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PNQ neutralisée: les standing orders qui n'existent pas
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PNQ neutralisée: les standing orders qui n'existent pas
La PNQ d’hier a duré environ quatre minutes. Le speaker a par la suite interprété les «Standing Orders», les règlements qui régissent les travaux de l’Assemblée nationale, à sa guise, pour empêcher Xavier Duval de poser des questions supplémentaires. Par la suite, tous les membres de l’opposition ont été expulsés. Retour sur les implications de cette séance inhabituelle…
Les interprétations des règlements
Le Standing Order 25 (5) mentionné par Sooroojdev Phokeer stipule que «a question which one Minister has refused to answer cannot be addressed to another Minister and a question answered by one Minister cannot be put to another». Mais, en le citant, le président de l’Assemblée a dit : «You are not allowed to insist on the question in light of the answer of the Honorable Prime Minister on the basis of the wording of the PNQ», rajoutant que le Premier ministre a déjà répondu et que, de ce fait, aucune question supplémentaire n’est autorisée. Un Standing Order qui n’apparaît nulle part. D’ailleurs, Xavier Duval a fait ressortir, dans sa conférence de presse, qu’un Standing Order a été inventé.
Ce qui fait dire à Kailash Purryag, ancien speaker, qui a tenu le poste pendant sept ans, que de toute façon, peu importent les citations de Sooroojdev Phokeer, ce dernier n’a pas le droit d’interpréter la réponse de Pravind Jugnauth comme étant le fin mot de cette question. «Lorsqu’un parlementaire pose une question, le speaker a le droit de la rejeter, mais il faut qu’il l’écoute du moins. Là, il n’a même pas entendu la question. Comment a-t-il deviné ? C’est absolument révoltant.»
Rajen Narsinghen, constitutionnaliste, rappelle que le speaker n’est pas une cour de justice ni un quasijudicial body. «Xavier Duval venait avec une question supplémentaire, pas une contestation de la réponse. Selon Erskine May, la bible des procédures parlementaires, c’est tout à fait permis de poser une question pour élucider une information.» Ce point figure au Standing Order 26 (1) qui précise : «Supplementary questions may only be put for the further elucidation of the information requested, and shall be subject to the ruling of the Speaker, both as to relevance and number.»
Intervention de la justice Quels sont les recours ? Rajen Narsinghen avance que la Cour suprême peut intervenir dans les affaires du Parlement lorsqu’il y a eu un viol des droits constitutionnels ou des Standing Orders. Mais dans ce cas, est-ce qu’on peut parler d’outrage ? «Pour parler d’outrage, il faut tout d’abord se demander si une instance peut statuer sur la question et appliquer une sanction», avance Milan Meetarbhan. «Dans ce cas, deux possibilités se présentent. Soit une motion de blâme, ou bien la plus haute instance judiciaire s’il y a eu un viol de la Constitution. Historiquement, ce n’est que dans ce type de cas que la Cour suprême se prononce.» Les deux experts s’accordent sur un autre point : dans un état de droit, personne, y compris un speaker, n’est au-dessus de la loi car il n’existe aucun pouvoir qui ne soit pas contestable.
Revenant sur les Standing Orders, Rajen Narsinghen avance qu’ils sont régis par la Constitution, tout comme le rôle des membres de l’Assemblée. «Là, on peut dire que le droit constitutionnel des membres de l’opposition a été bafoué, de surcroît par une personne non-élue par le peuple. Ils ne peuvent pas exercer leur pouvoir conféré par la Constitution. L’affaire peut être présentée en cour.» Il rajoute que, de toute façon, la Constitution étant suprême, elle a préséance sur les Standing Orders. Milan Meetarbhan renchérit que même s’il n’y a pas de dispositions précises dans la Constitution, dans certains cas, les juges doivent s’appuyer sur l’esprit de la Constitution dans une affaire.
Le deuxième point soulevé par Milan Meetarbhan est qu’il est grand temps que le judiciaire réexamine la jurisprudence sur la question de nonintervention car elle est la gardienne suprême de la Constitution. Rajen Narsinghen va plus loin en réitérant un point qu’il a déjà fait ressortir : il faut une réforme systémique du fonctionnement de la justice. «Justice delayed is justice denied. Il n’est pas normal que le jugement dans l’affaire en cours d’Arvin Boolell prenne tant de temps. Ce sera un jugement académique.» Pour expliquer les délais, le spécialiste renvoie au fait que la Cour suprême de Maurice a toujours été conservatrice et pro-ordre établi.
Tous les parlementaires de l’opposition ont été suspendus et named (puis juste explusés, sauf Bhagwan). Est-ce que cela donne une majorité totale au gouvernement ? Rajen Narsinghen évoque encore une fois l’esprit de la Constitution alors que Milan Meetarbhan précise qu’il n’y a pas de précédent dans cette affaire. Mais les deux s’accordent à dire que les membres suspendus sont toujours membres de l’Assemblée car lorsque la Constitution dit trois quarts des membres, c’est calculé par rapport au nombre de membres à ce moment-là.
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