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Avortement - Choix ou crime ? Le débat se poursuit
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Avortement - Choix ou crime ? Le débat se poursuit
Le renversement récent de la jurisprudence Roe v. Wade par la Cour suprême des États-Unis remet le débat sur l’avortement sur le devant de la scène. Le vendredi 24 juin 2022, la plus haute instance judiciaire des États-Unis a abrogé le jugement Roe v. Wade, une décision juridique historique rendue en 1973 dans laquelle la Cour suprême des États-Unis avait invalidé une loi du Texas interdisant l’avortement. En conséquence, la procédure était légalisée dans tout l’État américain jusqu’à vendredi dernier. La Cour suprême des États-Unis a mis fin à cinquante ans de ce droit fédéral à l’avortement, déclarant que «la Constitution ne confère pas un droit à l’avortement». Qu’en est-il de Maurice ?
Les modifications apportées à l’article 235A du code pénal mauricien en juin 2012 ont dépénalisé l’avortement au cours des 14 premières semaines de la grossesse dans des cas spécifiques : lorsque la grossesse met en danger la vie de la personne enceinte ; lorsqu’elle met en danger la santé physique et mentale de la personne enceinte ; lorsqu’il y a une anomalie fœtale sur l’avis de spécialistes médicaux impliquant que la poursuite de la grossesse peut entraîner une malformation grave ou une anomalie physique ou mentale grave du fœtus ; et lorsque la grossesse est le résultat d’un viol ou de relations sexuelles avec un mineur, ou de relations sexuelles avec une personne déterminée lorsque le cas est signalé à la police.
Il est impératif de noter que la loi précise également que seul un médecin spécialiste en obstétrique et gynécologie peut interrompre une grossesse. Le médecin spécialiste n’est également autorisé à fournir un traitement pour interrompre une grossesse que si un autre spécialiste en obstétrique et gynécologie et un autre spécialiste dans le domaine concerné partagent son avis, tous formés de bonne foi.
«L’état et la police ne peuvent intervenir pour poursuivre une femme pour une décision autonome qu’elle choisit de prendre concernant son corps et son être.»
L’interruption de grossesse ne peut être pratiquée qu’après avoir obtenu le consentement éclairé de la personne enceinte. Dans les cas où la personne enceinte est mineure, le consentement éclairé de l’un des parents, ou du tuteur légal, est nécessaire. Lorsqu’une personne enceinte est, de l’avis des médecins spécialistes, gravement handicapée mentalement et donc incapable de comprendre les conséquences d’un traitement visant à interrompre la grossesse, ou lorsqu’elle est dans un état d’inconscience continue et qu’il n’y a aucune chance raisonnable qu’elle reprenne conscience à temps pour demander et consentir à un traitement visant à interrompre sa grossesse, le spécialiste peut interrompre sa grossesse à la demande et avec le consentement éclairé écrit de son partenaire, de son conjoint, de ses parents ou de son tuteur légal.
Dix ans plus tard, où en est l’île Maurice dans ce débat? Malgré un cadre juridique qui semble compréhensif, existe-t-il des lacunes?
«Nous sommes en faveur de la dépénalisation totale de l’avortement. L’État et la police ne peuvent intervenir pour poursuivre une femme pour une décision autonome qu’elle choisit de prendre concernant son corps et son être. Les technicités et les dispositions restrictives actuelles de la loi sont encore préjudiciables. Comment le commissaire de police ou l’État peuvent-ils avoir un quelconque pouvoir d’autorisation sur le corps d’une personne ?» se demande Lindsey Collen de Muvman Libersayon Fam.
Elle souligne qu’en premier lieu, l’existence même d’une loi visant à réglementer l’avortement va à l’encontre de tout l’objectif. «Nous devons comprendre que la dépénalisation est distincte de la légalisation de l’avortement. La légalisation implique toujours une sorte de conduite et de cadre réglementaire, d’où une interférence avec le corps des femmes. Plusieurs personnes vont dans les pharmacies pour obtenir des pilules d’avortement. Nous devons plutôt mieux réglementer qui peut et qui ne peut pas interrompre une grossesse. L’accent devrait être mis davantage sur la réglementation de la conduite et des licences des praticiens médicaux en matière d’avortement, et moins sur la vie privée des femmes.»
À l’inverse, une dépénalisation totale de l’avortement à Maurice ne va-t-elle pas ouvrir un champ massif d’abus potentiels de la part des personnes enceintes et un éventuel nombre écrasant de cas d’avortement pour absolument n’importe quelle raison, notamment de fausses allégations d’agression sexuelle ? «Zamé dan mo lavi mo finn truv enn fam fer enn avortman a moin ki li koinsé net. L’avortement est un recours pour les femmes en détresse. La loi place ces femmes dans une détresse plus grande. Dan Moris, nu pe bouz fix consernan sa size la», déclare Lindsay Collen.
Bien que les réformes de 2012 aient sûrement constitué un pas en avant après de nombreux efforts des plaideurs, Vidya Charan, présidente de la Mauritius Family Planning & Welfare Association souligne que la question s’inscrit dans un cadre juridique très restrictif qui doit être revu par les autorités. «Si l’on considère ce problème d’un point de vue social, le fait de le criminaliser empêche les personnes en situation de détresse de se tourner vers l’avortement légal. Notre constat est qu’il y a environ 1 200 cas de complications liées à un avortement forcé qui sont enregistrés dans les hôpitaux et les cliniques, et que ces patientes sont admises dans les services publics pour bénéficier de soins. Cela implique que quelque part, les grossesses sont déjà interrompues. Il est important de ne pas considérer l’avortement comme un moyen de contraception. C’est une question médicale et sociale qui doit être revue en fonction des besoins réels des personnes concernées au lieu d’être criminalisée». En conséquence, il est nécessaire d’élargir les paramètres de cette loi.
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