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Carnet de voyage: À la recherche de la lumière et de l’espoir au Moyen-Orient

29 octobre 2022, 17:00

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Carnet de voyage: À la recherche de la lumière et de l’espoir au Moyen-Orient

Après deux années marquées par d’importantes restrictions de déplacement et le stress cumulatif lié à la pandémie de Covid-19, voici enfin la chance de voyager. Direction donc l’Arabie Saoudite pour y accomplir l’Umrah, soit le pèlerinage à la Mecque, et place ensuite à la découverte de la Jordanie et de la Palestine dont la beauté intemporelle témoigne de plusieurs décennies de résistance.

La Mecque : Ville de Lumière

Des températures torrides de 40 degrés Celsius en ce mois d’octobre, un faible taux d’humidité. La fatigue n’est rien comparée à la vue fascinante de bâtiments gigantesques, à la propreté, au beau chant de l’Adhan qui retentit au moins cinq fois par jour et au quotidien chargé mais discipliné des habitants des deux villes les plus magnifiques de l’Arabie Saoudite : la Mecque et Médine.

À la Mecque, jour et nuit ne font qu’un. Le séjour d’une semaine avait été confié à l’hôtel Pullman Zamzam Makkah, l’un des meilleurs hôtels situés dans le bâtiment Abraj Al Bait, soit les «Clock Towers». La vue somptueuse qu’offre la plus grande mosquée du monde et le lieu le plus sacré de l’Islam, l’Al Masjid Al Haram, qui possède un total de 99 portes d’entrée et abritant également la Ka’aba, était visible à tout moment. Le passage du temps était marqué par l’arrivée et le départ réguliers de pèlerins venant du monde entier, et des centres commerciaux et restaurants qui demeurent opérationnels pendant toute la nuit dans la célèbre rue Ibrahim Khalil, située juste en face du site de la mosquée, à côté des «Clock Towers». Cette ville ne s’arrête en fait que très brièvement. Lorsque tout se ferme cinq fois au cours de la journée afin que chacun puisse accomplir ses prières.

Malgré le dynamisme de ce mode de vie, accomplir l’Umrah reste en soi certainement l’expérience la plus paisible et la plus enrichissante que l’on puisse entreprendre sur le plan spirituel. Dans l’état d’Irham, un état sacré que doit atteindre tout musulman en vue d’accomplir l’Umrah, en effectuant des rituels de purification et en portant les tenues prescrites, il est interdit d’appliquer tout produit chimique ou parfum sur le corps. Par-dessus tout, la mise en pratique de la pleine conscience est un impératif : faire attention à ses mots, ses actions, ses intentions, obtenir le pardon de tous et pardonner aux autres, être honnête avec soi-même, et ne se concentrer que sur l’essentiel.

L’Umrah a débuté avec l’intention de tout laisser derrière soi et d’être présent dans l’instant. Ensuite, le Tawwaf, qui consiste à effectuer sept tours de la sainte Ka’aba dans le sens anti-horaire. Ce rite est, de manière intéressante, une réflexion des mouvements orbitaux des corps célestes de l’univers, puisque, selon des recherches scientifiques, chaque création est en mouvement orbital constant autour d’un point central. Par exemple, la Lune tourne autour de la Terre, effectuant une révolution en un mois, alors que la Terre tourne à son tour autour du Soleil, effectuant une révolution en un an. Le Tawwaf est donc vu comme le reflet de cette loi cosmique, la sainte Ka’aba étant le centre spirituel du monde et l’axe spirituel autour duquel tourne la boussole des musulmans.

Ensuite, accomplir les prières, boire l’eau sacrée de Zamzam et accomplir le Sa’ee, un rituel qui consiste à faire sept allersretours entre les deux petites collines de Safa et Marwa, situées à côté de la Kaaba. Trois heures de marche pour parcourir environ 4 à 5 kilomètres, le courage est infini. Une fois terminé, les hommes se sont fait raser la tête et les femmes ont coupé une partie de leurs cheveux pour sortir de l’état d’Irham. Une expérience qui m’a permis de retenir des enseignements clés : la prise de conscience de nos pensées et la régulation de nos émotions sont bénéfiques. En tant que jeune femme, l’occasion aussi de ne pas se conformer aux standards de beauté normatifs pendant quelque temps et de porter le hijab, qui procurait un sentiment de liberté authentique et de bien-être.

Sentiment également partagé par les autres Mauriciens du groupe Skylink, mené par Syed Abdullah Attari, avec lequel nous avons voyagé. «C’était ma première Umrah et j’y suis allée avec mon père. Les gens étaient amicaux, et c’était magnifique de voir des musulmans du monde entier se réunir pour prier. J’ai vécu quelque chose d’exceptionnellement paisible», confie Mehzabeen Rommaldawo, 32 ans. Pour Tabrez Aumdally, âgé de 22 ans, cette expérience lui a permis de «s’ouvrir davantage au monde et de devenir plus mature».

Le séjour à la Mecque était également marqué par diverses activités, dont l’ascension nocturne de la montagne Jabal-Al-Nour, Montagne de la Lumière. Le point de vue sur la ville pendant la nuit est impressionnant. Le sommet de cette montagne abrite la grotte de Hira dans laquelle le prophète Mahomet aurait médité et reçu sa première révélation, constituée des cinq premiers versets du chapitre 96 du Coran, le premier mot étant Iqra, qui signifie «Lis». Assise sur place, on se rappelle l’importance d’une éducation holistique qui englobe le développement du caractère, des valeurs et des responsabilités, outre les connaissances académiques.

La ville de la Mecque a également laissé transparaître l’essence de l’unité et la solidarité : les gens du monde entier, indépendamment de leur classe, statut social, nationalité ou race, se sont prosternés ensemble au chant d’Allahu Akbar (Allah est le plus Grand) lors des prières, ont socialisé et ont distribué de la nourriture les uns aux autres dans la mosquée.

Médine : Une bibliothèque vivante

Par la suite, direction Médine pour célébrer l’Eid Milad Un Nabi, l’anniversaire du Prophète Mahomet. L’Al Masjid An Nabwi, la mosquée du Prophète, accueillait ce jour-là plus de cent mille personnes à tout moment. Une forte présence sécuritaire assurait la discipline. La vue et le sentiment de joie étaient magnifiques, et les gigantesques parasols dans l’enceinte de la mosquée étaient ouverts du lever au coucher du soleil pour abriter les fidèles du soleil brûlant. Pour terminer la journée, on a choisi son plat préféré parmi un large ensemble de nourritures : le falafel, le shawarma, le briyani, la cuisine indienne, pakistanaise ou encore afghane.

 

 

Sur les champs de bataille des montagnes Uhud et Badr, qui revêtent une importance majeure pour l’établissement et la propagation de l’Islam, un aperçu complet des différents aspects de l’Histoire qui ont été expliqués en détail. Bref, une effusion de connaissances alors qu’on transcende des années de brassage social, culturel, politique et religieux de cette ville. «On dirait qu’on a eu une bibliothèque vivante, guidée par le sens contextuel du Coran et de l’Histoire, basé sur ce que le Prophète Mahomet a dit et fait», relatent Saoud et Mariam.

Et pour les organisateurs, un moment agréable qui demande néanmoins beaucoup d’efforts. «En tant que membre de l’équipe, j’ai voyagé au moins huit fois, la première fois en 2016. Nous discutons et planifions collectivement pour savoir comment en faire une bonne expérience pour les pèlerins. Il y a aussi beaucoup de recherches qui expliquent les différents contextes liés aux endroits que nous visitons afin que les gens soient pleinement conscients de la bonne information», explique Yasheen Sowdager. Pour Faez Kaimullah, 30 ans, cette année a été particulièrement différente. «Lorsque j’y suis allé auparavant, de nombreuses restrictions étaient en place en raison de la pandémie. Cette fois-ci, heureusement, nous avons pu visiter des lieux et prier librement. Beaucoup d’efforts ont également été faits pour assurer la sécurité, les soins et la bonne santé des pèlerins», dit-il. 

La Palestine, un territoire aux beaux paradoxes

Après la Mecque et Médine, on se dirige vers le troisième site le plus sacré pour les personnes de foi musulmane : la mosquée Al Aqsa, située à Jérusalem en Palestine. Sa beauté gigantesque, ses bâtiments bien entretenus et son architecture racontent une histoire unique. L’enceinte, vieille de plusieurs siècles, s’étend sur plus de quatre kilomètres, sa totalité étant connue sous le nom d’Al Aqsa ou Bayt al-Maqdis (la maison de la sainteté).

Historiquement au centre des conflits qui se sont amplifiés depuis la création du nouvel État d’Israël en 1948, ce complexe est aujourd’hui divisé en quatre quartiers : le quartier musulman, le quartier juif, le quartier arménien et le quartier chrétien. Il abrite également des marchés de rue, divers points de vente de produits alimentaires, des maisons des communautés palestiniennes et des églises, la principale étant la «Church of Holy Sepulchre». Durant la visite, on peut apercevoir le lieu où Jésus a été crucifié, à un endroit connu sous le nom de Calvaire ou Golgotha, et le tombeau vide de Jésus, où il a été enterré et a ressuscité. Au même moment, on peut entendre des prières et des chants juifs provenant du «Wailing Wall», situé dans le quartier.

Juste à côté se trouve la mosquée d’Umar Ibn Al Khattab, le deuxième calife de l’Islam. Non loin de là se trouvent la mosquée Qibly, la mosquée Al Buraq et le «Dome of the Rock». Parmi les principales significations d’Al Aqsa il y a celle de la première direction dans laquelle les musulmans priaient avant qu’il ne soit révélé au prophète Mahomet que la nouvelle direction de prière serait la Ka’aba. Il est également considéré comme le site du voyage nocturne du prophète Mahomet, soit le Mi’raj, depuis la mosquée de la Mecque, pour se rendre au paradis et recevoir des enseignements de la part d’Allah. Ce lieu reste aujourd’hui une ode à la beauté, à l’Histoire et à des années d’expériences, bonnes, conflictuelles et significatives, où l’on peut voir le rocher élevé sur lequel le prophète Mahomet s’est tenu lors de son voyage nocturne au paradis durant la nuit du Mi’raj.

Jordanie : De toute splendeur

La capitale de la Jordanie, Amman, était dotée d’une architecture et d’une culture royales datant de plusieurs siècles, qui restent intactes à ce jour. Parmi, la Grotte des Sept Dormeurs, de belles maisons dans des zones résidentielles ou encore le «Sultan Market». La région montagneuse de Balqa abrite, pour sa part, les sanctuaires de divers prophètes tels que Shoaib et Yusha. Au sanctuaire de ce dernier, situé dans les montagnes, le point de vue panoramique splendide s’étend sur la vallée de Jordanie, le Jourdain, et la ville de Nablus dans la région confinée de West Bank en Palestine. À la Jordan River Rest House, dans la vallée, on nous offre le briyani traditionnel au déjeuner. Le pays a une touche de magie. Les gens sont accueillants et passionnés de musique et d’art, les femmes se rendent au travail en voiture et participent activement à la gestion de l’économie. Le quotidien semble se passer très bien dans ce royaume. Sauf qu’il est très coûteux pour les Mauriciens qui s’y rendent. Un dinar équivaut à près de 64 roupies!

Crois en tes rêves

À Hébron, les jeunes Palestiniens se tiennent au balcon de leur maison et nous accueillent alors que nous traversons le quartier pour nous rendre au sanctuaire du prophète Ibrahim (Abraham), considéré comme le père de la foi par les Juifs et les musulmans. Divisée par la guerre, l’ambiance de cette ville suscite des émotions contradictoires de rupture, de douleur, de lutte pour la survie et de désespoir. Malgré tout, les petites maisons brisées du quartier palestinien sont embellies par des pots de fleurs multicolores, apportant un sentiment de beauté, de réconfort et de calme. Et ne semblant pas avoir d’autre moyen de s’exprimer, les habitants d’Hébron se contentent de transformer les restes de murs cassés le long de la rue en véritables chefs-d’œuvre d’espoir, de persévérance et de promesses d’un avenir meilleur fondées sur la confiance en soi. Dans une Palestine ravagée par la guerre, les rêves sont toujours vivants grâce à l’art mural. Tous les membres du groupe, petits et grands, ont apprécié cette expérience. «Ce voyage en Jordanie et en Palestine a été un immense coup de coeur. J’étais émotionée en voyant les paysages ainsi que la culture, les places qui sont très historiques», relate Washifa, habitante de Bel-Air-Rivière Sèche.

 

 

 

«Don’t shoot»

Face à la beauté éternelle de la Palestine, le contrôle flagrant des forces israéliennes, caractérisé par des tactiques d’intimidation délibérées ainsi que par le déploiement d’armes et de force, reste tout aussi frappant. Lors du passage de la frontière pour entrer en Palestine, territoire contrôlé par les forces israéliennes, celles-ci sont particulièrement rigoureuses. La procédure est normale, nous dit-on, et sept d’entre nous sont détenus pendant trois heures. Les autres membres du groupe - des personnes d’âge moyen et âgées - sont autorisés à entrer et se voient remettre leur passeport et leur permis d’entrée.

Notre visite à Al Aqsa a aussi coïncidé avec la fête juive de sept jours, connue sous le nom de Souccot. Au cœur des moments de paix et de prières, de subtiles indications de supériorité, de pouvoir, de contrôle politique et de peur subconsciente, car des fidèles juifs ont été vus, escortés par des soldats israéliens dans l’enceinte de la mosquée. Les prières du vendredi ont été marquées par des moments d’unité, de diversité, de joie et de paix. Toutefois, mettre les pieds dans la mosquée, tout en sachant qu’elle a été le siège d’attaques et de meurtres ne laisse pas insensible.

Au moment de notre départ, le chauffeur s’est trompé de voie en entrant dans la zone de sécurité frontalière, avant de revenir sur la bonne voie. La suite, je me souviens avoir été entourée par des soldats israéliens. Le conducteur, lui, a été traîné, et on lui demande de se mettre à genoux et de placer les mains sur la tête. Un soldat intervient et nous demande de nous asseoir tranquillement. Par la fenêtre, quatre d’entre eux nous ciblent. Je lève les mains et, alors que chaque seconde ressemble à une éternité, une pensée revient sans cesse à l’esprit. «Don’t shoot.» Deux heures et un contrôle de sécurité strict plus tard, on est en sécurité et on nous donne librement notre permis de sortie. Quant au chauffeur, je ne l’ai pas revu.