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Akil Bissessur pris la main dans le sac ?
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Akil Bissessur pris la main dans le sac ?
Il était sous surveillance depuis un mois… Vendredi soir, la «Special Striking Team» est passée à l’acte. Un «live» Facebook, une vidéo et plusieurs interrogations plus tard, d’autres éléments d’informations surgissent.
«Où sont les Avengers ?» lance une source bien informée aux Casernes centrales. Selon la police, même les soutiens les plus vocaux d’Akil Bissessur vont se faire discrets «au fur et à mesure que les preuves contre l’avocat seront présentées en public»… Il nous revient que les Avengers devaient se réunir hier, mais ont reporté leur rencontre à demain. En parlant à des enquêteurs et aux avocats ainsi qu’à des proches d’Akil Bissessur, nous sommes en mesure de reconstituer une partie de cette affaire qui agite pas mal d’acteurs au sein de la politique, de la police, du barreau et de la société civile, vu que l’homme de loi est un adversaire acharné du gouvernement, qui postait régulièrement des commentaires anti-establishment.
Que s’est-il passé vendredi soir ?
La première version à laquelle le public a droit est un live d’Akil Bissessur lui-même, sur Facebook. «Lapolis pé kraz kot mo konpagn. Pa koné kifer», crie-t-il. On entend des vitres qui sont fracassées par des pierres lourdes, des voix qui hurlent : «Ouver laport. Nou éna warrant!»
On peut aussi voir dans le reflet d’un miroir qu’Akil Bissessur lève la main en haut d’une armoire avant de poursuivre son live, en se focalisant sur les méthodes brutales utilisées par la police pour entrer dans la maison où habitent sa compagne, Doomila Devi Moheeputh, et la mère de celle-ci. Ce qu’Akil Bissessur ne dit pas dans son live, mais qui sera révélé dans une deuxième vidéo, lundi. Cette vidéo a été filmée par la Special Striking Team au moment de l’arrestation de l’avocat et de sa compagne. Elle montre, en fait, la scène précédant le live. Me Akil Bissessur et Doomila Moheeputh sont sommés de «res anplas».
Mais, en même temps, une autre voix leur demande : «Ouver laport sinon nou kasé nou rantré.» Moment de flottement. Bissessur est seul dans la chambre. Il regarde un sac, le prend, fait fi des directives de la Special Striking Team et sort de la chambre. Cette vidéo donne une autre perspective sur ce qui s’est passé. Puis, on entend le son de la chasse d’eau. Un enquêteur nous dit que des traces de drogue auraient été découvertes sur la cuvette des W.-C. Ce que nient l’entourage d’Akil Bissessur et les avocats qui le représentent, qui maintiennent que l’homme de loi a été piégé.
Cette thèse est réfutée par les Casernes centrales. Un haut gradé nous dit ceci : «Nous avons travaillé selon le cadre de la loi. Quand on n’a pas de warrant, on ne casse pas chez les gens (sic). Surtout pas chez un avocat ! Nous avons suivi Bissessur de- puis quelque temps. Ce soir-là, on l’a pris en filature depuis l’Ouest. On savait ce qu’il avait dans ce sac. On a tout filmé.»
Toujours est-il que le Central Criminal Investigation Department (CCID), qui a été saisi de cette affaire, après les allégations selon lesquelles l’équipe de la Special Striking Team de Jagai aurait planté de la drogue chez Bissessur. «Nous ne voulons pas que cette affaire capote. Nous prenons toutes les précautions», dit le haut gradé des Casernes centrales. Comment explique-t-il que le Premier ministre semblait être au courant ? «Il est briefé quotidiennement par le commissaire de police. Comme je vous l’ai dit, cela fait un bout de temps qu’on le surveille et le Premier ministre a dû être informé, mais il n’a pas voulu en dire plus pour ne pas compromettre l’opération.» La police est d’avis qu’Akil Bissessur n’agissait pas seul. Deux autres avocats et des activistes seraient aussi concernés par cette affaire.
Me Sanjeev Teeluckdharry, lui, dit ne pas être en présence de ces informations.
Prochain rendez-vous : demain, en cour. Me Akil Bissessur et sa compagne pourront-ils recouvrer la liberté conditionnelle en attendant la fin des enquêtes ?
L’avocat était sous surveillance depuis un mois
De nouveaux éléments apparaissent au fil des jours, depuis que l’avocat et sa compagne ont été arrêtés. On apprend ainsi qu’Akil Bissessur était sous surveillance depuis un mois et qu’une demande concernant un mandat d’arrêt contre lui avait été faite depuis une semaine…
Le commissaire de police avait donné le feu vert pour l’opération de surveillance visant à traquer les moindres faits et gestes de l’avocat. Et pour l’équipe de Special Striking Team, sous le commandement de l’assistant surintendant de police Ashik Jagai, celle-ci a porté ses fruits.
Un retour en arrière s’impose. Que s’est-il passé en ce vendredi 19 août fatidique, avant le live Fa- cebook d’Akil Bissessur ? Ce soirlà, l’avocat et sa compagne auraient effectué, selon nos informations, le trajet Quatre-Bornes–Tamarin– Bambous–Cascavelle avant de retourner à Quatre-Bornes, à Palma plus précisément. Ils se seraient arrêtés à Tamarin et quand l’avocat est revenu, il avait un sac de sport rouge et noir à la main. Il serait descendu de la voiture une nouvelle fois, à Bambous cette fois, toujours avec son sac à la main. Ce sont les images des caméras Safe City qui ont permis de retracer ces allées et venues.
L’équipe de policiers, apprendon, a ensuite suivi l’avocat à la trace et avait l’intention de le soumettre à un drug test. Toutefois, cela n’a pu se faire car la police a estimé qu’il aurait pu alerter ceux qui se trouvaient dans la maison, à Palma, pour qu’ils fassent «disparaître la marchandise». Les officiers de la Special Striking Team ont dès lors attendu qu’il rentre à la maison avec le sac rouge et noir afin de le prendre «la main dans le sac», nous fait-on comprendre.
C’est dans la voiture de Doomila Moheeputh, une Nissan Tiida de 2008, que les suspects ont effectué le trajet, selon la police, qui les soupçonne d’être allés récupérer un colis. En route, Akil Bissessur et sa compagne se passaient le volant, toujours selon nos sources. «Enn kou li ti pé kondwir, enn kout madam-la, inn bien kalkilé sa…» Quelle est la pertinence d’une telle stratégie ? «Lors de contrôles de routine, la police a moins tendance à arrêter les vé- hicules conduits par des femmes…»
Par ailleurs, l’équipe d’Ashik Ja- gai n’a pas agi seule. Elle a demandé du renfort et sollicité l’aide de la Special Support Unit pour perquisi- tionner la maison de Doomila Moheeputh, ce soir-là. Anticipant la tournure des événements, un policier muni d’un body kit camera a filmé la scène, une partie de laquelle circule sur les réseaux sociaux. «Ce n’est qu’une partie. Il y a d’autres vidéos…» assurent des policiers.
Pourquoi donc l’homme de loi irait-il planquer de la drogue chez la mère de sa compagne, comme le dit la police ? Quid de son appartement à Dreamton Park, Sodnac, où une perquisition le même soir n’a rien donné ? «Il est rarement à son appartement, tout comme il utilise rarement sa propre voiture», affirment nos sources. La police soupçonne que c’est la maison de Doomila Moheeputh qui est utilisée pour «les transactions» et pour «planquer de la drogue».
Pour rappel, toujours selon les policiers, 52 g de drogue synthé- tique d’une valeur marchande de Rs 260 000 auraient été retrouvés à Palma, même si le rapport du Forensic Science Laboratory est attendu. En attendant, Akil Bissessur et sa compagne doivent répondre de charges provisoires pour «possession of dangerous drug for the purpose of distribution». Cela, après que «six cellophane parcels suspected to contain synthetic cannabinoids, a transparent plastic sachet containing a certain quantity of leaf matter suspected to contain synthetic cannabinoids. Two transparent plastic sachet each containing a certain quantity of leaf matter suspected to be dangerous drug» auraient été retrouvés dans la maison.
Quid du sac de sport ? Selon la police, lorsqu’ils étaient à l’intérieur, ils ont retrouvé celui-ci sur le sol, dans les toilettes. La chasse d’eau avait été tirée, selon les officiers. «Particle leaf matter was found on vase, in water pipe mixed with water», a fait comprendre l’inspecteur Ramlugun du CCID, devant la Bail and Remand Court, dimanche, dans le sil- lage de la motion de remise en liberté de l’avocat, qui a été rejetée.
Qui plus est, la police dit avoir retrouvé, dans la poche de son jean, trois carnets de papier à rouler OCB, cha- cun contenant respectivement 1, 23 et 25 feuilles, comme l’avait mentionné le représentant de la police en cour.
Les échanges au moment de l’arrestation
<p>Akil Bissessur : Péna warrant. Policier (voix masculine) : Éna warrant-la.</p>
<p>Akil Bissessur : Pa warrant sa, sé ou kart sa. Policier : Wi, pou montré bizin ouver laport.</p>
<p>Akil Bissessur (à Doomila Moheeputh) : Téléfonn mo mama, téléfonn mo papa.</p>
<p>Policier : Res lamem la. Akil Bissessur : Wi. Policier : Eh bé madam-la kot pé alé la?</p>
<p>Akil Bissessur : Ki zafer? Policier : Madam-la kot inn alé la? Linn al ouver laport la? Non non res lamem ou. Eh eh alo, res lamem! Ou res lamem la ein. Mo pé dir res laem la, res laem.</p>
<p>Akil Bissessur : Kot mo pé alé? Policier : Madam, ouver laport-la ou.</p>
<p>Doomila Moheeputh : Atann mo anvi konpran kifer.</p>
<p>Policier : Lapolis sa. Get sa, swa nou pou défons laport-la. Ouver laport, inn dir ou ouver laport-la! Défons laport-la! Eh inn dir ouver laport, ouver kouyonad-la enn fwa! Ou res kot sa laport-la laba, res kot sa laport-la. Eh Madame, res kot sa laport-la laba.</p>
<p>Doomila Moheeputh : Mo lamem la.</p>
<p>Policier : Res lamem ou… [certains sons ne sont pas audibles ou étouffés]…</p>
<p>Akil Bissessur : Get mwa, ou kapav filmé mwa. Policier : Eh défons laport-la… Filmé li touzour. Eh, dir ou ouver laport-la, pa konpran? Filmé li, filmé li… dir ou ouver laport-la, pa konpran? Mo kraz laport-la, la. Eh res lamem, res lamem ou. Téléfonn lapolis? Nou mem lapolis-la.</p>
<p>Doomila Moheeputh : Ou dir mwa ouver laport-la apré ou dir mwa res la.</p>
<p>Policier : Alé, al ouver laport-la.</p>
<p>Akil Bissessur : Mo pa konpran kifer ou la. Policier : Eh, nou éna enn warrant kont ou.</p>
<p>Akil Bissessur : Montré mwa warrant-la papa. Ou montré mwa ou kart lapolis. Ou pa ankor montré mwa warrant.</p>
<p>Policier : Non inn montré ou warrant-la 10 fwa la. Tiéna enn papié dan lamé serzan-la, ti éna non ou Madam tou la.</p>
<p>Policier : Eh, eh, eh, res la, mo pé dir twa res la, la.</p>
<p>Akil Bissessur : Eh non. Mo bizin get sa la. Policier : Eh eh eh, li pran enn sak li alé, serzan ouver, ouver, défonsé, défonsé. Défonsé, linn pran enn sak linn alé la ein.</p>
<p>Policière (voix féminine) : Get déryer, déryer la, éna laport déryer.</p>
<p>Policière : Défons l******a… pé flush, pé flush, pé flush, li pé flush, li pé flush, kas tiyo-la, kas tiyo-la, kas l******ala, défons l********m.<br />
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<p><strong>Les zones d’ombre</strong></p>
<p>Si la police semble affirmer sans l’ombre d’un doute que Me Akil Bissessur et sa compagne «trempent dans des affaires louches», n’empêche, plusieurs zones d’ombre subsistent, affirment de nombreux Mauriciens, surtout sur les réseaux sociaux. Ci-dessous, quelques-unes des interrogations que soulève cette double arrestation.</p>
<p>1) Concernant le mandat de perquisition police affirme qu’ils avaient bel et bien un «warrant», : si la Akil Bissessur et la mère de Doomila Moheeputh, que nous avions interrogée samedi, affirment que non.</p>
<p>2) Pourquoi les policiers ne se sont-ils pas contentés de défoncer la porte ? Pourquoi ont- ils saccagé la cour, et même le «<em>Mahavir Swa mi»</em> (où on effectue des prières), selon nos - recoupements ?</p>
<p>3) 52 g valant Rs 260 000, est-ce suffi samment de drogue pour qu’on accuse l’avocat et sa compagne d’être des trafiquants - avait une plus grande quantité de drogue dans ? S’il y le sac de sport, les policiers n’en auraient-ils pas retrouvé davantage ?</p>
<p>4) Comment les policiers ont-ils fait pour re trouver de la drogue synthétique dans les conduits - des toilettes ? La drogue est-elle nait-elle de la matière fécale «insoluble» ? Conte- ?</p>
<p>5) Comment être sûr qu’il s’agit de drogue alors que le rapport du Forensic Science Laboratory n’a pas encore été complété ?</p>
<p>6) La maman de Doomila Moheeputh a affir mé que les policiers avaient fermé la porte des toilettes, de la salle de bains. Pourquoi - ?</p>
<p>7) La fouille dans la maison à Palma aurait duré cinq minutes à peine. Les policiers savaient-ils déjà où chercher ?</p>
<p>8) Si comme l’allèguent les policiers, la maison à Palma est utilisée comme «planque» et pour des tran sactions, n’y aurait-on pas retrouvé l’attirail du parfait - trafiquant, genre une balance ?</p>
<p>9) En tant qu’avocat, Me Akil Bisses sur gagne bien sa vie – il toucherait quelque - Rs 300 000 par mois. Prendrait-il son temps à aller vendre de la drogue ?</p>
<p>10) Avec un tel salaire, il doit sûrement, s’il en consomme, pouvoir se payer d’autres stupéfiants plus <em>«classes»</em> que du synthé ? Et puis, si 52 g valent Rs 260 000, cela fait cher le gramme de synthé, soit Rs 5 000… «<em> té synthé sa? Mari bon zafer sa!»</em> Ki kali- ironisent ainsi des internautes.</p>
<p>11) S’agit-il d’une vendetta politique contre ce farouche opposant au régime, qui n’a de cesse de poster des messages anti-gouvernement sur Facebook ? Le Premier ministre n’a-t-il pas pro mis, après tout, une <em>«opérasion nétwayaz» </em>?</p>
<p><strong>«Fearless barrister» :une maman «traumatisée» et un père «choqué</strong></p>
<p>Dans le sillage de l’arrestation de Me Akil Bissessur et de Doomila Moheeputh, nous nous étions rendus chez la mère de cette dernière, à Palma, samedi matin. Elle était présente au moment où la police a saccagé sa maison… Bouleversée, secouée, elle confiait: «<em>Je suis traumatisée. Zamé mo pa finn pas par enn zafer koumsa…</em>» Interrogée à nouveau hier, elle a préféré garder le silence pour ne pas aggraver les choses. Alors que le portail était cadenassé, confiait-elle, la police a escaladé le mur de la maison et a en premier lieu arraché les deux caméras de surveillance qu’elle avait fait installer. «<em>Zot inn koumans zouré, kozé, pé dir ouver ouver…</em>» Elle est catégorique : les policiers n’avaient pas de mandat de perquisition, du moins elle n’en a pas vu.</p>
<p>D’ailleurs, lors de sa comparution devant la Bail & Remand Court samedi, Akil Bissessur a déploré le fait que la maison de sa compagne a été saccagée et qu’il a été agressé par les policiers. <em>«Je maintiens que de la drogue a été ‘planted’ chez ma compagne dans le but de me piéger.»</em></p>
<p>Qui plus est, les avocats du couple avaient organisé une conférence de presse après la comparution de leurs clients. «<em>C’est un ‘fearless barrister’. Il mène une lutte pour dénoncer les fraudes et autres maldonnes. Il m’a accompagné dans la contestation de la carte d’identité biométrique devant la Cour suprême</em>», a rappelé Me Neelkanth Dulloo.</p>
<p>Me Sanjeev Teeluckdharry, lui, a mis l’accent sur l’honnêteté d’Akil Bissessur. <em>«(…) les policiers ont outrepassé leurs droits et c’est bien regrettable. Quelle faute Akil a-t-il commise ? Est-ce parce qu’il se bat pour la vérité et pour dénoncer un système dysfonctionnel qu’il fait l’objet des graves accusations ?»</em></p>
<p>Le papa d’Akil Bissessur, également présent lors de la conférence de presse, s’est pour sa part dit «<em>choqué»</em> par toute cette affaire. «<em>J’ai inculqué de bonnes valeurs à mes deux fils et j’ai toujours conseillé à Akil de rester sur le droit chemin. Je n’aurais jamais pensé qu’un régime en place aurait eu recours à la violence…»</em></p>
<p>Le père de l’avocat a par la suite expliqué qu’il est lui-même un ancien douanier et qu’il a participé à plusieurs grandes opérations de lutte contre le trafic de drogue. Dans la foulée, il a soutenu que la drogue a été plantée chez la copine de son fils et que toute cette affaire est un coup monté. Quant à Avinash Bissessur, le frère d’Akil Bissessur, il a dénoncé <em>«une dictature du pouvoir».</em></p>
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