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Quand le doute éloigne encore plus l’idée de l’«e-voting»

29 juillet 2022, 18:35

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Quand le doute éloigne encore plus l’idée de l’«e-voting»

«Ceux qui essaient de contrôler Internet pourront contrôler les élections.» Cette mise en garde avait été lancée par le député Arvin Boolell dans une conférence de presse du Parti travailliste le vendredi 15 juillet. Si beaucoup ont interprété ce message comme un avertissement contre les publications pro gouvernementales, les censures sur les réseaux sociaux ou les campagnes communales, entre autres, cela va plus loin. Avec les scandales entourant Baie-du-Jacotet et les allégations selon lesquelles le gouvernement de Pravind Jugnauth aurait «captured» des données par l’entremise de techniciens d’un autre pays, une question se pose : est-ce que l’electronic voting, souvent réclamé, surtout par la diaspora, est une bonne idée ?

Dans une interview accordée à l’express en mars 2022, le commissaire électoral, Irfan Rahman, a affirmé que «seul un consensus général permettra l’utilisation des Electronic Voting Machines (EVM) à Maurice». Cependant, du côté de l’opposition, avec les récents scandales, il est impératif de rester «on the safe side».

«L’on dit que les EVM n’ont rien à voir avec Internet, mais on ne sait jamais. Avec toutes les controverses qui ont eu lieu lors des élections de 2019 à Maurice, Cambridge Analytica et l’affaire Baie-du-Jacotet, il est sûr que l’electronic voting n’est pas envisageable», avance Arvin Boolell, que nous avons contacté.

Il est vrai, explique Ish Sookun, system architect, que voter électroniquement n’est pas comme voter sur un lien en ligne. Il y a ce que l’on appelle des Electronic Voting Machines certifiées qui n’ont rien à voir avec Internet. «Ce n’est pas un site Web sur lequel on entre pour voter. C’est tout une logistique.» Il donne comme exemple le Helios voting qui est utilisé par de nombreuses compagnies à travers le monde pour faire des votes.

Cependant, au niveau national, pour les élections générales, par exemple, selon notre interlocuteur, cela implique de nombreux risques pour diverses raisons. En effet, au fil des années, dans les autres pays comme l’Inde où l’e-voting est devenu une réalité dans plusieurs États, en 2019 un cyber-expert indien, qui a demandé l’asile politique aux États-Unis, a affirmé que les élections de 2014 en Inde avaient été truquées car l’Electronic Voting Machine pouvait être piraté, comme l’a rapporté un article en ligne d’India Times publié en janvier 2019. Les mêmes allégations avaient été faites aux États-Unis lors des dernières élections. Donc les risques ainsi que les doutes sont bien là. Ce qui repousse encore un peu plus l’idée d’EVM à Maurice.

Il faut aussi ajouter que nous n’avons pas d’ins- titutions «de confiance», souligne Arvin Boolell, pour jouer au «garde-fou». «L’ICTA, par exemple, aurait pu être l’une de ces institutions, mais on sait tous que nous avons des institutions manipulées.» En ce qui concerne les institutions indépendantes, Ish Sookun ajoute que le fait même que les EVM ne seront pas calibrées par des ingénieurs mauriciens indépendants est en lui-même un problème pour ne pas envisager cela à Maurice. «Jusqu’ici on se tourne toujours vers l’international pour des projets informatiques. Ne pas être gardien de ses propres données est un risque. Il y a trop d’incertitudes. Nous ne sommes pas prêts pour cela.»

Pour rappel, l’electronic voting a été envisagé à de nombreuses reprises à Maurice. En 2004, la firme indienne Bharati Electronics Limited (BEL) avait présenté une EVM conçue sur mesure conformément aux besoins du système électoral mauricien mais il avait reçu peu de voix des membres de la majorité d’alors ainsi que de l’opposition, qui ont indiqué avoir des réserves.