, même si on ne cible pas un taux prédéfini, contrairement aux États-Unis, par exemple, qui doit atteindre 2 % par an. Nos importations sont de l’ordre de 47 % du Produit intérieur brut et bien que le rôle premier de la BOM ne soit pas de maintenir une roupie stable, ses interventions sont plus que nécessaires pour stabiliser les prix. Le marché des devises réagit en fonction des fondamentaux de l’économie mauricienne et des économies internationales. La tendance à long terme de la roupie a toujours été à la baisse depuis l’introduction du régime flottant de la roupie.
D’ailleurs, depuis ce changement en 1982, la roupie s’est dépréciée de 4 à 5 % par an contre le dollar. Le dollar s’achetait à 7 Rs à cette époque ! Depuis le début de la pandémie de Covid-19, la BOM est intervenu comme contrepoids face à l’insuffisance des devises. Malheureusement, comme la demande restait très élevée et qu’en même temps le tourisme ne générait pas d’entrée de devises étrangères, les prix étaient toujours en hausse. Depuis l’intervention de la BOM à la mi-avril sur le marché des devises, l’offre et la demande se sont rééquilibrées, et la roupie est devenue relativement stable. La sortie de Maurice de la liste grise du Groupe d’action financière est également un plus pour assurer cette stabilisation.
Il n’y a pas que l’intervention constante de la Banque de Maurice sur le marché des changes pour stabiliser la valeur de la roupie, il y a aussi l’impact de l’évolution des taux d’intérêt occasionnée par celle du «repo rate». Comment cet outil peut-il contribuer à générer le flux de devises dans le pays ?
Le repo rate détermine, en grande partie, le niveau des intérêts et des rendements sur la dette. Si par exemple, il y a une hausse, les obligations du gouvernement ou celles émises par les entreprises devront offrir des taux d’intérêts plus forts. La conséquence bénéfique de ce scénario est d’encourager les Mauriciens et les étrangers à investir sur le marché local pour générer un flux de devises fortes. Même si cela reste théorique, il faut se rappeler que quand les bons du trésor offraient des intérêts d’environ 12 %, notre roupie était forte. Cependant, une autre école de pensée est d’avis qu’une hausse des taux peut ralentir la reprise de notre économie.
«La clé de notre stratégie, c’est de nous entourer d’équipes de professionnels motivés et déterminés, tant à l’interne qu’à l’externe, pour passer le cap de la crise.»
À Maurice, contrairement aux pays développés, les entreprises et les particuliers empruntent à des taux variables et si, par exemple, le repo rate augmente de 3 %, les paiements mensuels des prêts résidentiels risqueraient d’augmenter jusqu’à 40 % et les emprunteurs se retrouveraient alors dans une situation fort difficile. Enfin, il y a d’autres mesures à plus long terme qui demanderont des changements de notre modèle économique. Car il faut toujours profiter d’une crise pour remettre son modèle économique en question. Les crises internationales ont mis en exergue le fait que l’île Maurice est bien trop dépendante de l’extérieur pour ses produits de base.
Il ne faut pas se voiler la face, un élément qui ne cesse de réduire la valeur de la roupie est le déficit de la balance commerciale occasionné par une trop dépendance sur l’étranger pour certains besoins fondamentaux. Y a-t-il un effort à fournir sur ce plan-là également ?
Il n’est pas interdit d’entrevoir des possibilités sur ce plan, par exemple, une réduction du déficit de la balance commerciale. Le facteur le plus important qui affecte la roupie, c’est notre problème de balance de paiements : l’on importe plus que l’on exporte. Notre déficit de la balance commerciale tournera autour de 31% de notre PIB. Si ce déficit est réduit à moins de 10 %, la roupie pourra souffler. Un exemple de changement de mentalité concerne la consommation de produits pétroliers. Leur financement s’élève à Rs 50 milliards cette année. Il y a moyen de baisser cette note de 50 %, si on met en place des facilités pour des voitures moins gourmandes en carburant, comme les hybrides ou les 100 % électriques. Dans le même registre, l’investissement dans l’agriculture et les énergies renouvelables est primordial pour diminuer ces importations. La consommation et la production locale doivent aussi être encouragées et accélérées ; du moins c’est ce que nous a appris la crise de la Covid-19. On note que mondialement, des réflexions sont en cours pour la mise en place de nouvelles mesures, et notre île ne sera pas en reste…
Publicité
Les plus récents