Publicité
SBM: «Secret» Bank of Mauritius ?
Par
Partager cet article
SBM: «Secret» Bank of Mauritius ?
L’assemblée générale de State Bank of Mauritius Holdings, qui s’est tenue mercredi, a laissé bon nombre d’actionnaires sur leur faim. Alors que des interrogations sont nombreuses autour de la gestion de l’institution, le secret bancaire a été brandi par Sattar Hajee Abdoula, le président, privant ainsi ces derniers de réponses. Entre-temps, les polémiques s’accumulent dans les «caisses» de cette banque.
Créances douteuses, prêts non performants, allégations de «fraudes» : autant de controverses associées à la State Bank of Mauritius (SBM) au cours des dernières années. Or, la 12e assemblée générale annuelle (AGM), qui a eu lieu mercredi dernier à Ébène, noircit davantage le tableau pour divers actionnaires. Interrogé par ces derniers sur le conflit d’intérêts dans l’affaire de prêts à risque de Rs 4,5 milliards aux frères Pabari en 2018 entre autres litiges, Sattar Hajee Abdoula, président de SBM Holdings, a maintenu que ces informations étaient «confidential and privileged».
«Il y a des maldonnes… Le board n’est pas fonctionnel et a les yeux fermés. Le président de SBM Holdings est directeur d’une autre compagnie : Grant Thornton. Les transactions bancaires reflètent des conflits d’intérêts. La State Bank ne lui appartient pas mais plutôt à chaque Mauricien», fulmine Bissoon Mungroo, un des actionnaires présents à l’AGM mercredi dernier. Ce dernier évoque une possible action en justice après des rencontres avec ses avocats la semaine prochaine.
Pourquoi ? En fait, Grant Thornton, que dirige aussi Sattar Hajee Abdoula, est responsable du recouvrement et du transfert de dettes du groupe Pabari. Le chairman de SBM Holdings est accusé dans un affidavit juré au Kenya par les frères Pabari d’ingérence dans cette affaire. Autre contentieux : en juin 2022, Adil Ameer Meea, député du Mouvement militant mauricien (MMM), avait évoqué au Parlement des prêts de Rs 12 milliards de la SBM à des étrangers, qui furent rayés comme des non-performing loans. S’y rajoute l’affaire Renish Petroleum, firme ayant emprunté 30 millions de dollars, soit Rs 1,2 milliard avec comme garantie un courriel d’une autre entreprise à laquelle elle devait vendre des produits pétroliers... Or, estimait le député mauve à l’époque, la SBM n’aurait perçu que Rs 8 millions sur les Rs 1,2 milliard déboursées. Il existe aussi le dossier du prêt de Rs 90 millions accordé à Alan Govinden en 2020. Ce dernier avait été cité dans l’affaire Angus Road.
Certes, ces litiges font réagir plus d’un. Parmi, Raj Ramlugun, secrétaire d’une association des petits actionnaires minoritaires et observateur de la société. Il s’insurge contre la prise de décision «effectuée dans l’opacité» de plusieurs compagnies gérées par l’État dont la SBM. «C’est inacceptable car c’est l’argent des contribuables. À Maurice, des institutions pour rendre des actions et les gens accountable existent. Pourquoi n’agissent-elles pas ? Si cela persiste, la situation se répliquera sous un autre régime politique et finira par piller le pays», affirme-t-il. D’après lui, ces scandales résultent de la culture de gouvernance et du choix des nominations à la tête de ces organismes d’État. «Ces nominés sont serviles. Ils peuvent être bardés de diplômes mais sont dépourvus du courage d’intégrité», ajoute-t-il.
Revenant sur l’affidavit juré au Kenya dans l’affaire Pabari en juin dernier, Ritesh Ramful, membre du Parti travailliste, déclare que «c’est très grave de par des allégations de conflits d’intérêts», ce qui rejoint l’argument de Bissoon Mungroo. Il estime qu’un des actionnaires peut faire une déposition à la police pour initier une enquête. «Le président de la SBM est mêlé directement dans cette affaire, ce qui influe sur la crédibilité de l’institution», précise-t-il. Il est d’avis que le secret bancaire mentionné par Sattar Hajee Abdoula ne tient qu’entre une banque et un client. «Les questions ont été posées lors d’une AGM et portaient sur son implication dans l’affaire Pabari. Cela n’a rien à voir avec le secret bancaire. Les actionnaires ont le droit de savoir», ajoute-t-il. D’ailleurs renchérit-il, dans cette affaire, la Banque de Maurice aurait dû réagir en voyant que l’emprunteur avait excédé sa «limit borrowing capacity» et mener une enquête.
La banque pourra-t-elle retrouver ses lettres de noblesse ?
Pour Bissoon Mungroo, la SBM progressera si l’État renvoie le président de la banque ou si ce dernier démissionne. «Ou trouv enn prézidan gagn Rs 7,5 millions dan enn an. A koté, labank donn 20 sous dividand. Where are we going?» s’interroge-t-il. Selon Raj Ramlugun, la clé se trouve dans le leadership. «Tous les partis politiques parlent de changement mais on ne peut le faire dans l’abstrait. Il faut le faire à travers les personnes auxquelles on confie les rênes des institutions parapubliques. On est en train de s’enfoncer. L’amas de ces nominés préférentiels, ayant certainement changé de camp politique à la veille des élections et sont toujours là depuis des lustres, est une insulte à la jeunesse. D’où l’urgence d’un véritable leadership comme à Singapour, en Nouvelle-Zélande et dans les pays scandinaves», avance-t-il. Une valeur à transmettre d’urgence, insiste-t-il. En guise de stratégie, indique Ritesh Ramful, les actionnaires individuels auraient dû œuvrer pour la révocation du board. Cela dit, il concède le fait que ces derniers peuvent être impuissants car c’est l’État, étant l’actionnaire majoritaire, qui nomme les directeurs, comme c’est le cas de la plupart des corps parapublics. «Mais si le gouvernement veut sauvegarder l’image bancaire de notre île et être responsable, il peut révoquer le comité et son président et réclamer une enquête policière.»
Publicité
Les plus récents