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La saison a commencé: avec la coupe de la canne, arrive l’époque des champignons
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La saison a commencé: avec la coupe de la canne, arrive l’époque des champignons
Une petite silhouette fine assise sur le bord de la chaussée. Une robe à fleurs, un gilet rouge et un fichu de la même couleur. Devant elle, un vieux pot de peinture en guise d’étal, une cuvette en étain et des dizaines de petits sachets qui contiennent une poignée de fines tubercules blanchâtres. Chaque instant, ce mardi matin-là, des mobylettes et des voitures s’arrêtent : «Quel prix ?», demandent à la hâte les gens de passage. Manifestement, tout le monde sait précisément ce qui se vend ici, à Desjardins Mon Loisir. «25 roupies.» En quelques instants, la transaction est faite : un ou deux sachets, parfois plus, changent de mains.
Le véhicule redémarre et Indranee Seeboruth enfouit précieusement les quelques billets dans sa poche. «Revenus à la poêle, avec un peu d’ail et de piment, on va se régaler», commente une acheteuse qui file aussitôt. «Je les cuisinerai dès ce soir, car ils ne se conservent pas.»
Tout le monde connaît Indranee dans le village. Elle fait ça depuis des années, de début octobre à fin novembre ; elle vend les champignons qu’elle ramasse elle-même. «On les trouve dans l’écume de la canne, très tôt le matin, lorsque la terre n’est pas encore durcie par le soleil», explique-t-elle, sans trop entrer dans les détails. Il faut dire qu’elle a fort à faire : d’un oeil, elle surveille le travail de son fils, qui en retrait dans une camionnette les épluche minutieusement un à un, de l’autre, elle guette le va-et-vient des clients. Sans oublier que c’est elle qui remplit les sachets en utilisant un pot de Yoplait vide comme unité de mesure pour être sûre de proposer des quantités égales. «Cela ne rapporte pas gros», dit-elle, l’oeil malicieux. «Cela complète ma retraite.»
Les Mauriciens qui ont gardé le contact avec le terroir le savent bien : l’extraction du sucre de la canne produit deux types de résidus : la bagasse, matériau fibreux composé essentiellement de cellulose, et l’écume, sorte de boue pâteuse issue de la décantation du jus de canne. «Nous utilisons l’écume comme fertilisant car elle est riche en phosphates», détaille, un peu plus tard, Nikhil Sookun, ingénieur agronome à l’exploitation sucrière de Constance.
«D’ailleurs, je vais vous montrer.» Au coeur de l’exploitation, entre deux champs de cannes encore sur pieds, il s’arrête devant un tas de terre brune que quelques personnes, un sarcloir à la main, raclent avec méthode. Soudain inquiet, tout le monde cesse son activité et presque tout le monde refusera d’être photographié. «Ils ont peur, mais nous les laissons faire car il ne serait pas économiquement rentable de valoriser ce sous-produit», reprend Nikhil Sookun. «Nous avons déposé l’écume, il y a quelques jours seulement, les gens le savent bien. L’écume apporte des matières organiques et du calcium très efficaces pour la régénération des sols. Nous l’utiliserons dans quelques semaines. C’est parce que cette matière est riche en phosphate que les champignons y prolifèrent.» Ce n’est pas un hasard si le Food and Agricultural Research and Extension Institute, l’unité de recherches du ministère de l’Agro-industrie, avait développé, dès 1970, des tests de culture de champignons blancs dans un sol composé de bagasse et d’écume (et de paille de riz). Mais ceci est une autre histoire. Pour l’heure, cela n’empêche pas Indranee Seeboruth de continuer de régaler ses clients.
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