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Évasion fiscale de USD 200 millions au Kenya: La Kenya Revenue Authority accuse notre centre offshore

21 juin 2022, 22:16

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Évasion fiscale de USD 200 millions au Kenya: La Kenya Revenue Authority accuse notre centre offshore

Maurice serait utilisée comme tête de pont, tremplin, plateforme ou passerelle pour les investissements asiatiques sur le continent africain. C’est ce que l’on nous serine depuis plusieurs années pour nous faire rêver de gagner de l’argent facile. Or, avec le scandale Afrigo, notre pays est bien parti pour être qualifié de tête de gondole dans le blanchiment d’argent…

On avait vu des compagnies privées étrangères uti- liser notre secteur offshore pour canaliser de l’argent loin des pays d’où provient ce même argent pour ne pas y être taxées. Avec cette affaire kenyane, on apprend que le protagoniste, Afrigo Development Co. Ltd, une entreprise immobilière, est accusée de ne pas payer ses impôts au Kenya et serait liée à une grande compagnie de construction de l’État chinois, China Communications Constructions Company (CCCC). Une compagnie d’État faisant de l’évasion fiscale ?

C’est ce que pense le journaliste d’investigation Will Fitzgibbon, connu à Maurice, surtout pour son dossier «Mauritius Leaks». Il a retrouvé le nom de Guo Quing comme directeur de quatre compagnies offshore basées à Maurice et le directeur général adjoint d’un gros projet de construction de chemins de fer au Kenya n’est autre qu’un certain Guo Quing. La compagnie qui a obtenu le contrat pour cette construction est CCCC, qui est la propriété du gouvernement chinois. En fait, c’est la filiale du holding CCCC, China Road and Bridge Corporation, qui exécute le contrat au Kenya. Est-ce le même Guo Quing, directeur général adjoint du projet kenyan, qui siège au sein de ces quatre compagnies mauriciennes ? Nous attendons la réponse de l’ambassade de Chine pour obtenir confirmation de ce qu’avance Will Fitzgibbon.

Mais revenons au fait principal, à savoir comment le fisc kenyan a-t-il été privé de l’équivalent de huit milliards de roupies de recettes. C’est la Kenya Revenue Authority (KRA), l’équivalent de la Mauritius Revenue Authority au Kenya, qui a découvert, en décembre dernier, le pot aux roses. Il faut dire que cette institution africaine est reconnue comme sérieuse et ne s’adonne pas à de la persécution des adversaires politiques comme ailleurs… Après une enquête serrée, comme on le dit chez nous, elle a conclu que CCCC a payé plus de 205 millions de dollars américains, soit Rs 8,8 milliards, en quelques années à Afrigo Development Co. Ltd pour des «sham or circuitous transactions» and «fictional imports». La KRA a immédiatement ordonné à Afrigo de payer une amende de USD 24 millions. Afrigo ne l’a pas encore fait jusqu’ici. Au cours de leurs investigations, les braves enquêteurs kenyans sont tombés sur des paiements de plus de 8 millions de dollars (Rs 344 M) faits au profit de quatre entités mauriciennes, dont Evitas et SCI Essell Associates. Ces quatre compagnies ont attiré l’attention des Kenyans car n’ayant pas d’activités en adéquation avec leurs revenus à Maurice.

Bureaux et coquilles vides

Nous avons de notre côté découvert que SCI Essell Associates n’a qu’une secrétaire et un directeur, comptable de profession, du nom de H. F. qui est, nous dit-on, en voyage à l’étranger. Le bureau ne répondait d’ailleurs pas la semaine dernière. Idem pour son voisin de palier, à la St James Court, Evitas, qui ne répond pas du tout et semble être vide. Et pourtant, elle est enregistrée à Maurice depuis 2014. En tout cas, le journaliste Fitzgibbon n’a pu obtenir de réponses de ces compagnies. Comme nous, d’ailleurs.

Mais pourquoi CCCC ou Afrigo ont-elles versé 8 millions de dollars à deux bureaux vides ? D’après les factures que le journaliste Fitzgibbon a consultées:«For royalties and to produce studies on train tunnels and concrete.» De si grandes études sur les tunnels et ciments effectués à Maurice ? Par qui ? H. F. ? Ces frais de consultants décidément très élevés font penser aux Consultancy Fees encourus dans certains projets à Maurice… Une de ces quatre compagnies opérant à Maurice a déjà fermé ses portes après avoir réussi à siphonner d’énormes sommes du Kenya, indique la KRA.

Et que font ces quatre coquilles vides de Maurice avec tout cet argent ? Selon l’enquête de la KRA, de grosses sommes repartent vers le Kenya en forme de prêts accordés à… CCCC. USD 200 M en tout, soit Rs 8,6 milliards. Et le tour est joué, c’est le cas de le dire ! Ainsi, pratiquement aucune taxe n’est payée au Kenya grâce à de fausses factures dont des frais présumés de consultants. Et une partie de l’argent défalqué revient vers CCCC comme des emprunts. Le reste est expédié vers d’autres destinations inconnues jusqu’ici. Dans les poches de certains décideurs ? Les autorités kenyanes ne le disent pas. Si cette partie de l’argent ne revient pas au Kenya et à la CCCC comme capital ou emprunt, cela ne prouveraitil pas que CCCC n’avait point besoin de cet argent ? Pourtant, les pauvres Kenyans leur ont bien payé.

Traités de tous les noms

La KRA veut agir contre ces quatre «coquilles vides». Fitzgibbon, de son côté, ne prend pas des pincettes avec notre pays : «Mauritius, which for years advertised itself as the “Gateway to Africa,” has long enticed corporations doing business in Africa to set up shell companies on the island. Mauritius offers companies secrecy, low tax rates and a network of bilateral treaties that critics allege allow profitable corporations to avoid paying taxes in some of the world’s poorest countries.» Tout en rappelant qu’à la suite du dossier «Mauritius Leaks» publié en 2019, la Zambie, le Sénégal et le Lesotho ont déchiré leur traité de non-double imposition avec Maurice, arguant que ces accords ont permis à de grandes entreprises d’échapper aux impôts dans le pays où la richesse est produite et en payant très peu d’impôts ou rien à Maurice. Le Sénégal aurait, lui, perdu $257 millions (Rs 11 milliards) en 17 ans de traité avec Maurice.

La conclusion d’Alvin Mosioma, executive director de Tax Justice Network Africa, est sans appel : «The case illustrates clearly that Mauritius has set up itself as a hub for the flow of illicit money from African countries.»

La Standard Chartered Bank pointée du doigt

<p>La KRA accuse aussi la Standard Chartered Bank de Maurice d&rsquo;avoir agi comme facilitatrice dans ce vaste programme sophistiqué d&rsquo;évasion fiscale. Nous avons envoyé un mail à cette banque, lui posant cinq questions. Pour toute réponse, elle nous fait une déclaration générale de bonne conduite : &laquo;Standard Chartered is aware of the allegations mentioned in the media article. The Bank adopts a robust Financial Crime Compliance framework and adheres to rigorous local and Global standards &amp; controls that apply to our clients, stakeholders and our staff. The Group enforces a zero-tolerance position where credible evidence of any breaches to the standards or attempts to circumvent the controls exist among its operations.&raquo;</p>