Publicité

Bananin koste: un authentique voyage rodriguais

8 août 2022, 20:08

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Bananin koste: un authentique voyage rodriguais

Sorti la leker kontan. Avec l’envie que reviennent les retrouvailles familiales du nouvel an. Tout en restant sur sa faim, à force d’avoir entendu parler de rôti. Mais surtout de compote, qu’elle soit à l’ananas-pêche-papaye… ou à la calebasse. La comédie musicale Bananin koste, jouée par Latroup Ganding vendredi et samedi au Caudan Arts Centre, c’est un peu comme cette part de tourte que les visiteurs de Rodrigues rapportent pour faire labous dou à leurs proches. 

D’abord, on apprécie le geste. Inn pans nou. Latroup Ganding nous fait généreusement cadeau de son enthousiasme, de son énergie, de son envie de faire du théâtre par-delà les difficultés. Soutenue par le National Arts Fund, Bananin koste est un exemple vivant que le théâtre de création existe encore. Cette comédie musicale mérite d’être jouée encore. 

Tiboul gardien bef contant fleurette à Garet, la fille de son patron. © Doreck Clair

Ensuite, comme avec la tourte, on prend mille précautions pour partager ce gâteau qui, malgré tout, part en miettes. S’éparpillant comme ces mots savoureux de kreol rodrige qui émaillent Bananin koste. Des expressions qui accrochent l’oreille, autant que les sonorités de l’accordéon, du tambour (la ravanne) et du triangle. Les musiciens ponctuent d’ailleurs la comédie musicale en live. 

Entre deux airs connus, où l’on a adapté les paroles, l’oreille se dresse quand Garet reproche à sa soeur Yaya de viraydore enn lazourne. On comprend que se faire traiter de gorikon n’est pas un compliment. Pari gagnant de jouer sur des mots que le public ne connaît pas. Car cela accentue le caractère authentique de cette comédie musicale. Le contexte, le ton des échanges entre protagonistes aidant à comprendre le sens des mots-découvertes. Cette comédie musicale fait là oeuvre de préservation du patrimoine linguistique spécifique à Rodrigues. 

Dans Bananin koste, on est de retour dans les années 1970 à Rodrigues. Nous entrons dans l’intimité d’une maison aux murs tapissés de papier journal. Une pratique qui a longtemps eu cours dans les chaumières. Le décorateur de Bananin koste a eu le bon goût de tapisser le fond de scène avec des pages de l’express. Le souci du détail est aussi visible dans le coin où trônent un transistor et un antique fer à repasser. 

«Bananin koste» met en scène une «matant vey zafer», jouée par Marie Claude Raphael, mais grâce à qui, tout finit par s’arranger. Face à elle, le chanteur connu, Doyal Edouard. © Doreck Clair

La mise en scène, assurée par Marcel Poinen, joue avec la profondeur. En lever de rideau, un écran projette l’image d’une rivière. Sur l’eau qui coule, les voix off racontent l’idylle de Tiboul gardien bef et Garet, l’une des deux filles de François Requin, éleveur de Saponaire, ruiné par la sécheresse. Derrière l’écran, le temps – personnifié par une danseuse rouge feu – s’écoule. Quand l’écran est levé, le rêve de Tiboul s’achève, sa dure journée de gardien bef peut commencer. 

Cette comédie musicale aborde le thème du mariage arrangé. Motivé par la sécheresse qui a ruiné un éleveur. Entre les chansons festives, c’est le triste refrain des femmes qui n’ont pas eu leur mot à dire quand leur père leur a choisi un mari, que l’on entend. Petite revanche quand Tiboul s’amuse à appeler le père de famille François Requin… ton Quin. 

On se balade enfin dans la galerie des préjugés. Sur le physique, sur les «sévé drésé ar karo». Sur le statut social, avec un Ti Zom de la Montagne, s’il vous plaît. Dont le vice c’est son penchant immodéré pour la bouteille.