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Tourisme de demain: «A Bangladeshi with a Mauritian smile»
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Tourisme de demain: «A Bangladeshi with a Mauritian smile»
Qui l’aurait cru et pourtant ce sera une réalité dans quelques semaines. Le tourisme aura bientôt son lot de main d’œuvre étrangère. On savait que les grands groupes hôteliers avaient jusqu’à tout récemment privilégié les compétences étrangères pour des postes de directeurs mais se tourner aujourd’hui vers l’Inde et le Bangladesh afin de recruter des employés pour certaines tâches spécifiques, il fallait vraiment y penser !
À qui la faute, ose-t-on demander, si le secteur a perdu 4 400 personnes en une année, soit de mars 2020 à mars 2021, une situation qui a empiré en 2022, à en croire le directeur de l’AHRIM, Jocelyn Kwok. Et il maintient dans une récente interview de presse que «si le problème de main-d’œuvre n’est pas géré tout de suite avec l’urgence qui s’impose, nous ne pourrons réussir pleinement la prochaine haute saison et par extension atteindre nos objectifs nationaux de croissance économique…»
Entendons bien. En même temps, il ne faut pas tout mettre sur le dos du Covid-19 si une frange importante de la main-d’œuvre – allant de valet de chambre à serveur, jardinier et cuisinier, en passant par d’autres catégories d’employés – de ce secteur a été contrainte de partir face aux nouvelles conditions de travail imposées par la crise sanitaire. Aujourd’hui, malgré les signes d’une reprise durable, où 557 245 touristes ont déjà foulé le sol mauricien de janvier à août, les opérateurs se plaignent cruellement d’un manque de bras pour soutenir cette nouvelle croissance dans les arrivées.
Or, que constatons-nous ? Malgré les appels répétés à ces ex employés pour qu’ils reviennent, ces derniers refusent, sachant qu’ils ont été jetés comme de vieilles chaussettes au pire moment de la crise et que rien n’a été fait pour les retenir. Kevin Teeroovengadum, un directeur de Radisson Blue Azuri Resorts & Spa et qui se veut être un observateur attitré de grandes évolutions du secteur touristique local, comprend la démarche de ces nombreux jeunes qui ont décidé de mettre une croix sur leur carrière dans l’hôtellerie. «Qu’a-t-on fait au niveau de certains groupes pour les retenir financièrement ? Certains ont décidé de se mettre à leur propre compte comme des petits entrepreneurs et se plaisent dans ce qu’ils font. D’autres ont été recrutés dans des centres d’appel pour quelques milliers de roupies en plus. On laisse partir des personnes formées qui incarnent cette hospitalité mauricienne et maintenant on recherche désespérément ces compétences hors de Maurice, en Inde et au Bangladesh !»
Si on veut trouver une logique dans toute cette scène qui se joue actuellement dans cette industrie, il n’y en a pas malheureusement. D’autant plus, comme dirait l’autre, qu’il n’y a pas eu visiblement de sursaut de la part de ces grands groupes hôteliers qui ont bénéficié des milliards de la MIC durant la crise du Covid pour éviter l’écroulement de leurs établissements et qui, en contrepartie, devraient se livrer à une remise en ordre de leurs opérations, voire un changement du train de vie de leurs directeurs. Ce n’est malheureusement pas le cas…
Complémentarité
Aujourd’hui, on se voit face à la dure réalité d’avoir à importer de la main-d’œuvre. D’ailleurs, le patron de l’AHRIM est catégorique. Les hôtels ont besoin, dit-il, de ces travailleurs pour se stabiliser et assurer la continuité de leurs opérations. Il ajoute que son association croit que «le succès futur de l’industrie touristique repose sur une complémentarité entre une main-d’œuvre locale de qualité et des techniciens étrangers formés».
Une posture qui relève d’une réflexion mais la réalité est sans doute différente. Le succès de cette industrie a longtemps reposé sur la spécificité du produit touristique où le service s’allie à l’hospitalité mauricienne proverbiale. Est-ce qu’on peut changer ce modèle ? Oui, soutient Jocelyn Kwok, estimant que la particularité de l’hospitalité mauricienne, comprenons par-là, l’accueil, le sourire, la facilité relationnelle, ne devrait aucunement constituer un obstacle à «une politique nationale d’emploi de main d’œuvre étrangère».
Si on part du postulat que l’hospitalité mauricienne doit se limiter à la main-d’œuvre locale, peut-on encore trouver de jeunes à affecter au service de réception d’un hôtel s’ils ne sont pas suffisamment rémunérés et encouragés à y rester et y faire carrière ? Gerald Lincoln, Country Leader d’E&Y, estime que la nouvelle configuration de l’industrie touristique était prévisible avec l’effet du Covid et le phénomène de grande résignation qui touche aujourd’hui les États-Unis et l’Europe. «Il y a une remise en question de ce secteur par ces jeunes, qui, après la crise sanitaire et économique, ont voulu donner une nouvelle orientation à leur vie professionnelle en se lançant dans l’entrepreneuriat. Ils veulent se donner un nouveau mode de vie sans aucune pression du travail. Il ne faut pas occulter le fait qu’il y a énormément de jeunes qui ont été attirés par des emplois avec des salaires alléchants dans des bateaux de croisière.» Dès lors, il n’y a pas de choix. Il faut privilégier la compétence étrangère mais uniquement, précise-t-il, pour des services d’appui qui ne nécessitent pas de contacts avec la clientèle touristique. «La force de l’hospitalité mauricienne relèvera obligatoirement du personnel mauricien. Les touristes viennent sans doute à Maurice pour le service mais aussi pour son hospitalité.»
Sans doute oui, explique Kevin Teeroovengadum, mais il faut se rendre à l’évidence, selon lui, que l’hospitalité et le service forment un tout et que si l’hospitalité flanche, le service en subira les conséquences. Cela, alors même que de l’avis des spécialistes, il y a eu ces dernières années une dégradation constante des prestations dans certains établissements hôteliers. Naden Coodien, spécialiste en formation, opérant à Dubaï à la tête de la VHOTEC International Academy, qui forme des jeunes aux différents métiers liés à l’hospitalité, croit que le sourire mauricien couplé à l’hospitalité tant vantée par les opérateurs, motive peu un touriste quand il s’agit de choisir sa destination. «Je reste persuadé que c’est le service qui est la principale motivation. Les touristes veulent value for money. Ils refusent qu’on leur vende des rêves. Or, il n’est un secret pour personne que la qualité des services a baissé dramatiquement ces dernières années dans les hôtels de Maurice. D’où la raison d’être de notre académie qui vient répondre à cette lacune en formant le personnel dans les différents métiers techniques pour répondre aux attentes d’une clientèle touristique toujours exigeante.»
Quoi qu’il en soit, les problématiques sont posées aujourd’hui pour cette industrie à la recherche d’un nouveau souffle après l’expérience traumatisante du Covid. On saura demain si son salut passe par la main-d’œuvre étrangère. Dans ce cas, est-ce qu’il faudra s’attendre à ce que l’hospitalité mauricienne soit incarnée par un Bangladeshi with a Mauritian smile ? Comprenne qui pourra…
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