Nouveau rebondissement dans le sillage des allégations de «sniffing». Alors que Sherry Singh doit se rendre aux Casernes centrales aujourd’hui, pour la troisième partie de son interrogatoire, une lettre de son ancien «Chief Technical Officer», Girish Guddoy, vient prendre à contre-pied, mais à demi-mots, la version des faits de l’ex-patron de Mauritius Telecom. Dans les couloirs de la Telecom Tower, on explique que le CTO cherche à se protéger…

C’est le Premier ministre lui-même qui a traîné cet employé technique dans le débat en premier. À l’Assemblée nationale mardi dernier, il a fait savoir que Sherry Singh avait demandé au Chief Technical Officer (CTO) de MT d’accompagner l’équipe qui devait effectuer le «survey» et, dans la foulée, a parlé d’un rapport dans lequel ce dernier confirme qu’il n’y a pas eu de «sniffing device» qui a été installé sur le câble SAFE à Baie-Jacotet. D’ailleurs, la lettre publiée dans la presse hier fait bien ressortir ce point, qui est dans la même lignée que la narration faite par Sherry Singh jusqu’à présent. Aucun appareil n’a été installé. Mais les similarités s’arrêtent là… Le Premier ministre n’a pas précisé au Parlement que le rapport était en date du 2 juillet, soit le lendemain du premier grand déballage de Sherry Singh.

Témoin crucial

Dans son intervention sur le plateau de l’express mardi dernier, Sherry Singh avait affirmé que le CTO était au courant de l’affaire de «sniffing» car il était présent à la réunion du 14 avril dernier, lors de laquelle le technicien indien, soit «Misié Moustas», expliquait la raison de sa venue à Maurice. C’est d’ailleurs pendant cette réunion que le «sniffing» avait été mentionné pour la première fois, lorsque Misié Moustas avait expliqué qu’il était ici pour conduire un «survey» afin de déterminer le type d’appareil qui sera utilisé pour intercepter les données dans le futur…

«Il était un proche de Sherry Singh. Mais depuis le départ de ce dernier, comme c’est le cas pour plusieurs autres employés, les allégeances ont changé.»

Selon l’ancien Chief Executive Officer de Mauritius Telecom (MT), Girish Guddoy était donc là lorsqu’il a refusé l’accès, ce jour-là, à l’Indien, après ses explications. Mais suite à un appel du Premier ministre le lendemain, Sherry Singh a cédé et a accordé la permission pour le «survey». Il avait cependant demandé à Girish Guddoy d’accompagner la délégation de la Grande péninsule à Baie-Jacotet pour s’assurer qu’aucun appareil ne soit installé. «Mo’nn call mo koleg mo’nn dir li li bizin akonpagn bannla pou zot pa instal nanié», avait affirmé Sherry Singh. Interrogé sur la confiance qu’il accordait au CTO, il avait déclaré que les employés de MT sont des professionnels qui sont en poste depuis longtemps.

Flou autour de la réunion du 14 avril

Dans la lettre qu’il a adressée à Nayen Koomar Ballah, Chairman de MT, au lendemain du passage de Sherry Singh sur Radio Plus, Girish Guddoy tient toutefois un autre discours. S’il confirme sa présence à la réunion du 14 avril et assure qu’il n’y a pas d’appareil qui a été installé lors du «survey», il explique cependant qu’il n’était pas au courant du fait que «any sniffing tool project whatsoever is going to be installed in the MT premise». Selon cette version donc, le «sniffing» n’a pas été évoqué le 14 avril par les techniciens indiens, puisqu’il n’était pas au courant…

N’empêche, des sources au sein de MT font ressortir que cette lettre a été écrite après la démission de Sherry Singh par une employée, pour que le Premier ministre puisse répondre aux questions parlementaires plus aisément. On laisse entendre surtout qu’il existe un autre document qui avait été envoyé à Sherry Singh par un autre employé de MT, posté à Baie-Jacotet, après le «survey». Ce document détaille plus concrètement ce que l’équipe a fait sur place.

De plus, selon d’autres sources, il y aurait aussi un autre rapport que le CTO lui-même aurait remis à Sherry Singh, mais dans lequel il ne mentionne toujours pas la réunion du 14 avril. «Il était un proche de Sherry Singh. Mais depuis le départ de ce dernier, comme c’est le cas pour plusieurs autres employés, les allégeances ont changé», avance un ancien employé, qui est au courant du fonctionnement interne de la maison…

Girish Guddoy, un «ancien»

Girish Guddoy a rejoint MT il y a 13 ans environ, selon son profil LinkedIn. Il y est entré après ses études à l’université de Birmingham en Electronic an Communication Engineering. Ses premiers pas au sein de la boîte, il les a faits en tant que technicien de réseau. Il a gravi les échelons et depuis 2015, s’est rapproché de la direction. Lorsque l’ancien CTO a quitté son poste en 2020, Girish Guddoy l’a remplacé. D’ailleurs, lorsque MT avait reçu le «Most innovative product or service Award» de l’Africacom l’année dernière, c’est Girish Guddoy qui avait réceptionné le prix tout en déclarant que c’est Sherry Singh qui les avait poussés à développer un système de gestion qui a été plébiscité. Cette année, il était à la Dubaï expo pour présenter les services que propose MT, lors de l’ICT Business Forum.

L’ex-CEO reste confiant

Réagissant à la lettre du CTO, l’ancien CEO de MT a balayé le contenu d’un revers de main et a maintenu sa version des faits. «Je note qu’on a demandé cette lettre au CTO au lendemain de mon intervention sur Radio Plus alors que j’avais juste effleuré le sujet. I wish them good luck in their future endeavours to write endless letters and reports to come against all the evidences I’ll be coming up with, in due time», a-t-il dit.